lire le discours du pape - Actualité - Discussions
Marsh Posté le 19-09-2006 à 18:44:10
"C'est pour moi une grande émotion que d'être de retour dans cette université et de pouvoir, une fois de plus, m'exprimer depuis cette tribune. Je repense à ces années quand, après une belle période à lInstitut supérieur de Freising, j'ai commencé à enseigner à l'université de Bonn. C'était en 1959, au temps de l'ancienne université. Il n'y avait pour les différentes chaires ni assistants, ni secrétaires, il y avait par contre des échanges direct avec les étudiants et surtout entre les professeurs. Avant et après les cours, nous nous retrouvions dans la salle des enseignants. Les échanges avec les historiens, les philosophes et les philologues, et naturellement entre les deux facultés de théologie étaient très vivants. Une fois par semestre, ce quon appelait un Dies academicus permettaient à des professeurs de toutes les facultés de se présenter devant les élèves afin de faire l'authentique expérience de l'Universitas.
En d'autres termes, l'expérience que malgré nos spécialisations, qui rendaient parfois difficile la communication entre nous, nous faisions cependant un tout; que nous travaillions avec la même raison dans toutes ses dimensions, avec le sentiment que nous devions assumer une responsabilité commune dans son usage. L'université était très fière de ses deux facultés de théologie. Il apparaissait clairement qu'elles aussi, dans la mesure où elles d'interrogeaient sur la raison de la foi, accomplissaient un travail qui relevait nécessairement du tout de l''Universitas scientiarum', même si tous ne partageait pas la foi dont les théologiens s'efforçaient de montrer qu'elle s'ordonne à la raison commune. Ce profond sens de la cohérence avec le cosmos de la raison n'était pas troublé, même lorsqu'un collègue déclara qu'il y avait dans notre université quelque chose de curieux: deux facultés s'occupant de ce qui n'existe pas: Dieu. Mais il était accepté par tous, dans l'ensemble de l'université, qu'à l'encontre d'un scepticisme aussi radical, il était nécessaire et raisonnable s'interroger sur Dieu en usant de la raison, dans la tradition de la foi chrétienne.
Tout ceci m'est revenu à l'esprit récemment, lorsque j'ai lu une partie du dialogue publié par le professeur Khoury (de Münster) entre lempereur byzantin érudit Manuel II Paléologue et un savant persan sur le christianisme et lislam, et sur leur vérité respective. C'était peut-être en 1391, dans le camp dhiver dAnkara. L'empereur a probablement lui-même couché par écrit ce dialogue durant le siège de Constantinople, entre 1394 et 1402; cela expliquerait pourquoi ses raisonnements ont été restitués avec davantage de précision que ceux de son interlocuteur perse. Le dialogue porte sur ce qui est écrit dans la Bible et dans le Coran au sujet de la foi. Il traite plus particulièrement de l'image de Dieu et de l'homme, aussi revient-il nécessairement et de façon répétée sur la relation entre les trois "Lois" ou "règles de vies", ainsi qu'elles sont nommées: l'Ancien testament, le Nouveau testament et le Coran. Je ne voudrais discuter au cours de mon exposéque que d'un seul point, d'ailleurs marginal dans le texte du dialogue, mais qu'en lien avec le débat sur la foi et la raison je trouve captivant et qui me sert de point de départ pour mes réflexions sur ce thème.
Dans le 7e dialogue édité par le professeur Khoury ("dialexis", "controverse" ), l'empereur en arrive à parler de la guerre sainte. L'empereur savait certainement que dans la sourate 2.256, il est écrit: "Pas de contrainte en matière de foi". Selon les spécialistes, il s'agit-là d'une des sourates primitives, datant d'une époque où Mahomet était encore sans pouvoir et se trouvait menacé. Mais l'empereur devait naturellement connaître aussi les instructions inscrites dans le Coran à une époque plus tardive, au sujet de la guerre sainte. Sans s'attarder sur les détails, telle que la différence de traitement entre les "Gens du Livre" et les "incroyants", il interpelle son interlocuteur d'une façon étonnamment abrupte au sujet des relations entre la religion et la violence en général, déclarant: "montre moi ce que Mahomet a apporté de neuf, et alors tu ne trouveras rien que de mauvais et d'inhumain, tel que son ordre de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait." Après s'être exprimé avec tant de force, l'empereur s'attache à expliquer par le détail les raisons pour lesquelles propager la foi par la violence est absurde.
La violence est incompatible avec la nature de Dieu et la nature de l'âme. "Dieu ne prend pas plaisir au sang", dit-il. "Et ne pas agir raisonnablement est contraire à la nature de Dieu. La foi nait de l'âme, pas du corps. Quiconque veut amener quelqu'un à la foi doit pouvoir user de la faculté de bien parler et raisonner correctement, non de la violence ou de la menace
Pour convaincre une âme raisonnable, nul besoin d'un bras puissant ni d'arme d'aucune sorte, ni d'aucun moyen avec lequel menacer quelqu'un de mort
"
La principale phrase de cette argumentation est celle-ci: Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L'éditeur, Théodore Khoury, observe que pour l'empereur, un Byzantin nourri de philosophie grecque, ce principe est l'évidence-même. Mais pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée par aucune de nos catégories, pas même celle du raisonnable. Khoury cite alors l'étude du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui souligne que Ibn Hazm est allé jusqu'à affirmer que Dieu n'est pas même lié par sa propre parole, et que rien ne peut l'obliger à nous révéler la vérité.
Si c'était la volonté de Dieu, l'homme devrait même être idolâtre.
Nous nous trouvons ici devant un dilemme inévitable dans la compréhension de Dieu et dans la réalisation de la religion. Est-ce que la conviction qu'agir contre la raison est contraire à la nature de Dieu est une idée purement grecque, ou bien a-t-elle toujours été une vérité ensoi? Je pense que nous pouvons voir ici l'harmonie profonde entre ce qui est grec, au meilleur sens du terme, et la foi en Dieu fondée sur la Bible. En référence au premier verset de la Genèse, Jean a ouvert le prologue de son Évangile avec la parole: "Au commencement était le Logos." C'est exactement le mot qu'utilise l'empereur. Dieu agit avec Logos. Logos désigne à la fois la raison et la Parole - une raison créatrice et qui peut se donner en participation, précisément comme raison. Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime du concert biblique de Dieu, à laquelle aboutissent tous les chemins, souvent difficiles et tortueux, de la foi biblique, trouvant en elle leur synthèse. L'évangéliste nous dit: Au commencement était le Logos, et le Logos est Dieu.
La rencontre entre le message biblique et la pensée grecque ne s'est pas produite par hasard. Ainsi la vision de Saint Paul, qui dans un rêve a trouvé les routes vers l'Asie barrées et a vu un homme macédonien qui appelait: "Vient à notre aide" (Actes 16, 6-10). Cette vision peut être interprétée comme une "distillation" de la nécessaire rencontre interne entre foi biblique et questionnement grec.
En fait, ce rapprochement était depuis longtemps en marche. Le nom de Dieu très mystérieux émanant du buisson ardent, un nom qui sépare ce Dieu de toutes les autres divinités aux noms multiples, et le nomme simplement l'Être, est une remise en cause du mythe, qui présente certaines analogies avec la tentative de Socrate de dépasser et de surmonter le mythe. Dans l'Ancien testament, le processus commencé au buisson ardent atteint une nouvelle maturité durant l'Exil, quand le dieu d'Israël, alors privé de pays et de culte, est proclamé Dieu du ciel et de la terre et se présente comme une simple formule, qui fait écho à la parole du buisson ardent: "Je le suis".
Cette nouvelle compréhension de Dieu s'accompagne d'une clarification qui s'exprime dans le mépris des idoles, qui ne sont que l'uvre des mains de l'homme (cf. Ps 115). Ainsi, à l'époque helléniste, malgré le vif conflit avec les autorités hellénistes qui voulaient faire adopter par la contrainte leurs coutumes et le culte de leurs divinités, la foi biblique rencontra la pensée grecque de l'intérieur. Il en résulta en enrichissement mutuel particulièrement évident dans la littérature sapientielle. Nous savons aujourd'hui que la traduction de l'Ancien testament en grec réalisé à Alexandrie - la Septante - est davantage qu'une simple traduction du texte hébreu (qui serait alors assez peu satisfaisante): il s'agit d'un témoin textuel indépendant et d'un pas spécifique et crucial dans l'histoire de la Révélation, qui réalise cette rencontre d'une façon décisive pour la naissance et la propagation du christianisme. Il y a dans la rencontre en profondeur entre la foi et la raison qui se déroule ici, une rencontre entre la lumière authentique et la religion.
A partir de l'essence même de la foi chrétienne, et en même temps de l'essence de la pensée grecque, désormais fondue dans la foi, Manuel II a pu déclarer : ne pas accepter d'agir "avec le Logos" est contraire à la nature de Dieu.
En toute honnêteté, il faut considérer qu'à la fin du Moyen Âge se sont développés des courants théologiques qui ont fait éclater la synthèse entre les esprits grec et chrétien. A la différence du soi-disant intellectualisme augustinien et thomiste commence, avec Duns Scot, une position du volontarisme qui conduisit, dans ses développements ultimes, à affirmer que nous ne connaissons de Dieu que sa voluntas ordinata. Au delà, c'est la question de la liberté de Dieu, en vertu de laquelle il aurait aussi bien pu faire le contraire de ce qu'il a fait. On atteint ainsi des positions qui se rapprochent très clairement de celles d'Ibn Hazm et qui risquent même de conduire à l'image d'un Dieu arbitraire, qui ne serait pas tenu par la vérité ni par le bien.
La transcendance et laltérité de Dieu sont placées si haut que notre raison, notre sens du vrai et du bien ne sont plus d'authentiques miroirs de Dieu, dont les possibilités mystérieuses nous restent éternellement inaccessibles et cachées derrière ses décisions effectives.
A l'opposée, la foi chrétienne a toujours insisté sur le fait quentre Dieu et nous, entre son esprit créateur éternel et notre raison créée, il existe une réelle analogie, dans laquelle les dissimilitudes sont infiniment plus grandes que les similitudes, sans pour autant supprimer lanalogie et son langage, comme l'a établi le concile Latran IV en 1215. Dieu n'est pas plus divin lorsque nous l'éloignons dans un volontarisme pur et incompréhensible, mais le véritable Dieu est le Dieu qui s'est manifesté dans le Logos et qui, comme Logos, a agit et continue d'agir par amour envers nous. Il est vrai, l'amour "transcende" la connaissance et est de ce fait capable de prendre en considération davantage que la pensée par elle seule, comme l'a dit Saint Paul (cf. Eph 3, 19) mais il reste toutefois amour du Dieu-Logos.
Par conséquent, le culte de Dieu chrétien est logiké latreia culte de Dieu en accord avec la Parole éternelle et avec notre raison (cf Rm 12, 1).
Cette rencontre intime entre la foi biblique et les interrogations de la philosophie grecque est un évènement décisif non seulement du point de vue de l'histoire des religions, mais aussi pour celui de l'histoire mondiale, et nous concerne encore aujourd'hui. Quand on considère cette convergence, il n'est pas surprenant que le christianisme, malgré ses origines et ses développements significatifs en Orient, ait trouvé son caractère historique en Europe. Réciproquement, nous pouvons aussi affirmer que cette rencontre, à laquelle s'est ensuite ajouté l'héritage de Rome, a fait l'Europe et reste le fondement de ce qu'on appelle avec raison l'Europe.
Cette thèse selon laquelle l'héritage grec largement purifié appartient à la foi chrétienne fait face à un appel à la déshellénisation du christianisme, un appel qui a dominé le débat théologique de façon croissante depuis le début de l'époque moderne.
Si on se peche sur la question, trois phases peuvent être distinguées dans ce programme de déshellénisation: bien qu'interconnectées, elles sont clairement distinctes les unes des autres dans leurs motivations et dans leurs buts.
La déshellénisation a d'abord émergé en relation avec les fondements de la Réforme, au XVIe siècle. Les réformés se sont confrontés à la tradition scolastique de la théologie, qui avait systématisé la foi sous la détermination de la philosophie, c'est-à-dire une articulation de la foi fondée sur un système de pensée extérieur. Par conséquent, la foi n'apparaissait plus comme vivante et historique, mais comme l'un des éléments d'un système philosophique plus large.
A l'inverse, le principe de la scriptura sola recherche la foi pure, dans sa forme originaire telle qu'elle est donnée par la parole biblique. La métaphysique apparaît comme un principe dérivé d'une source extérieure, de laquelle la foi doit être libérée en sorte qu'elle redevienne totalement elle-même. Lorsqu'il affirma qu'il devait s'écarter de la pensée pour faire place à la foi, Kant allait au bout de ce processus avec une radicalité que les réformés n'auraient jamais pu prévoir.
Il a ainsi ancré la foi exclusivement dans la raison pratique, lui déniant l'accès à la réalité dans son ensemble.
La théologie libérale des XIXe et XXe siècles constitue la deuxième étape du processus de déshellénisation, dont Adolf von Harnack est le plus éminent représentant. Lorsque j'étais étudiant, comme lors de mes premières années d'enseignement, ce programme était également fortement à l'uvre dans la théologie catholique. La distinction que faisait Pascal entre le Dieu des philosophes et le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob, en servait de point de départ. Jai essayé de men expliquer, en 1959, dans ma leçon inaugurale à Bonn.
Je n'ai pas l'intention de répéter ici ce que j'ai pu dire à cette occasion; je voudrai cependant décrire au moins brièvement ce qui était nouveau dans cette deuxième phase de déshéllénisation. L'idée centrale de Harnack était le retour à Jésus homme et à son simple message, en laissant de côté toutes les théologisations et lhellénisation: ce simple message représente le point culminant du développement religieux de l'humanité. On a dit de Jésus qu'il avait mis fin au culte pour la morale.
Il est finalement présenté comme le père d'un message moral plein d'humanité. Fondamentalement, le but de Harnack est de libérer le christianisme des éléments apparemment philosophiques et théologiques, comme la foi en la divinité du Christ ou au Dieu trinitaire, afin de le ramener vers une harmonie avec la raison moderne.
En ce sens, l'exégèse historico-critique du Nouveau testament, a permis à la théologie, selon Harnack, de retrouver sa place à l'intérieur de l'université. Pour lui, la théologie est essentiellement historique et donc rigoureusement scientifique.
Pour ainsi dire, ce quelle découvre sur le chemin de la critique de Jésus est lexpression de la raison pratique, par conséquent elle peut prendre sa vraie place à l'université. Derrière cette pensée réside lauto-limitation moderne de la raison, qui a trouvé son expression classique dans les "Critiques" de Kant, mais qui en même temps s'est trouvé radicalisée par la découverte des sciences naturelles.
Pour faire bref, cette conception moderne de la raison repose sur la synthèse, confirmée par le succès technique, entre le platonisme (cartésianisme) et lempirisme.
On présuppose d'un côté la structure mathématique de la matière, à savoir sa rationalité interne, qui rend possible de la comprendre et de lutiliser comme force effective : pour ainsi dire, ce présupposé fondamental est lélément platonicien de la compréhension de la nature. Il y a d'un autre côté la capacité de la nature à servir nos intérêts, sur laquelle seule la vérification ou la falsification par lexpérience peut apporter une certitude. La balance entre les deux peut osciller d'un côté ou de l'autre. Un penseur positiviste aussi rigoureux que J. Monod sest lui même déclaré platonicien convaincu, cest-à-dire un cartésien.
Ceci nous entraine vers deux principes cruciaux pour notre question. D'abord, seule la forme de certitude qui résulte du jeu concerté des mathématiques et de lexpérience peut-être considéré comme scientifique. Tout ce qui se revendique de la science doit être jugé à cette aune. Aussi les sciences humaines, telles que l'histoire, la psychologie, la sociologie et la philosophie essaient-elles de se conformer à ce canon de scientificité.
En second lieu, il est important de noter pour nos réflexions que de par sa nature même, cette méthode exclut la question de Dieu et la fait apparaître comme non scientifique ou préscientifique. Nous nous trouvons par conséquent devant un rétrécissement du rayon de la science et de la raison, ce qui doit être mis en question.
Nous y reviendrons. Constatons d'abord que toute tentative pour faire de ce point de vue une théologie "scientifique", réduit le christianisme à un fragment misérable. Plus encore, lhomme lui-même en est diminué. Car les questions spécifiquement humaines sur nos origines et notre destinée, les questions soulevée par la religion et l'éthique, ne trouvent alors plus de place dans le champ de la raison communément définie par la "science", mais doivent être reléguées dans le champ de la subjectivité. Le sujet décide à partir de ses expériences ce qui lui paraît supportable dun point de vue religieux, et la "conscience" subjective devient lunique instance éthique. De cette façon, pourtant, morale et religion perdent leur capacité de formation collective et deviennent totalement personnelles.
C'est là une situation dangereuse pour lhumanité, comme nous pouvons le constater en voyant les pathologies de la religion et de la raison, qui doivent nécessairement se manifester là où la raison est si réduite que les questions de la religion et de la morale ne relèvent plus de son domaine. Toute tentative pour construire une éthique à partir des règles de l'évolution ou de la psychologie et de la sociologie se révèle tout simplement insuffisante.
Avant de tirer les conclusions auxquelles je tends, je dois traiter brièvement de la troisième déshellénisation, qui se déroule actuellement. A la lueur de notre expérience de la multiplicité des cultures, il est souvent dit de nos jours que la synthèse avec la culture de la Grèce a été une première inculturation, réalisée dans lEglise antique, et quon ne devrait pas imposer aux autres cultures, qui auraient le droit de revenir au simple message du Nouveau testament, afin de linculturer à nouveau dans leurs propres espaces. Cette thèse est non seulement fausse, mais exagérée et inexacte. Le Nouveau testament est écrit en grec.
Il porte en lui-même la rencontre avec lesprit grec, qui était parvenu à maturité alors que lAncien Testament se développait. Il est vrai qu'il existe des éléments dans le devenir de lEglise antique qui n'ont pas à être intégrés à toutes les cultures. Néanmoins les décisions fondamentales concernant le lien entre la foi et l'usage de la raison humaine appartiennent à cette foi elle-même; elles en sont les développements adaptés à sa nature.
Jen arrive à ma conclusion. Lessai dautocritique de la raison moderne esquissé ici à gros traits n'a rien à voir avec une tentative de revenir à l'époque d'avant les Lumières et de rejeter les vues de la modernité. Les aspects positifs de la modernité doivent être connus sans restriction: nous sommes tous reconnaissants pour les merveilleuses possibilités quelle a ouvertes à l'humanité et pour les progrès qui nous sont offerts. Léthique de la scientificité est en outre une volonté dobéissance envers la vérité et, par conséquent elle incarne une attitude fondamentale qui appartient aux choix fondamentaux du christianisme.
Il s'agit ici ni dun retrait, ni dune critique négative, mais de l'élargissement de notre concept de raison et de son usage. Car avec toute la joie que nous ressentons face aux nouvelles possibilités de lhomme, nous voyons aussi les dangers qui grandissent avec ces possibilités et nous devons nous demander comment les surmonter. Nous n'y parviendrons que si raison et foi sunissent dune manière nouvelle ; si nous surmontons lauto-limitation de la raison à ce qui est falsifiable dans lexpérience, et si nous ouvrons de nouveau à la raison de vastes horizons. En ce sens, la théologie appartient en effet à lUniversité, non seulement comme discipline relevant de lhistoire et des sciences humaines, mais comme spécifiquement théologie, comme questionnement sur la raison de la foi.
Ainsi seulement devenons-nous capables dun authentique dialogue entre cultures et religions, aujourd'hui tellement nécessaire. Dans le monde occidental domine lopinion que seule la raison positiviste et les formes de la philosophie qui en résultent sont universellement valides.
Et pourtant les cultures du monde profondément religieuses perçoivent cette exclusion du divin de l'universalité de la raison comme un mépris de leurs convictions les plus intimes. Une raison sourde au divin et qui repousserait les religions dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures. Dans le même temps, comme j'ai essayé de le montrer, la raison scientifique moderne, avec son élément platonicien, porte en elle-même une question qui tend au-delà delle et des possibilités de sa méthodologie. La raison scientifique moderne doit tout simplement accepter comme donné la structure rationnelle de la matière, tout comme la correspondance entre notre esprit et les structures rationnelles qui règnent dans la nature. Mais la question 'pourquoi cela doit-il être ainsi' demeure. Elle doit être transmise par les sciences de la nature à dautres modes et à dautres niveaux de pensée - la philosophie et la théologie.
Pour la philosophie et, dune autre manière, pour la théologie, lécoute des grandes expériences et intuitions des traditions religieuses de lhumanité, en particulier de la foi chrétienne, est une source de connaissance, et l'ignorer serait une restriction inacceptable de notre capacité découter et de trouver des réponses. Ceci me rappelle ce que dit Socrate à Phédon. Les conversations précédentes ayant évoqué beaucoup dopinions philosophiques fausses, Socrate déclare : "On comprendrait aisément que quelquun, devant tant de faussetés, passât le restant de sa vie à haïr et à mépriser tous les discours sur lêtre. Mais de cette manière, il perdrait la vérité de lêtre et sattirerait un très grand dommage." Depuis longtemps, l'Occident est menacé par cette aversion envers les questions fondamentales de la raison et ne peut ainsi que courir un grand danger. Le courage pour élargir la raison, et non la dénégation de sa grandeur: tel est le programme quune théologie responsable de la foi biblique doit assumer dans le débat actuel. "Ne pas agir selon la raison (selon le Logos) soppose à la nature de Dieu", répliqua Manuel II, en accord avec sa vision chrétienne de limage de Dieu, à son interlocuteur persan. Cest dans ce grand Logos, dans cette large raison que nous invitons nos partenaires au dialogue des cultures. La redécouvrir constamment, telle est la grande tâche de lUniversité. "
Marsh Posté le 20-09-2006 à 07:20:21
Gravissime. Faut bac +5 pour aller à la messe ? (enfin, pas pour y aller, pour ça faut juste 2 jambes, mais pour comprendre ). J'ai que bac + 2, c'est grave docteur ?
ps : je précise que j'ai lu le topo en entier (au passage, quelques fautes d'orthographe, ça doit venir de la traduction)
Marsh Posté le 20-09-2006 à 07:27:38
des phrases aussi longues dans un discours
le sujet ne m'intéressant pas, c'est d'autant plus dur d'essayer de suivre
Marsh Posté le 20-09-2006 à 08:03:31
zvince a écrit : Gravissime. Faut bac +5 pour aller à la messe ? (enfin, pas pour y aller, pour ça faut juste 2 jambes, mais pour comprendre ). J'ai que bac + 2, c'est grave docteur ? |
Il ne l'a pas prononcé au cours d'une messe mais à l'Université de Ratisbonne ou il été professeur. Le discours original est en allemand.
Marsh Posté le 20-09-2006 à 08:15:08
J'avais compris ("C'est pour moi une grande émotion que d'être de retour dans cette université" ). Bon, j'ai un peu hésité, vu comment il parle de l'université après (ou alors c'est un problème de traduction, comme la dentifricité scientificité ) ... mais à mon avis, même les étudiants ont
Marsh Posté le 20-09-2006 à 08:23:23
En général, on trouve les discours des personnalités en cherchant "verbatim"
Marsh Posté le 21-09-2006 à 11:04:42
Mais il cause hachement technique Benoît saize, je suis sur que ya pas un pelerin qui pige ce qu'il dit en parlant de la déshélinnisation..
Après ils se plaignent que ya de moins en moins de fidèles mais quand on entend des discours comme ça on a de quoi se dire que la messe est moins chiante en latin (c.f Brassens).
Marsh Posté le 21-09-2006 à 11:08:14
ReplyMarsh Posté le 21-09-2006 à 11:16:20
Amaniak a écrit : personne pour mettre en gras le paragraphe incriminé? |
"C'est pour moi une grande émotion que d'être de retour dans cette université et de pouvoir, une fois de plus, m'exprimer depuis cette tribune. Je repense à ces années quand, après une belle période à lInstitut supérieur de Freising, j'ai commencé à enseigner à l'université de Bonn. C'était en 1959, au temps de l'ancienne université. Il n'y avait pour les différentes chaires ni assistants, ni secrétaires, il y avait par contre des échanges direct avec les étudiants et surtout entre les professeurs. Avant et après les cours, nous nous retrouvions dans la salle des enseignants. Les échanges avec les historiens, les philosophes et les philologues, et naturellement entre les deux facultés de théologie étaient très vivants. Une fois par semestre, ce quon appelait un Dies academicus permettaient à des professeurs de toutes les facultés de se présenter devant les élèves afin de faire l'authentique expérience de l'Universitas.
En d'autres termes, l'expérience que malgré nos spécialisations, qui rendaient parfois difficile la communication entre nous, nous faisions cependant un tout; que nous travaillions avec la même raison dans toutes ses dimensions, avec le sentiment que nous devions assumer une responsabilité commune dans son usage. L'université était très fière de ses deux facultés de théologie. Il apparaissait clairement qu'elles aussi, dans la mesure où elles d'interrogeaient sur la raison de la foi, accomplissaient un travail qui relevait nécessairement du tout de l''Universitas scientiarum', même si tous ne partageait pas la foi dont les théologiens s'efforçaient de montrer qu'elle s'ordonne à la raison commune. Ce profond sens de la cohérence avec le cosmos de la raison n'était pas troublé, même lorsqu'un collègue déclara qu'il y avait dans notre université quelque chose de curieux: deux facultés s'occupant de ce qui n'existe pas: Dieu. Mais il était accepté par tous, dans l'ensemble de l'université, qu'à l'encontre d'un scepticisme aussi radical, il était nécessaire et raisonnable s'interroger sur Dieu en usant de la raison, dans la tradition de la foi chrétienne.
Tout ceci m'est revenu à l'esprit récemment, lorsque j'ai lu une partie du dialogue publié par le professeur Khoury (de Münster) entre lempereur byzantin érudit Manuel II Paléologue et un savant persan sur le christianisme et lislam, et sur leur vérité respective. C'était peut-être en 1391, dans le camp dhiver dAnkara. L'empereur a probablement lui-même couché par écrit ce dialogue durant le siège de Constantinople, entre 1394 et 1402; cela expliquerait pourquoi ses raisonnements ont été restitués avec davantage de précision que ceux de son interlocuteur perse. Le dialogue porte sur ce qui est écrit dans la Bible et dans le Coran au sujet de la foi. Il traite plus particulièrement de l'image de Dieu et de l'homme, aussi revient-il nécessairement et de façon répétée sur la relation entre les trois "Lois" ou "règles de vies", ainsi qu'elles sont nommées: l'Ancien testament, le Nouveau testament et le Coran. Je ne voudrais discuter au cours de mon exposéque que d'un seul point, d'ailleurs marginal dans le texte du dialogue, mais qu'en lien avec le débat sur la foi et la raison je trouve captivant et qui me sert de point de départ pour mes réflexions sur ce thème.
Dans le 7e dialogue édité par le professeur Khoury ("dialexis", "controverse" ), l'empereur en arrive à parler de la guerre sainte. L'empereur savait certainement que dans la sourate 2.256, il est écrit: "Pas de contrainte en matière de foi". Selon les spécialistes, il s'agit-là d'une des sourates primitives, datant d'une époque où Mahomet était encore sans pouvoir et se trouvait menacé. Mais l'empereur devait naturellement connaître aussi les instructions inscrites dans le Coran à une époque plus tardive, au sujet de la guerre sainte. Sans s'attarder sur les détails, telle que la différence de traitement entre les "Gens du Livre" et les "incroyants", il interpelle son interlocuteur d'une façon étonnamment abrupte au sujet des relations entre la religion et la violence en général, déclarant: "montre moi ce que Mahomet a apporté de neuf, et alors tu ne trouveras rien que de mauvais et d'inhumain, tel que son ordre de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait." Après s'être exprimé avec tant de force, l'empereur s'attache à expliquer par le détail les raisons pour lesquelles propager la foi par la violence est absurde.
La violence est incompatible avec la nature de Dieu et la nature de l'âme. "Dieu ne prend pas plaisir au sang", dit-il. "Et ne pas agir raisonnablement est contraire à la nature de Dieu. La foi nait de l'âme, pas du corps. Quiconque veut amener quelqu'un à la foi doit pouvoir user de la faculté de bien parler et raisonner correctement, non de la violence ou de la menace
Pour convaincre une âme raisonnable, nul besoin d'un bras puissant ni d'arme d'aucune sorte, ni d'aucun moyen avec lequel menacer quelqu'un de mort
"
La principale phrase de cette argumentation est celle-ci: Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L'éditeur, Théodore Khoury, observe que pour l'empereur, un Byzantin nourri de philosophie grecque, ce principe est l'évidence-même. Mais pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée par aucune de nos catégories, pas même celle du raisonnable. Khoury cite alors l'étude du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui souligne que Ibn Hazm est allé jusqu'à affirmer que Dieu n'est pas même lié par sa propre parole, et que rien ne peut l'obliger à nous révéler la vérité.
Si c'était la volonté de Dieu, l'homme devrait même être idolâtre.
Nous nous trouvons ici devant un dilemme inévitable dans la compréhension de Dieu et dans la réalisation de la religion. Est-ce que la conviction qu'agir contre la raison est contraire à la nature de Dieu est une idée purement grecque, ou bien a-t-elle toujours été une vérité ensoi? Je pense que nous pouvons voir ici l'harmonie profonde entre ce qui est grec, au meilleur sens du terme, et la foi en Dieu fondée sur la Bible. En référence au premier verset de la Genèse, Jean a ouvert le prologue de son Évangile avec la parole: "Au commencement était le Logos." C'est exactement le mot qu'utilise l'empereur. Dieu agit avec Logos. Logos désigne à la fois la raison et la Parole - une raison créatrice et qui peut se donner en participation, précisément comme raison. Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime du concert biblique de Dieu, à laquelle aboutissent tous les chemins, souvent difficiles et tortueux, de la foi biblique, trouvant en elle leur synthèse. L'évangéliste nous dit: Au commencement était le Logos, et le Logos est Dieu.
La rencontre entre le message biblique et la pensée grecque ne s'est pas produite par hasard. Ainsi la vision de Saint Paul, qui dans un rêve a trouvé les routes vers l'Asie barrées et a vu un homme macédonien qui appelait: "Vient à notre aide" (Actes 16, 6-10). Cette vision peut être interprétée comme une "distillation" de la nécessaire rencontre interne entre foi biblique et questionnement grec.
En fait, ce rapprochement était depuis longtemps en marche. Le nom de Dieu très mystérieux émanant du buisson ardent, un nom qui sépare ce Dieu de toutes les autres divinités aux noms multiples, et le nomme simplement l'Être, est une remise en cause du mythe, qui présente certaines analogies avec la tentative de Socrate de dépasser et de surmonter le mythe. Dans l'Ancien testament, le processus commencé au buisson ardent atteint une nouvelle maturité durant l'Exil, quand le dieu d'Israël, alors privé de pays et de culte, est proclamé Dieu du ciel et de la terre et se présente comme une simple formule, qui fait écho à la parole du buisson ardent: "Je le suis".
Cette nouvelle compréhension de Dieu s'accompagne d'une clarification qui s'exprime dans le mépris des idoles, qui ne sont que l'uvre des mains de l'homme (cf. Ps 115). Ainsi, à l'époque helléniste, malgré le vif conflit avec les autorités hellénistes qui voulaient faire adopter par la contrainte leurs coutumes et le culte de leurs divinités, la foi biblique rencontra la pensée grecque de l'intérieur. Il en résulta en enrichissement mutuel particulièrement évident dans la littérature sapientielle. Nous savons aujourd'hui que la traduction de l'Ancien testament en grec réalisé à Alexandrie - la Septante - est davantage qu'une simple traduction du texte hébreu (qui serait alors assez peu satisfaisante): il s'agit d'un témoin textuel indépendant et d'un pas spécifique et crucial dans l'histoire de la Révélation, qui réalise cette rencontre d'une façon décisive pour la naissance et la propagation du christianisme. Il y a dans la rencontre en profondeur entre la foi et la raison qui se déroule ici, une rencontre entre la lumière authentique et la religion.
A partir de l'essence même de la foi chrétienne, et en même temps de l'essence de la pensée grecque, désormais fondue dans la foi, Manuel II a pu déclarer : ne pas accepter d'agir "avec le Logos" est contraire à la nature de Dieu.
En toute honnêteté, il faut considérer qu'à la fin du Moyen Âge se sont développés des courants théologiques qui ont fait éclater la synthèse entre les esprits grec et chrétien. A la différence du soi-disant intellectualisme augustinien et thomiste commence, avec Duns Scot, une position du volontarisme qui conduisit, dans ses développements ultimes, à affirmer que nous ne connaissons de Dieu que sa voluntas ordinata. Au delà, c'est la question de la liberté de Dieu, en vertu de laquelle il aurait aussi bien pu faire le contraire de ce qu'il a fait. On atteint ainsi des positions qui se rapprochent très clairement de celles d'Ibn Hazm et qui risquent même de conduire à l'image d'un Dieu arbitraire, qui ne serait pas tenu par la vérité ni par le bien.
La transcendance et laltérité de Dieu sont placées si haut que notre raison, notre sens du vrai et du bien ne sont plus d'authentiques miroirs de Dieu, dont les possibilités mystérieuses nous restent éternellement inaccessibles et cachées derrière ses décisions effectives.
A l'opposée, la foi chrétienne a toujours insisté sur le fait quentre Dieu et nous, entre son esprit créateur éternel et notre raison créée, il existe une réelle analogie, dans laquelle les dissimilitudes sont infiniment plus grandes que les similitudes, sans pour autant supprimer lanalogie et son langage, comme l'a établi le concile Latran IV en 1215. Dieu n'est pas plus divin lorsque nous l'éloignons dans un volontarisme pur et incompréhensible, mais le véritable Dieu est le Dieu qui s'est manifesté dans le Logos et qui, comme Logos, a agit et continue d'agir par amour envers nous. Il est vrai, l'amour "transcende" la connaissance et est de ce fait capable de prendre en considération davantage que la pensée par elle seule, comme l'a dit Saint Paul (cf. Eph 3, 19) mais il reste toutefois amour du Dieu-Logos.
Par conséquent, le culte de Dieu chrétien est logiké latreia culte de Dieu en accord avec la Parole éternelle et avec notre raison (cf Rm 12, 1).
Cette rencontre intime entre la foi biblique et les interrogations de la philosophie grecque est un évènement décisif non seulement du point de vue de l'histoire des religions, mais aussi pour celui de l'histoire mondiale, et nous concerne encore aujourd'hui. Quand on considère cette convergence, il n'est pas surprenant que le christianisme, malgré ses origines et ses développements significatifs en Orient, ait trouvé son caractère historique en Europe. Réciproquement, nous pouvons aussi affirmer que cette rencontre, à laquelle s'est ensuite ajouté l'héritage de Rome, a fait l'Europe et reste le fondement de ce qu'on appelle avec raison l'Europe.
Cette thèse selon laquelle l'héritage grec largement purifié appartient à la foi chrétienne fait face à un appel à la déshellénisation du christianisme, un appel qui a dominé le débat théologique de façon croissante depuis le début de l'époque moderne.
Si on se peche sur la question, trois phases peuvent être distinguées dans ce programme de déshellénisation: bien qu'interconnectées, elles sont clairement distinctes les unes des autres dans leurs motivations et dans leurs buts.
La déshellénisation a d'abord émergé en relation avec les fondements de la Réforme, au XVIe siècle. Les réformés se sont confrontés à la tradition scolastique de la théologie, qui avait systématisé la foi sous la détermination de la philosophie, c'est-à-dire une articulation de la foi fondée sur un système de pensée extérieur. Par conséquent, la foi n'apparaissait plus comme vivante et historique, mais comme l'un des éléments d'un système philosophique plus large.
A l'inverse, le principe de la scriptura sola recherche la foi pure, dans sa forme originaire telle qu'elle est donnée par la parole biblique. La métaphysique apparaît comme un principe dérivé d'une source extérieure, de laquelle la foi doit être libérée en sorte qu'elle redevienne totalement elle-même. Lorsqu'il affirma qu'il devait s'écarter de la pensée pour faire place à la foi, Kant allait au bout de ce processus avec une radicalité que les réformés n'auraient jamais pu prévoir.
Il a ainsi ancré la foi exclusivement dans la raison pratique, lui déniant l'accès à la réalité dans son ensemble.
La théologie libérale des XIXe et XXe siècles constitue la deuxième étape du processus de déshellénisation, dont Adolf von Harnack est le plus éminent représentant. Lorsque j'étais étudiant, comme lors de mes premières années d'enseignement, ce programme était également fortement à l'uvre dans la théologie catholique. La distinction que faisait Pascal entre le Dieu des philosophes et le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob, en servait de point de départ. Jai essayé de men expliquer, en 1959, dans ma leçon inaugurale à Bonn.
Je n'ai pas l'intention de répéter ici ce que j'ai pu dire à cette occasion; je voudrai cependant décrire au moins brièvement ce qui était nouveau dans cette deuxième phase de déshéllénisation. L'idée centrale de Harnack était le retour à Jésus homme et à son simple message, en laissant de côté toutes les théologisations et lhellénisation: ce simple message représente le point culminant du développement religieux de l'humanité. On a dit de Jésus qu'il avait mis fin au culte pour la morale.
Il est finalement présenté comme le père d'un message moral plein d'humanité. Fondamentalement, le but de Harnack est de libérer le christianisme des éléments apparemment philosophiques et théologiques, comme la foi en la divinité du Christ ou au Dieu trinitaire, afin de le ramener vers une harmonie avec la raison moderne.
En ce sens, l'exégèse historico-critique du Nouveau testament, a permis à la théologie, selon Harnack, de retrouver sa place à l'intérieur de l'université. Pour lui, la théologie est essentiellement historique et donc rigoureusement scientifique.
Pour ainsi dire, ce quelle découvre sur le chemin de la critique de Jésus est lexpression de la raison pratique, par conséquent elle peut prendre sa vraie place à l'université. Derrière cette pensée réside lauto-limitation moderne de la raison, qui a trouvé son expression classique dans les "Critiques" de Kant, mais qui en même temps s'est trouvé radicalisée par la découverte des sciences naturelles.
Pour faire bref, cette conception moderne de la raison repose sur la synthèse, confirmée par le succès technique, entre le platonisme (cartésianisme) et lempirisme.
On présuppose d'un côté la structure mathématique de la matière, à savoir sa rationalité interne, qui rend possible de la comprendre et de lutiliser comme force effective : pour ainsi dire, ce présupposé fondamental est lélément platonicien de la compréhension de la nature. Il y a d'un autre côté la capacité de la nature à servir nos intérêts, sur laquelle seule la vérification ou la falsification par lexpérience peut apporter une certitude. La balance entre les deux peut osciller d'un côté ou de l'autre. Un penseur positiviste aussi rigoureux que J. Monod sest lui même déclaré platonicien convaincu, cest-à-dire un cartésien.
Ceci nous entraine vers deux principes cruciaux pour notre question. D'abord, seule la forme de certitude qui résulte du jeu concerté des mathématiques et de lexpérience peut-être considéré comme scientifique. Tout ce qui se revendique de la science doit être jugé à cette aune. Aussi les sciences humaines, telles que l'histoire, la psychologie, la sociologie et la philosophie essaient-elles de se conformer à ce canon de scientificité.
En second lieu, il est important de noter pour nos réflexions que de par sa nature même, cette méthode exclut la question de Dieu et la fait apparaître comme non scientifique ou préscientifique. Nous nous trouvons par conséquent devant un rétrécissement du rayon de la science et de la raison, ce qui doit être mis en question.
Nous y reviendrons. Constatons d'abord que toute tentative pour faire de ce point de vue une théologie "scientifique", réduit le christianisme à un fragment misérable. Plus encore, lhomme lui-même en est diminué. Car les questions spécifiquement humaines sur nos origines et notre destinée, les questions soulevée par la religion et l'éthique, ne trouvent alors plus de place dans le champ de la raison communément définie par la "science", mais doivent être reléguées dans le champ de la subjectivité. Le sujet décide à partir de ses expériences ce qui lui paraît supportable dun point de vue religieux, et la "conscience" subjective devient lunique instance éthique. De cette façon, pourtant, morale et religion perdent leur capacité de formation collective et deviennent totalement personnelles.
C'est là une situation dangereuse pour lhumanité, comme nous pouvons le constater en voyant les pathologies de la religion et de la raison, qui doivent nécessairement se manifester là où la raison est si réduite que les questions de la religion et de la morale ne relèvent plus de son domaine. Toute tentative pour construire une éthique à partir des règles de l'évolution ou de la psychologie et de la sociologie se révèle tout simplement insuffisante.
Avant de tirer les conclusions auxquelles je tends, je dois traiter brièvement de la troisième déshellénisation, qui se déroule actuellement. A la lueur de notre expérience de la multiplicité des cultures, il est souvent dit de nos jours que la synthèse avec la culture de la Grèce a été une première inculturation, réalisée dans lEglise antique, et quon ne devrait pas imposer aux autres cultures, qui auraient le droit de revenir au simple message du Nouveau testament, afin de linculturer à nouveau dans leurs propres espaces. Cette thèse est non seulement fausse, mais exagérée et inexacte. Le Nouveau testament est écrit en grec.
Il porte en lui-même la rencontre avec lesprit grec, qui était parvenu à maturité alors que lAncien Testament se développait. Il est vrai qu'il existe des éléments dans le devenir de lEglise antique qui n'ont pas à être intégrés à toutes les cultures. Néanmoins les décisions fondamentales concernant le lien entre la foi et l'usage de la raison humaine appartiennent à cette foi elle-même; elles en sont les développements adaptés à sa nature.
Jen arrive à ma conclusion. Lessai dautocritique de la raison moderne esquissé ici à gros traits n'a rien à voir avec une tentative de revenir à l'époque d'avant les Lumières et de rejeter les vues de la modernité. Les aspects positifs de la modernité doivent être connus sans restriction: nous sommes tous reconnaissants pour les merveilleuses possibilités quelle a ouvertes à l'humanité et pour les progrès qui nous sont offerts. Léthique de la scientificité est en outre une volonté dobéissance envers la vérité et, par conséquent elle incarne une attitude fondamentale qui appartient aux choix fondamentaux du christianisme.
Il s'agit ici ni dun retrait, ni dune critique négative, mais de l'élargissement de notre concept de raison et de son usage. Car avec toute la joie que nous ressentons face aux nouvelles possibilités de lhomme, nous voyons aussi les dangers qui grandissent avec ces possibilités et nous devons nous demander comment les surmonter. Nous n'y parviendrons que si raison et foi sunissent dune manière nouvelle ; si nous surmontons lauto-limitation de la raison à ce qui est falsifiable dans lexpérience, et si nous ouvrons de nouveau à la raison de vastes horizons. En ce sens, la théologie appartient en effet à lUniversité, non seulement comme discipline relevant de lhistoire et des sciences humaines, mais comme spécifiquement théologie, comme questionnement sur la raison de la foi.
Ainsi seulement devenons-nous capables dun authentique dialogue entre cultures et religions, aujourd'hui tellement nécessaire. Dans le monde occidental domine lopinion que seule la raison positiviste et les formes de la philosophie qui en résultent sont universellement valides.
Et pourtant les cultures du monde profondément religieuses perçoivent cette exclusion du divin de l'universalité de la raison comme un mépris de leurs convictions les plus intimes. Une raison sourde au divin et qui repousserait les religions dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures. Dans le même temps, comme j'ai essayé de le montrer, la raison scientifique moderne, avec son élément platonicien, porte en elle-même une question qui tend au-delà delle et des possibilités de sa méthodologie. La raison scientifique moderne doit tout simplement accepter comme donné la structure rationnelle de la matière, tout comme la correspondance entre notre esprit et les structures rationnelles qui règnent dans la nature. Mais la question 'pourquoi cela doit-il être ainsi' demeure. Elle doit être transmise par les sciences de la nature à dautres modes et à dautres niveaux de pensée - la philosophie et la théologie.
Pour la philosophie et, dune autre manière, pour la théologie, lécoute des grandes expériences et intuitions des traditions religieuses de lhumanité, en particulier de la foi chrétienne, est une source de connaissance, et l'ignorer serait une restriction inacceptable de notre capacité découter et de trouver des réponses. Ceci me rappelle ce que dit Socrate à Phédon. Les conversations précédentes ayant évoqué beaucoup dopinions philosophiques fausses, Socrate déclare : "On comprendrait aisément que quelquun, devant tant de faussetés, passât le restant de sa vie à haïr et à mépriser tous les discours sur lêtre. Mais de cette manière, il perdrait la vérité de lêtre et sattirerait un très grand dommage." Depuis longtemps, l'Occident est menacé par cette aversion envers les questions fondamentales de la raison et ne peut ainsi que courir un grand danger. Le courage pour élargir la raison, et non la dénégation de sa grandeur: tel est le programme quune théologie responsable de la foi biblique doit assumer dans le débat actuel. "Ne pas agir selon la raison (selon le Logos) soppose à la nature de Dieu", répliqua Manuel II, en accord avec sa vision chrétienne de limage de Dieu, à son interlocuteur persan. Cest dans ce grand Logos, dans cette large raison que nous invitons nos partenaires au dialogue des cultures. La redécouvrir constamment, telle est la grande tâche de lUniversité. "
Marsh Posté le 21-09-2006 à 11:35:46
C'est en faisant des discours aussi touffus et incompréhensibles qu'on réussit à s'attirer des ennuis avec les mutltiples interpretations que l'on peut en faire.
Nullissime ce pape!!
Marsh Posté le 21-09-2006 à 11:39:36
rogerlelapin a écrit : C'est en faisant des discours aussi touffus et incompréhensibles qu'on réussit à s'attirer des ennuis avec les mutltiples interpretations que l'on peut en faire. |
Faire du remplissage pour faire croire ...
Y'a d'autre categories de personnes qui font la meme chose
Marsh Posté le 21-09-2006 à 11:43:04
rogerlelapin a écrit : C'est en faisant des discours aussi touffus et incompréhensibles qu'on réussit à s'attirer des ennuis avec les mutltiples interpretations que l'on peut en faire. |
qu'est ce qu'il ne faut pas lire. tu es theologien ? tu as des bases historiques solides ?
alors ce discour ne s'adresse pas a toi.
doit on dire qu'einstein est un imbecile parceque ses equations sont incomprehensibles pour le commun des mortels ?
et encore une fois i ls'agit plus d'un cour magistral que d'un discour destiné aux fideles.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 11:58:32
Il est pas nul ce pape, il est parfaitement irresponsable
Marsh Posté le 21-09-2006 à 13:30:05
Vous êtes sur d'avoir lu le texte?
Si je fais abstraction de mon anticléricalisme assumé, je le trouve tout à fait raisonnable.
C'est un discours de spécialiste adressé à des spécialistes, faut pas s'étonner que ça soit compliqué.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 13:35:44
corentintilde a écrit : Vous êtes sur d'avoir lu le texte? |
Voui, ce qu'il dit est tout à fait légitime à mon égard, le seul soucis c'est que le texte peut être interprété de différentes façons et les musulmans l'ont interprété à leur manière comme une insulte. Le mieux aurait été de ne jamais parler de l'islam et de ficher la paix aux musulmans car n'importe quelle allusion est prise toujours prise comme une provocation pour eux
Marsh Posté le 21-09-2006 à 13:49:59
Bon, je vais pas donner mon avis parce que dans 3 messages on arrive au point godwin...
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:00:20
Je ne vois pas ce que ça à a voir avec le discour du pape...
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:01:29
corentintilde a écrit : Bon, je vais pas donner mon avis parce que dans 3 messages on arrive au point godwin... |
Surtout avec un pape Allemand, c'est trop facile!
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:02:45
rogerlelapin a écrit : Voui, ce qu'il dit est tout à fait légitime à mon égard, le seul soucis c'est que le texte peut être interprété de différentes façons et les musulmans l'ont interprété à leur manière comme une insulte. Le mieux aurait été de ne jamais parler de l'islam et de ficher la paix aux musulmans car n'importe quelle allusion est prise toujours prise comme une provocation pour eux |
je ne suis pas totalement d'accord. D'abord le rôle du pape n'est pas d'encenser les musulmans ni de faire l'éloge de leur foi. Ensuite pour qu'un dialogue sincère s'instaure faisons foin de l'hypocrysie et donc le pape doit pouvoir poser sa vision des choses.
les musulmans quant à eux doivent exiger non des excuses mais un droit de réponse. Et c'est là qu'on verra vraiment si Benoit XVI souhaite le dialogue comme il l'a affirmé à la fin de son discours.
maintenant je doute que le musulman pakistanais qui s'énerve dans la banlieue de Karachi en brûlant des effigies du pape ait réellement lu son discours . On a laissé entendre que "le chef des chrétiens" a insulté l'Islam et cela a suffit à jetter les plus exaltés dans la rue. Autant dans l'affaire des caricatures il ne fallait pas être un grand expert pour voir la volonté offensante de certains dessins, autant ici il faut se garder de porter un jugement hatif sur un discours délivré dans une enceinte académique devant un public particulier.
de plus d'autres intervenants doivent pouvoir participer à ce dialogue et pas seulement les musulmans. il y a certainement des philosphes , des historiens non-musulmans qui ne partagent pas la vision de Benoit XVI sur les relations intimes entre foi chrétienne, pensée grecque et Raison.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:11:46
edit
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:33:07
rogerlelapin a écrit : Voui, ce qu'il dit est tout à fait légitime à mon égard, le seul soucis c'est que le texte peut être interprété de différentes façons et les musulmans l'ont interprété à leur manière comme une insulte. Le mieux aurait été de ne jamais parler de l'islam et de ficher la paix aux musulmans car n'importe quelle allusion est prise toujours prise comme une provocation pour eux |
Pas tant que ça. On est pas devant un texte sacré mais devant un cours qui a vocation à être clair et précis. Bref : s'énerver pour la partie mise en gras par Dolohan, c'est stupide, vu que ce passage n'est jamais qu'une retranscription d'un dialogue vieux de plus de six siècles qui sert d'introduction à une discussion générale sur la foi, la théologie et la nature divine. À moins que ce ne soit qu'un prétexte de plus pour s'énerver et monter des peuples les uns contre les autres pour, qui sait, les éloigner de leurs problèmes nationaux en les envoyant cramer des églises, par exemple
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:51:21
Il y'a quand même un gros paradoxe musulman: réclamer des plates excuses pour tout propos jugé déplacé, mais de l'autre promettre les flammes de l'enfer à leur(s) auteur(s)... J'admets volontiers qu'on n'est pas forcément dans une optique de dialogue serein quand on se sent offensé, mais des attitudes aussi vindicatives ne donnent vraiment pas envie de faire amende honorable, qui plus est pour ce qui est souvent une broutille...
Marsh Posté le 21-09-2006 à 14:54:07
soulmanto a écrit : Il y'a quand même un gros paradoxe musulman: réclamer des plates excuses pour tout propos jugé déplacé, mais de l'autre promettre les flammes de l'enfer à leur(s) auteur(s)... J'admets volontiers qu'on n'est pas forcément dans une optique de dialogue serein quand on se sent offensé, mais des attitudes aussi vindicatives ne donnent vraiment pas envie de faire amende honorable, qui plus est pour ce qui est souvent une broutille... |
il n'y a de paradoxe que si tu pars du principe que ceux qui demandent de excuses sont les mêmes que ceux qui promettent l'enfer et qu'il n'existe point de musulman en dehors de ces catégories.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 15:04:20
Ce que je trouve paradoxal surtout c'est qu'on a laissé dire des infamies sur les catholiques et les chrétiens en général sans pour autant que ça ne nous offense.
Parcontre, lorsqu'un catholique dit une "broutille" à propos de l'islam, tout de suite les musulmans s'enflamment.
Doit-t'on mettre ça sur le dos de leur profonde susceptibilité ou est-ce simplement un pretexte pour exhacerber leur intolérance vis-avis des "infidèles" ?
Marsh Posté le 21-09-2006 à 15:12:16
Gueule d'Oracle a écrit : il n'y a de paradoxe que si tu pars du principe que ceux qui demandent de excuses sont les mêmes que ceux qui promettent l'enfer et qu'il n'existe point de musulman en dehors de ces catégories. |
Ma vision n'est pas aussi étriquée que ça, heureusement. Je pars quand même bien du principe que ceux qui réclament les excuses tiennent de l'autre côté des propos douteux. Ces personnes peuvent être des porte paroles, des hauts dignitaires religieux, c'est assez varié. On l'a assez vu lors du sinistre épisode des caricatures. Et je suis bien d'accord que tous les musulmans ne pensent pas ainsi, mais c'est d'une telle évidence que je ne pensais pas nécessaire de le dire!
Marsh Posté le 21-09-2006 à 15:14:06
rogerlelapin a écrit : Ce que je trouve paradoxal surtout c'est qu'on a laissé dire des infamies sur les catholiques et les chrétiens en général sans pour autant que ça ne nous offense. |
question intéressante. En fait est-ce vraiment une question ou bien c'est juste pour la forme car tu connais déjà la réponse
ce qui te gêne c'est l'intolérance des musulmans envers les infidèles ou juste l'intolérance des musulmans envers les "broutilles"? (ou les 2)
remarque en pasant : sois prudent dans l'utilisation du terme "infidèle". Ce ne sont pas les musulmans qui ont commencé à l'utiliser pour désigner l'Autre et surtout pas pour désigner les juifs et chrétiens (les Gens du Livre )
Marsh Posté le 21-09-2006 à 15:24:44
Gueule d'Oracle a écrit : question intéressante. En fait est-ce vraiment une question ou bien c'est juste pour la forme car tu connais déjà la réponse |
Ma question porte sur l'intolérance qu'il peut y avoir au niveau de la façon de penser des chrétiens par rapport à la leur (la doctrine occidentale par rapport à la doctrine orientale). Ca rejoint bien entendu les "broutilles" et les diverses maladresses qui peuvent être dites. Je n'ai pas la prétention de dire que je connais la réponse à ma question, je n'ai pas assez de connaissance sur le sujet mais juste la vague impression que les certains théocrates musulmans se nourrissent de ces maladresses pour exhacerber les tensions et manipuler les masses.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 15:50:53
rogerlelapin a écrit : Ma question porte sur l'intolérance qu'il peut y avoir au niveau de la façon de penser des chrétiens par rapport à la leur (la doctrine occidentale par rapport à la doctrine orientale). Ca rejoint bien entendu les "broutilles" et les diverses maladresses qui peuvent être dites. Je n'ai pas la prétention de dire que je connais la réponse à ma question, je n'ai pas assez de connaissance sur le sujet mais juste la vague impression que |
pas seulement d'affreux théocrates enturbanés, un peu plus haut on parlait de la Tunisie de ben ali
cela dit je conçois que tu puisses être légitimement heurté par les réactions émotionelles (trop émotionelles) de certains musulmans. L'erreur est peut-être de les jauger à l'aulne de ta propre expérience , de ton propre rapport au religieux (ou à l'absence de rapport avec la religion). Cherche-t-on à ne serait-ce qu'entre appercevoir le relation qu'ils entretiennent avec leur sacré? La manière dont la religion investit leur vie? Faire cela n'est pas chercher à excuser les débordements (qui pourraient bien être en contradiction avec leur propre foi) mais juste comprendre que ces réactions ne sont pas si surprenantes (enfin j'me comprends ).
Marsh Posté le 21-09-2006 à 17:14:53
Gueule d'Oracle a écrit : pas seulement d'affreux théocrates enturbanés, un peu plus haut on parlait de la Tunisie de ben ali |
joli discour mais un peu a coté des realité. l'islam est complexé, l'islam vie une crise identitaire majeure, l'islam en est susceptible... c'est le fond du probleme : pas la relation au sacré, mais la relation a l'occident.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 17:26:07
dolohan a écrit : joli discour mais un peu a coté des realité. l'islam est complexé, l'islam vie une crise identitaire majeure, l'islam en est susceptible... c'est le fond du probleme : pas la relation au sacré, mais la relation a l'occident. |
merci du compliment , chuis bien content de mon petit effet
pour le reste il me semble un peu dificile de débattre. D'abord tu présentes les choses avec un tel aplomb que je ne pense pas que tu aies envie d'entendre un autre son de cloche. Ensuite on a un problème dès le départ au sujet de l'objet du débat. quand tu parles de l'islam tu te réfères à quel objet? les peuples musulmans, le dogme islamique, la dynamique islamiste qui traverse (qui travaille) les sociétés musulmanes etc...
tu parles de l'islam comme un tout monolithique, un bloc cohérent comme jadis on parlait du bloc de l'est?
Marsh Posté le 21-09-2006 à 19:00:23
Citation : merci du compliment , chuis bien content de mon petit effet |
a ton service.
Citation : pour le reste il me semble un peu dificile de débattre. D'abord tu présentes les choses avec un tel aplomb que je ne pense pas que tu aies envie d'entendre un autre son de cloche. |
je suis ouvert a toute intervention, mais les propos angelistes ont tendance a me lasser assez vite. Par ailleurs ces types de positions m'aparaissent de plus en plus irresponsables.
Citation : Ensuite on a un problème dès le départ au sujet de l'objet du débat. quand tu parles de l'islam tu te réfères à quel objet? les peuples musulmans, le dogme islamique, la dynamique islamiste qui traverse (qui travaille) les sociétés musulmanes etc... |
je me refere au socle identitaire musulman. pas au coran, pas a l'histoire du moyen orient, mais a ce lien, ce point commun religio-identitaire qui s'est tissé au fil de ces dernieres années pour contrecarer l'imperialisme economique et culturel occidentel.
par islam j'entends une identité confuse qui permet a des population defavorisées de trouver une cause simple a leurs problemes complexes.
Citation : tu parles de l'islam comme un tout monolithique, un bloc cohérent comme jadis on parlait du bloc de l'est? |
exactement. parceque quand tu shoot dans ta fourmiliere plurielle, c'est le monolythe qui s'exprime. mais le pire, c'est que meme les garants de la religion islamique piaillent d'un meme cris. pas de mesure, pas de ponderation. ils cedent a la pression de leurs fideles.
c'est la merde, je vous le dis.
Marsh Posté le 21-09-2006 à 22:05:45
Gueule d'Oracle a écrit : je ne suis pas totalement d'accord. D'abord le rôle du pape n'est pas d'encenser les musulmans ni de faire l'éloge de leur foi. Ensuite pour qu'un dialogue sincère s'instaure faisons foin de l'hypocrysie et donc le pape doit pouvoir poser sa vision des choses. |
Marsh Posté le 21-09-2006 à 22:09:02
99.99 des musulmans qui ont fait preuve de haine suite au discours du Pape n'ont pas lu ce discours ou ne l'ont pas compris.
Ces gens sont manipulés en raison de leur ignorance.
D'ailleurs j'ajoute, pourquoi voulez vous que des mollah locaux, titulaires d'un pouvoir religieux certain, dans une société entierement tournée vers le religieux, fassent preuve de retenu?
Le pouvoir de ces personnes est fondé sur la manipulation de leurs croyants-ignorants et qui forment une masse maléable.
Toute tentative de dialoguer de l'islam doit etre combattue selon ces mollahs car cela reviendrait à les priver de leur si cher pouvoir.
Marsh Posté le 22-09-2006 à 09:47:04
dolohan a écrit : je suis ouvert a toute intervention, mais les propos angelistes ont tendance a me lasser assez vite. Par ailleurs ces types de positions m'aparaissent de plus en plus irresponsables. |
angellisme?
intéressant. Tu rejettes à priori toute tentative d'établir un dialogue qui ne va pas dans le sens du choc des civilisations. En fait si j'avais lancé depuis cette tribune un hargneux appel au djihad contre le vatican, je suppose que je me serais parfaitement intégré à l'image stéréotypée que tu as des musulmans en général. Bref un appel au calme et à la réflexion ne me semble pas irresponsable en ces temps tourmentés. Evidemment cela ne fait jamais les affaires de exaltés de tous bords.
dolohan a écrit : |
si je puis me permettre je crois que tu surestimes fortement l'influence de l'occident dans la construction identitaire des musulmans (une pointe d'egocentrisme peut-être?). Les musulmans dans leur grande majorité ont le sentiment d'appartenir à une communauté de destin. Mais ce sentiment n'est pas né le 11 septembre comme tu sembles le penser. Ce sentiment existe je dirais depuis les premières heures de l'Islam et découle directement de certains aspects de leur foi. Il s'exprime à des degrés divers avec à une extrême un gars qui est prêt à aller se battre dans un pays lointain où il estime que des msulmans sont oppressés, à l'autre extrême tu as des musulmans qui ont très vaguement l'impression de partager quelque chose avec leur correligionaires du bout du monde. Entre les deux on a toute une palette de manifestations de ce lien identitaire.
Cela dit je veux bien t'accorder qu'en temps de crise (par exemple les guerres de libération coloniales) les musulmans vont puiser dans leur références culturelles une force qui va leur permetttre d'affronter les grands défis. Mais c'est un réflexe "naturel" j'ai envie de dire et qui n'est pas exclusif aux musulmans.
Mais penser que le musulman ne se construit que par rapport à l'Autre (l'occident) est aussi caricatural que de présenter le socle commun occidental comme construit autour de sa haine du monde musulman.
dolohan a écrit : exactement. parceque quand tu shoot dans ta fourmiliere plurielle, c'est le monolythe qui s'exprime. mais le pire, c'est que meme les garants de la religion islamique piaillent d'un meme cris. pas de mesure, pas de ponderation. ils cedent a la pression de leurs fideles. |
fourmilliaire, merde, pialler... je comprends mieux que tu trouves mes propos angelliques.
Je vois que tu es définitivement acquis à la vision d'une marée d'1 milliard de musulmans hargneux , vociférant la haine et les appels à la vengence et faisant "pression" sur leurs représentants pour passer à l'action. Tu te bases sans doute sur les réactions apparues ici et là dans les medias. Je pense pour ma part qu'il s'agit simplement d'un effet de loupe. Il est normal d'envoyer des cameras là où il se passe quelque chose (ou des gars brulent l'effigie du pape ou balancent des coktails molotovs sur des eglises etc...) Quel intérêt de faire des reportages sur les musulmans qui vivent sereinement cette crise et qui voient cette polémique passer loin au-desus de leur tête?
quant aux fameux "garants de l'islam" (amusant c'est la première fois que j'entends cette expression), je ne vois pas de qui tu parles et surtout je ne sais pas quels propos tu leur prêtes. Difficile donc de réagir sur quelque chose d'aussi vague. Oui il y a eu énormément de réactions de personnes ayant une autorité morale, des réactions de toutes sortes reflétant de très nombreuses tendances et des sensibilités très diverses.
Marsh Posté le 22-09-2006 à 10:41:40
Mosca a écrit : |
pour les idiots je ne sais pas... Disons que de nombreuses personnes peuvent penser que le pape devrait rester dans une certaine réserve et se contenter de platitudes affables envers les autres religions/cultures. Pour ma part je ne suis pas choqué qu'il puisse débattre avec les musulmans quite à les "bousculer" un peu pour autant qu'on fasse preuve d'un respect mutuel.
Mosca a écrit : |
tu veux un débat télévisé entre un barbu enturbané et le porte-parole de Benoit XVI? Ce n'est pas du tout à cela que je pensais. D'abord personne ne peut parler au nom des musulmans. Il n'y a aucune autorité unanimement reconnue par 1,2 milliards de musulmans et il n'y en aura jamais (même pas Ben Laden je t'assure!). Le droit de réponse ne doit pas seulement s'exprimer à la télé ou dans les colonnes d'un journal. En fait le dialogue devrait s'instaurer partout où c'est possible, ici sur un forum, à l'école, à l'église/mosquée du quartier que sais-je? Quoiqu'il en soit cela suppose une envie de s'expliquer d'un côté et une envie d'écouter de l'autre (c'est-à-dire laisser les préjugés au vestiaire à côté des couteaux )
Mosca a écrit : |
tout de suite les grands mots. Je vais te paraître terriblement demeuré mais tant pis : présenter le prophète des musulmans sous les traits d'un barbu grimaçant portant une bombe sur la tête est offensant pour ceux et celles qui vénèrent ce personnage. Point d'idéologie la-dedans juste de l' émotionnel.
quant à la question de l'accès aux caricatures et aux discours du pape, il est évidemment impossible de savoir combien de musulmans ont eu accès à l'un ou à l'autre. Si on prends le vecteur internet néanmoins on peut supposer que les gens qui ont pu voir les caricatures sont plus nombreuses que ceux qui ont eu accès aux discours du pape. Dans le premier cas c'est facile on a l'image directement ça nécessite pas un énorme bagage pour comprendre le sens du dessin. dans l'autre faut vraiment avoir envie de rechercher le pavé de Benoit XVI de le lire en entier et d'être capable d'en comprendre le sens. Je doute que tous les internautes musulmans aient fait l'effort
Ce qui est sûr néanmoins c'est que ce qui fait bouger les foules c'est surtout la rumeur et non un contact direct avec les caricatures/discours polémiques j'en conviens parfaitement
dans un cas on laisse se répendre la rumeur qu'un gars a dessiné le prophète Mahomet avec une bombe sur la tête et dans l'autre on prétend que le pape a dit de l'islam qu'il n'apporte que des choses diaboliques. Les deux rumeurs provoquent l'indignation des foules mais il n'y en qu'une seule qui est proche de la vérité
Mosca a écrit : |
l'organisation du dialogue ne te concerne en rien vu que tu ne te compromettrais pas à discuter avec des fanatiques "embrigadés". Relax, n'y penses plus va.
par contre si t'as le portable de ta voisine blonde ça m'intéresse....
Marsh Posté le 22-09-2006 à 12:00:38
gigi l amoroso a écrit : 99.99 des musulmans qui ont fait preuve de haine suite au discours du Pape n'ont pas lu ce discours ou ne l'ont pas compris. |
Grâce à Hardware.fr forum on obtient des statistiques magnifiques. Les grosses maisons de sondages peuvent aller se coucher.
Marsh Posté le 22-09-2006 à 12:07:29
libre a toi de penser que l'occident n'a rien a voir avec l'exacerbation actuelle de la foi musulmane, de croire qu'il n'y a aucun amalgame entre pratique religieuse et identité culturelle, que cette susceptibilité exacerbé est legitime et aucunement liée a un complexe d'inferiorité latent.
mais ne sembles pas surpris si je te parle d'angelisme ensuite.
Marsh Posté le 19-09-2006 à 18:28:12
Bonjour;
Question simple: savez vous où on peut trouver le discours de Benoit XVI qui a suscité la grosse polémique actuelle?