Les "arts et métiers" vus par Zola...

Les "arts et métiers" vus par Zola... - Arts & Lecture - Discussions

Marsh Posté le 25-06-2006 à 17:25:08    

Pensez-vous que « la bête humaine » de Zola donne une mauvaise image de l’école des « arts et métiers » ?
Jacques Lantier qui souffre d’une hérédité d’alcooliques a été formé à l’école des "arts et métiers "  de Plassans….Issu de cette école grâce à son intelligence,il aurait pu faire mieux que mécanicien…
Plassans est une ville imaginaire de Zola…Il s’agit en fait d’Aix en provence…
 
Et effectivement,l’école des « arts et métiers » est implantée a « Aix en provence » depuis 1843…
 
Zola a voulu être ingénieur comme son père,il a fait une prépa au lycée Saint-Louis,mais était fâché avec les maths,physique chimie….Il avait néanmoins une superstition basée sur les chiffres et comptait les pas,ou calculait la somme des chiffres des numéros de fiacres avant de prendre une décision..
 
L’écrivain semble considérer le mécanicien Jacques Lantier comme un « abruti »…A cause de sa formation ? Ou a cause de son hérédité ?

Message cité 1 fois
Message édité par Peynet le 25-06-2006 à 17:30:53
Reply

Marsh Posté le 25-06-2006 à 17:25:08   

Reply

Marsh Posté le 25-06-2006 à 17:34:42    

Pas sûr qu'elle donne une mauvaise image : il faut déjà déchiffrer que Plassans est Aix, et ce n'est pas forcément si évident que ça.
 
Mais je pense bien en effet que donner une mauvaise image d'Arts et métiers était un des buts recherchés par Zola.


---------------
Quelques grammes de finesse dans un monde qui n'en demandait pas tant.
Reply

Marsh Posté le 25-06-2006 à 17:42:05    

Zola donnait déjà une mauvaise image du patronat dans Germinal alors il est tout à fait normal que Zola n'aimait pas l'élite que formaient les écoles.
 
Il faut pas oublier que ce que Zola écrit est véridique et bien réel puisque les histoires découlent d'une expérience sur le terrain.

Message cité 1 fois
Message édité par python le 25-06-2006 à 17:43:39
Reply

Marsh Posté le 25-06-2006 à 19:17:27    

Citation :

Il faut pas oublier que ce que Zola écrit est véridique et bien réel puisque les histoires découlent d'une expérience sur le terrain.


Ce constat me semble bien naïf.
Certes, Zola était informé, par documentation ou contact avec le "terrain", certes, son style est réaliste, mais il ne fait pas du journalisme. Son naturalisme à vocation scientifique est plus une délirante machine à recréer la société en laboratoire. L'oeuvre de Zola n'est pas un documentaire mais une simulation, elle ne dit pas la réalité mais la produit, production évidemment faite selon des paradigmes bien à lui. De nos jours, son déterminisme génétique est foireux et dépassé et on peut s'horrifier de cet écrivant mégalo qui voulait naturaliser la fiction, réaliser la représentation, mais ce mec qui prétend à la vérité et s'aperçoit qu'il crée des personnages et des environnements étranges et mutants, j'aime.

Message cité 1 fois
Message édité par Baptiste R le 25-06-2006 à 19:21:36
Reply

Marsh Posté le 25-06-2006 à 21:44:11    

Peynet a écrit :

Pensez-vous que « la bête humaine » de Zola donne une mauvaise image de l’école des « arts et métiers » ?
Jacques Lantier qui souffre d’une hérédité d’alcooliques a été formé à l’école des "arts et métiers "  de Plassans….Issu de cette école grâce à son intelligence,il aurait pu faire mieux que mécanicien…
Plassans est une ville imaginaire de Zola…Il s’agit en fait d’Aix en provence…
 
Et effectivement,l’école des « arts et métiers » est implantée a « Aix en provence » depuis 1843…
 
Zola a voulu être ingénieur comme son père,il a fait une prépa au lycée Saint-Louis,mais était fâché avec les maths,physique chimie….Il avait néanmoins une superstition basée sur les chiffres et comptait les pas,ou calculait la somme des chiffres des numéros de fiacres avant de prendre une décision..
 
L’écrivain semble considérer le mécanicien Jacques Lantier comme un « abruti »…A cause de sa formation ? Ou a cause de son hérédité ?


 
Vous n'y êtes pas ! Dans La Bête humaine de Zola, Lantier hérite d'une fêlure, d'une faille héréditaire. Il s'agit d'un Instinct de mort qui n'a rien à voir avec un quelconque atavisme puisqu'il est transmission, non d'un contenu, mais d'une structure. La fêlure "ne transmet rien sauf elle-même" (cf. Deleuze, "Zola et la fêlure", in Logique du sens). En ce sens, la fêlure n'est pas accident mais forme constitutive. L'hérédité ne fait pas de Lantier un "abruti", un monstre irrésistiblement attiré par le gouffre sans fond de l'animalité, de la bestialité non maîtrisée, mais traduit en lui la présence du non-être, de l'impensable, de ce qui est l'Autre absolu de la vie, Fondement ontologique de l'Etre. C'est autour de cette faille et sur elle que s'organise la vie du personnage.
 
Pour comprendre cette oeuvre et plus précisément le traitement qui est fait du progrès, symbolisé par les trains, enfants de la civilisation, il faut donc distinguer l'Instinct de mort des autres instincts (l'alcoolisme, la perversion, etc...). Ceux-ci sont conditions de survie, de pérennité dans un milieu donné, à une époque donnée. Ils se déterminent en fonction d'une histoire, d'une culture. Ils se transmettent de façon plus ou moins héréditaires. Les instincts de vie tentent de masquer le gouffre que représente le non-être, sans jamais y parvenir définitivement. Au contraire, l'Instinct de mort n'est pas transmission de caractères acquis : il est inscrit au coeur même de la vie, comme le plus irrémédiable des destins. Il est au-delà de toute réalité (spatio-temporelle, socio-historique), il est inassimilable, absolue altérité, absolue différence. La Mort est transmission de ce qui est hétérogène à tout individu : la négation de l'individu.
 
Ainsi, la Croix-de-Maufras, espace central, est la représentation architectonique de cette trouée, de cette plaie béante qu'est la fêlure. A la fois point de convergence de tous les drames et épicentre à partir duquel se propagent les fractures, c'est un lieu désert, "séparé des vivants", où règne la solitude et la mort. Des terres incultes, non marquées par la main de l'homme. Lorsque la neige s'abat sur ce paysage, c'est sous la forme d'un linceul, et le désert devient "mer de glace". S'y déroulent alors, comme sur une scène, les crimes et les accidents. Lantier s'y trouve irrémédiablement enchaîné : toutes ses tentatives de fuite sont vaines. C'est un "labyrinthe sans issue". Le lieu où tout s'est déjà passé et où tout se répète.
 
A la forme statique de cet espace de désolation, Zola oppose l'aspect dynamique : les trains qui en flot incessant, passent, remplis des voyageurs du monde moderne. C'est le progrès qui, par définition, est inscrit dans l'ordre temporel, dans l'irréversible. Les deux mondes s'ignorent. Ceux qui vivent dans le désert n'ont des enfants de la civilisation et du progrès qu'une vision fugitive. Ceux qui voyagent ne soupçonnent même pas ce qui, sous eux, gronde et vibre. Là sans doute est la "mauvaise image des arts et métiers" dont vous parlez : Zola a voulu décrire l'opposition entre les "trains allant vers le XXe siècle" et "le drame obscur qui se joue", les "fauves tapis sous la civilisation", masqués par elle. Les ponts sont coupés pour le prétendu bien de la société. Le seul qui passe d'un monde à l'autre, pour son propre malheur, c'est Lantier. Mais, brusquement "l'ordre naturel est perverti" et les conséquences en seront, à terme, apocalyptiques... La scène qui clôt le roman représente cette civilisation du progrès technique contaminée par l'Instinct de mort : des soldats, réduits à l'état de bétail, de "chair à canon", sont parqués dans un train fou qui, sans destination, roule à tombeau ouvert. L'irréversible semble avoir cédé au retour régressif provoqué chez l'homme par les influences ayant leur source dans la guerre : ce qu'il y de primitif dans l'être humain est impérissable...


Message édité par l'Antichrist le 25-06-2006 à 21:45:10
Reply

Marsh Posté le 27-06-2006 à 16:58:32    

l'Antichrist
 
J’ai trouvé ton analyse du roman de Zola très bien vue…Néanmoins il me semble que la notion d’atavisme est bien réelle dans « la bête humaine »…
 
 Était-ce sa soif qui était revenue, de venger des offenses très anciennes, dont il aurait perdu l'exacte mémoire, cette rancune amassée de mâle en mâle, depuis la première tromperie au fond des cavernes ?

Message cité 1 fois
Message édité par Peynet le 27-06-2006 à 18:54:24
Reply

Marsh Posté le 27-06-2006 à 17:01:48    

python a écrit :

Zola donnait déjà une mauvaise image du patronat dans Germinal alors il est tout à fait normal que Zola n'aimait pas l'élite que formaient les écoles.
 
Il faut pas oublier que ce que Zola écrit est véridique et bien réel puisque les histoires découlent d'une expérience sur le terrain.


Alors que celui-ci ne le méritait pas :cry:

Reply

Marsh Posté le 27-06-2006 à 18:04:27    

Baptiste R a écrit :

Citation :

Il faut pas oublier que ce que Zola écrit est véridique et bien réel puisque les histoires découlent d'une expérience sur le terrain.


Ce constat me semble bien naïf.
Certes, Zola était informé, par documentation ou contact avec le "terrain", certes, son style est réaliste, mais il ne fait pas du journalisme. Son naturalisme à vocation scientifique est plus une délirante machine à recréer la société en laboratoire. L'oeuvre de Zola n'est pas un documentaire mais une simulation, elle ne dit pas la réalité mais la produit, production évidemment faite selon des paradigmes bien à lui. De nos jours, son déterminisme génétique est foireux et dépassé et on peut s'horrifier de cet écrivant mégalo qui voulait naturaliser la fiction, réaliser la représentation, mais ce mec qui prétend à la vérité et s'aperçoit qu'il crée des personnages et des environnements étranges et mutants, j'aime.


 
 
Je ne suis pas trop d'accord.  
 
Dans Germinal, Zola a recopié le vrai visage de la société telle qu'on la connait depuis plus de 400 ans.  D'un côté, Zola montre un groupe d'individus sans scrupules qui veulent à tout prix préserver l'ordre social.  L'argent est le moyen par excellence pour atteindre leur but et ça marche trop bien, trop bien même.   L'ordre social leur permet de continuer à mener le train de vie princier qu'ils ne voudraient jamais perdre.  Pour eux, seul l'argent existe,  alors ce doit etre extrêmement frustrant d'en manquer ou d'être obligé d'exécuter le sale boulot à la place d'un autre  !   La pauvreté est extrêmement payante pour la famille bourgeoise du roman de Zola.  
 
Fahrenheit 9/11 ça te dit rien [:itm]  ... c'est la même chose :D
 
 

Baptiste R a écrit :

Son naturalisme à vocation scientifique est plus une délirante machine à recréer la société en laboratoire


 
Je suis d'accord.  Un bémol toutefois, la société en elle-même est déjà un immense laboratoire.  Qui l'a créé? Qui veut ne pas le perdre? Ce n'est nul autre que les gens riches à la tête des grandes compagnies.  
 
Ce n'est pas eux qui font le rendement des compagnies. Ce sont les employés !!!
 
Le service à la clientèle, l'après vente, les gens aux comptes payables,les recevables, les gens de l'entrepôt et j'en passe. Eux travaillent la plupart avec un salaire de 9@10 dollard de l'heure. Pas de partie de golf, pas de dîner ou de souper payer au frais de la compagnie. Et même plusieurs fois des heures de fou et du stress de la part de ces dirigeants pour que eux paraissent bien au yeux de la société. Grattez et vous verrez qu'en bas de la pyramide ils n'ont pas de cadeau


Message édité par python le 27-06-2006 à 18:10:43
Reply

Marsh Posté le 27-06-2006 à 18:29:29    

Citation :

le vrai visage de la société


La société n'a pas de visage, même métaphorique. On ne peut la voir de l'extérieur.
 
 

Citation :


Je suis d'accord.  Un bémol toutefois, la société en elle-même est déjà un immense laboratoire.  Qui l'a créé? Qui veut ne pas le perdre? Ce n'est nul autre que les gens riches à la tête des grandes compagnies.  


Si la société est une simulation de laboratoire, cela signifie qu'on en maitrise toute la réalité. Qu'on a l'a créé, comme tu dis. Par conséquent, "les gens riches à la tête des compagnies" sont un 'ti peu très très puissants. Et l'esprit du Bourgeois planait au dessus des eaux.
 
 

Citation :


Fahrenheit 9/11 ça te dit rien [:itm]  ... c'est la même chose :D


Je comprends mieux... Non ce n'est pas la même chose et l'oeuvre de Zola n'est pas un tract politique. Comme le cinéma n'est pas prétexte à propagande.


Message édité par Baptiste R le 27-06-2006 à 18:33:32
Reply

Marsh Posté le 27-06-2006 à 19:06:53    

baptiste R et python, vous avez tous les deux raison : dans La Bête humaine, Zola réalise une épopée : il s'agit d'un conflit de blocs, de mondes représentatifs et autonomes, montés dans un rapport synchroniques et qui s'interpénètrent à certains moments. Zola nous parle du destin, de la décomposition d'une civilisation - le Second Empire - et en même temps il nous raconte l'histoire d'une espèce - humaine. Comme le suggère baptiste R, Lantier n'est alors qu'un cas parmi d'autres, il sert de cobaye à l'écrivain. C'est d'ailleurs la différence qu'on peut établir, à la suite de Deleuze, entre le roman de Zola et le film de Renoir : chez Renoir, la fêlure n'est plus structure mais cas pathologique isolé, contingent. C'est une tragédie. Coup du sort. Avec Renoir, le moteur de l'histoire est un personnage : comme dans Thérèse Raquin, s'il meurt, l'histoire se termine. Avec Zola, le destin d'un personnage est toujours mis en perspective, en regard de l'Histoire : celle de l'humanité.
 
Ainsi, l'auteur de Germinal et de L'Assommoir se livre toujours dans ses oeuvres à une critique sociale acerbe ; son but est de montrer délibérément la vie sous ses aspects les plus sordides et les plus vils et de le faire avec un humanisme véritable caché derrière le pessimisme et la misanthropie apparents. Ses personnages sont prisonniers de leurs pulsions. Ne pouvant s'y soustraire, ils sont voués à la déchéance et à la mort. Tout autant que dominateurs, les personnages sont dominés, victimes de leurs propres désirs. Mais la loi sociale, les civilités, les moeurs imposent aux passions d'être en permanence réfrénées, recouvertes du masque de l'impassibilité. Les personnages sont condamnés à jouer des rôles mais leurs désirs progressent sourdement, ils sont toujours près à bondir, à relâcher leurs muscles et leurs nerfs tendus. Comme le note python, dans cette culture, toute progression des personnages dans l'échelle sociale est impossible car les membres de la bourgeoisie ne peuvent accepter des individus appartenant à une autre classe qu'eux, des parvenus qui visent à une satisfaction directe et brutale de leurs instincts, et dont les manières sont frustes et communes. Les pulsions, dans les hautes sphères de la société, sont organisées ; elles ne mènent pas forcément à une consommation directe. La dépravation est contrôlée et n'est tolérée que dans des zones réservées. Les bonnes manières et une dose certaine d'hypocrisie sont de mise et maquillent les désirs en savoir-vivre. Les pulsions peuvent être, aussi, absolument réfoulées. En ce sens, la satisfaction est toujours transgressive puisque la culture se fonde sur son refoulement et sa sublimation. Plus les normes et les interdits sont rigides, plus la jouissance à les tourner et à les subvertir sera grande. La pulsion paraît relever de ce qui serait une nature humaine. Elle appartiendrait à l'ordre biologique et caractériserait ce qui subsiste d'animal et de primitif. Mais si la source de la pulsion ne permet pas de différencier absolument l'homme de l'animal, en revanche les deux autres éléments caractéristiques de la pulsion, l'objet et le but, n'ont rien de naturel et de prédéterminé. La pulsion peut trouver des voies détournées, des objets substitutifs, des modes de relations nouveaux, pour arriver à la satisfaction. Elle connaît des destins différents et dont les rapports varient suivant les individus et les sociétés.
 
Pourtant, et conformément à ce que dit baptiste R, il y a chez Zola une "faculté de synesthésie" qui lui permet d'investir les éléments de la nature, du monde sensible de qualités subjectives, affectives et spirituelles. Ainsi, les décors et paysages - naturels ou urbains – revêtent des qualités qui ne leur sont pas inhérentes, sont investis de rôles et de significations qu’ils n’ont pas dans le réel. Les milieux ne sont pas de simples cadres spatio-temporels dans lesquels se déroulent les actions, dans lesquels vivent les personnages ; ils ne sont pas décrits dans leur pure objectivité, en tant qu’éléments indifférents au drame. Au contraire, ils sont investis d’une puissance expressive, d’une fonction dramatique et narrative ; ils sont chargés d’affects et d’émotions qui correspondent et répondent à ce qui est en train de se jouer dans la scène, aux sentiments des personnages à un moment
donné : "Zola oblige le milieu à résonner à l’unisson de ces moments décisifs de l’existence" que sont chez lui l’amour et la mort – "situations essentielles de la condition animale de l’homme". "Le milieu fondamental et la matière choisis, passent par tout le spectre et toute la gamme des drames humains dont le récit est rempli". "Un paysage quelconque est un état de l’âme, et qui sait lire dans tous deux est émerveillé de retrouver la similitude de chaque détail". Comme tout artiste, Zola peut saisir ce qu’il y a de projectif dans le rapport à la réalité et, bien plus que la nature en soi, ce sont les analogies qu’elle présente avec les oeuvres d’art et avec ce qui est d’ordre humain qui l’intéresse : "Dans la nature non-humaine, paysage, ciel, terre, animaux, c’est encore l’allusion à l’homme, la ressemblance humaine, le symbole plus ou moins transparent qui nous intéresse". Zola ne transfigure pas la réalité pour obtenir ses "effets émotionnels". Il choisit certains objets appartenant au milieu décrit, présentant à un moment donné telle tonalité, tel aspect qui coïncident avec l’état affectif du ou des personnages, les caractéristiques du drame qui est en train de se jouer. En d’autres termes, il ne force pas les objets à prendre telle ou telle signification afin de la conformer au sens général de la scène, il ne les manipule pas. Il choisit parmi tous les "possibles" ceux qui vont répondre harmoniquement aux actions et aux situations. C’est de cette façon que le naturalisme se différencie du romantisme.
 
Avant de continuer à explorer cette "liberté", il faut rappeler ici que chez Zola il ne s’agit pas de fatalité, extérieure au sujet, mais de déterminisme, immanent au personnage. Zola a voulu élaborer "une littérature déterminée par la science." Le romancier doit alors s’identifier au physiologiste, appliquer la même méthode d’observation et d’expérimentation sur des objets qui sont, en l’occurrence, les êtres humains. Les phénomènes de la vie psychique seraient déterminés comme le sont les corps bruts, seraient soumis de façon absolue à des lois fixées par la nature : "Un même déterminisme doit régir la pierre des chemins et le cerveau de l’homme." En plaçant ses personnages - porteurs de caractères héréditaires -, dans un contexte donné - le milieu social -, à un moment donné, le romancier va pouvoir découvrir les mécanismes qui dirigent la vie intérieure de l’être humain ; à l’instar du savant, il va décrire les lois observables ou vérifier des hypothèses précédemment émises. Le déterminisme est la clef de voûte de la méthode expérimentale. Mais Zola tient à marquer la différence existant entre le déterminisme et la fatalité et cite Claude Bernard : "Le fatalisme suppose la manifestation nécessaire d’un phénomène indépendant de ses conditions (...) le déterminisme est la condition nécessaire d’un phénomène dont la manifestation n’est pas forcée." L’idée de fatalité implique l’existence d’une puissance transcendante, extérieure au monde du sensible. Les phénomènes qui se produisent n’ont pas de causes directes, organiquement liées à eux. Les forces agissantes qui provoquent l’apparition des phénomènes sont d’ordre surnaturel ou métaphysique. La cause première est inatteignable, il est donc impossible d’agir sur elle pour enrayer les phénomènes et, inversement, l’action sur les phénomènes ne permet en aucun cas de remonter à la cause, aux conditions de leur apparition. L’ordre des faits est immuable. En revanche, dans le cas du déterminisme, les lois sont observables ; le phénomène est immédiatement et nécessairement lié aux conditions de son apparition. Mais il peut ne pas se produire si d’autres phénomènes, appartenant à d’autres chaînes de causalité, interviennent comme forces contraires, comme forces de modification, d’annulation, etc... En outre, il est possible de changer l’ordre des faits, de l’arrêter, de le prévoir, puisqu’en connaissant scientifiquement les différents éléments de cet ordre, dépendants les uns des autres, on peut, en principe, en agissant sur les uns agir sur les autres. "Du moment que nous pouvons agir, nous ne sommes pas fatalistes", affirmait Zola. Car la fin préconisée par l’écrivain est bien de conquérir la nature, de se "rendre maître de la vie pour la diriger", d’utiliser les lois naturelles "pour faire régner sur cette terre la plus grande somme de justice et de liberté possible". L’expérimentateur se double alors d’un moraliste.
 
Deux exemples permettent d’illustrer cette analyse. Dans Thérèse Raquin, la description que fait Zola du cadre naturel dans lequel a lieu le meurtre de Camille anticipe l’événement. Les éléments deviennent signes, tragique prévision. Plus encore, ils sont dans un rapport de participation et d’encouragement au meurtre : "Rien n’est plus douloureusement calme qu’un crépuscule d’automne. Les rayons pâlissent dans l’air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles. La campagne, brûlée par les rayons ardents de l’été, sent la mort venir avec les premiers vents froids. Et il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de désespérance. La nuit descend de haut, apportant des linceuls dans son ombre." Dans La Bête humaine, c’est la chambre où se trouve Lantier et où tout ruisselle de sang, où tout est inscription du sacrifice imminent : "Une nappe de clair soleil entrait par la fenêtre, incendiant les rideaux rouges du lit, les tentures rouges des murs, tout ce rouge dont flambait la pièce ; tandis que la maison tremblait du tonnerre d’un train qui venait de passer. Ce devait être ce train qui l’avait réveillé. Ebloui, il regarda le soleil, le ruissellement rouge où il était ; puis, il se souvint : c’était décidé, c’était la nuit prochaine qu’il tuerait, lorsque ce grand soleil aurait disparu."
 
Zola ne choisit donc pas des objets qui, simplement, reflètent les drames ; il les oblige, grâce à l’emploi de qualificatifs, de verbes utilisés dans un sens figuré, de comparaisons et de métaphores – et aussi grâce à l’usage répétitif de chacun de ces éléments –, à se transformer, à perdre dans leur expression toute littéralité. Il leur fait subir une inflation de la forme, il les surcharge de connotations subjectives. Il y a des moments "pathétiques", des "litanies extatiques" dans lesquels les objets sortent d’eux-mêmes, prennent une autre dimension, une autre qualité que la leur habituelle. C'est par exemple dans Au Bonheur des dames où, dans le grand magasin, les mannequins prennent vie, les étoffes se transforment en chair, les marchandises deviennent matière débordante, envahissante – ici Zola se rapproche d’un Rabelais ou d’un Bruegel. Cette extase est liée à l’hypostase dans la réalité d’éléments qui ne sont plus utilisés en tant qu’images, mais qui sont donnés comme ayant une réalité en soi, une vie propre.
 
Bref, l’absence de neutralité et d’objectivité chez Zola montre à quel point l’écrivain était loin des prétentions qu’il affichait à réaliser une littérature débarrassée de tout effet de rhétorique, à mettre en question la "prépondérance exagérée donnée à la forme". Le réalisme est toujours mode particulier et spécifiquement actif de perception du réel. La littérature en tant que système de signes arbitraires impose une distance infranchissable entre le représentant et le représenté, ne peut se soustraire à la dimension d’irréalité qui lui est inhérente. Roman Jakobson affirmait, justement, que "la question de la vraisemblance naturelle (...) d’une expression verbale, d’une description littéraire, est évidemment dépourvue de sens". "Est-ce qu’on peut dire que telle métaphore ou métonymie est objectivement plus réaliste que telle autre ? poursuivait-il. Même en peinture, le réalisme est conventionnel, c’est-à-dire figuratif". Si des cinéastes avaient tenté, ce qui n’a pratiquement jamais été le cas, de restituer les effets visuels de l’écriture de Zola, c’est à toutes les possibilités stylistiques propres à leur art qu’ils auraient dû avoir recours : la déformation de la perspective obtenue grâce à l’emploi d’optiques de longue ou courte focale, l’animation d’objets, la surimpression, le montage parallèle, l’emploi de grosseurs de plans extrêmes, etc... En outre, c’est dans le cinéma – et, dans une moindre mesure, dans la photographie –, que réside la possibilité pour les objets de conserver une irréductible part de réalité : la similitude nécessaire entre le signe et l’objet qu’il dénote. Le cinéma, comme l’affirmait Eisenstein jusque dans sa pratique, est le moyen le plus propice d’organiser, de monter des éléments neutres pour créer un sens et la dramatisation voulue des scènes.


Message édité par l'Antichrist le 28-06-2006 à 07:53:16
Reply

Marsh Posté le 27-06-2006 à 19:06:53   

Reply

Marsh Posté le 28-06-2006 à 08:50:34    

Peynet a écrit :

l'Antichrist
 
J’ai trouvé ton analyse du roman de Zola très bien vue…Néanmoins il me semble que la notion d’atavisme est bien réelle dans « la bête humaine »…
 
 Était-ce sa soif qui était revenue, de venger des offenses très anciennes, dont il aurait perdu l'exacte mémoire, cette rancune amassée de mâle en mâle, depuis la première tromperie au fond des cavernes ?


 
Dans le naturalisme de Zola, les mondes originaires doublent toujours les mondes réels, déterminés spatio-temporellement ! Le monde originaire n'a pas d'histoire. Dans les oeuvres de Zola, on le reconnaît à son caractère informe : "c'est un pur fond, ou plutôt un sans-fond fait de matières non formées, ébauches ou morceaux, traversé par des fonctions non-formelles, actes ou dynamismes énergiques qui ne renvoient même pas à des sujets constitués." (cf. Deleuze, L'Image-mouvement) Ce que vous prenez pour un atavisme n'est donc que la transmission d'un principe d'action, d'une forme vide susceptible de recevoir n'importe quel contenu, d'un fond universel, toujours déjà présent au coeur des vivants comme son Autre absolu, et qui n'a besoin que d'un milieu, d'un vécu, de la rencontre avec certains objets, pour se déclarer, s'exprimer dans toute sa démesure. Les actes meurtriers auxquels se sent poussé Lantier sont exempts de tout mobile ; ils ne sont pas des actes passionnels. De plus, l'atavisme est un instinct de vie et non de mort. Au contraire, le monde originaire est "commencement radical" et "fin absolue". Dans La Bête humaine, l'espace originaire est la vallée de la mort, le no man's land insoutenable de la Croix-de-Maufras. Lorsque la rencontre a lieu entre le monde originaire et le monde réel, les êtres de la civilisation échouent, naufragés dans le magma glacé du monde primitif. Flore et son père, pétrifiés d'étonnement, les dévisagent "avec des yeux ronds de sauvage".


Message édité par l'Antichrist le 28-06-2006 à 09:11:24
Reply

Marsh Posté le 29-06-2006 à 00:00:38    

L'Antichrist, merci.

Reply

Marsh Posté le 29-06-2006 à 15:04:08    

Arts et métiers
 
Tout le monde aime bien les arts,quand aux métiers,ça dépend..
Le forum s’appelle arts …et lectures.
A Nice une librairie s’appelle « arts et littératures ».
« Arts et métiers » recouvre le CNAM et les écoles des « arts et métiers ».
 
La BNF organisa une exposition sur ZOLA fin 2002,début 2003….
Le musée des arts et métiers prêta différents objets à cette occasion. Machine à vapeur….Zola pensait que l’homme était asservi par la machine à vapeur et serait libéré par l’electricité…
 
http://www.arts-et-metiers.net/mag [...] sh=f&arc=1
 
Je suis Piston,c'est ce qui fait marcher les machines à vapeur...
 
Je n'aime pas trop l'ancienne appellation de l'Ecole Centrale:"Ecole Centrale des arts et manufactures",je préfère :"Ecole centrale de Paris".Le mot technique et ses synonymes ont souvent une connotation péjorative...A l'exception de Polytechnique synonyme d'intelligence...
Lors du transfert à Chatenay Malabry Pompidou souligna que l'homme ne devait pas être asservi par la machine...
 
http://www.cefi.org/CEFINET/DONN_R [...] MPIDOU.HTM
 
Petite anecdote…A l’écrit en Français,nous devions disserter sur l’ « Emile » de  Jean –Jacques Rousseau et le retour a l’Etat de Nature…Aucun rapport évidemment avec le naturalisme et Emile…Zola ,mais je trouve le rapprochement amusant…
 
Néanmoins Pompidou fut a l'origine d'un mariage reussi entre les arts et les manufactures...
Le centre Beaubourg...Centre Georges Pompidou...
On dirait une "usine à gaz".En fait c'est une usine en trompe l'oeil....Je ne suis pas sûr que les parisiens se seraient précipités tout autant pour voir une vrai usine...
Le musée des arts et métiers ,quand à lui,bénéficie d'un certain succès...

Message cité 1 fois
Message édité par Peynet le 30-06-2006 à 09:40:40
Reply

Marsh Posté le 01-07-2006 à 11:36:15    

Peynet a écrit :


 
Petite anecdote…A l’écrit en Français,nous devions disserter sur l’ « Emile » de  Jean –Jacques Rousseau et le retour a l’Etat de Nature…Aucun rapport évidemment avec le naturalisme et Emile…Zola ,mais je trouve le rapprochement amusant…
 


 
Aucun rapport ? Pas sûr ! Rousseau est la figure amblématique d'une Nature toujours déjà perdue : il nous montre que le discours culturel est surdéterminé par la présence absolue de l’être. Une (longue) explication s'impose.
 
Dans tous les usages du mot culture (le travail de la terre : la culture du blé, la formation acquise par l'esprit et débouchant sur une maîtrise spontanée : l'homme cultivé - Bildung en allemand, enfin l’ensemble des savoirs, des idéaux, des croyances, des habitudes, des goûts communs à une société : la culture chinoise au sens de civilisation - Kultur en allemand), un donné primitif antérieur (la terre sauvage, l'état d'esprit et la nature elle-même) a été radicalement transformé par un travail. C’est le travail en effet qui transforme une clairière en champ et un esprit inculte en esprit cultivé. Or, le travail, disait Hegel, est une négation (comme activité culturelle, le travail est antinaturel, il est suppression d’un donné naturel) en même temps qu’un dépassement (dans toutes les conduites humaines, des plus naïves aux plus sophistiquées, s’accomplit ce que Hegel définit comme "le travail de la négativité", cette Aufhebung dont l’énergie dialectique, intrinsèquement liée au pouvoir du langage, supprime le réel tout en le conservant).
 
Prenons quelques exemples empruntés au programme de l'éducation philosophique (votre programme pour l'année de terminale à venir...). Tous les élèves apprennent en effet que le vêtement nie la nudité naturelle, que la parole nie le gémissement ou le cri naturel, que le dessin nie la trace. L’homme n’est pas seulement dans la forêt, à la manière d’un animal ou d’un arbre, il est face à elle. Il la contredit et la supprime en la rasant, et construit, au creux de cette absence gagnée, une ville ou un aéroport. Une maison n’est pas simplement un abri, comme un nid ou un gîte, et ce n’est plus au chant du coq, mais au bruit de son réveil que l’homme d’aujourd’hui achève son sommeil. Le monde agricole lui-même, qui naguère encore représentait "l’au-delà" de la ville, avec ses plantes et ses animaux, a rompu ses liens immémoriaux avec la nature. De même, l’homme n’a pas cessé de recouvrir par sa culture sa première naturalité. Nulle part, dans aucune société, le corps n’est laissé en l’état. Partout on le voit habillé, orné, paré, tatoué, et même mutilé. Ces "techniques du corps", selon l’expression de l’anthropologue Marcel Mauss, sont particulières à l’homme, et complètement étrangères au monde animal. Semblablement, l’instinct, caractéristique de l’animal, est désormais absent de la vie et de l’existence humaine. Comme déjà dit, la variabilité de "l'objet " de la pulsion, dont la seule limite est l'aptitude de cet objet à rendre possible la satisfaction, marque bien l'abîme qui sépare la pulsion de l'instinct. Celui-ci est un schéma de comportement inné, héréditaire, qui se reproduit toujours identiquement au sein d'une même espèce (les oiseaux d'une même espèce font toujours leur nid de la même façon). La pulsion au contraire, même si elle a toujours en vue la satisfaction (le "but" ), se signale par la diversité de ses voies et de ses objets : elle a trait à l'histoire de l'individu, au lieu de fixer celui-ci en un prédéterminisme biologique, et cela même si sa source est d'ordre corporel. Les pulsions ont une souplesse, une malléabilité (elles peuvent être détournées, refoulées, transformées, sublimées) que l’instinct, toujours rigide, ne connaît pas. Enfin, il faut rappeler la différence entre les besoins naturels (comme boire, manger, dormir) et les besoins artificiels (comme fumer ou regarder la télévision). De plus, le désir, dont la dimension psychologique et sociale est prévalente, est à distinguer du besoin, toujours lié au corps. Cela dit, comme le remarquait Marx dans le Capital, si le besoin est le besoin, cela n’a pas le même sens de dévorer crue de la viande, et de la manger cuite avec un couteau et une fourchette, assis à une table et avec des amis : on ne peut pas réellement dissocier le besoin de son mode de satisfaction, c’est-à-dire du désir.
 
C’est donc par le travail que se fait le passage de la nature à la culture. Le travail ne laisse pas les choses en l’état mais, en bouleversant un ordre donné, il permet l’émergence et le développement de ce qui était seulement virtuel et qui peut alors se penser comme une "seconde nature".
 
Mais le "travail de la négativité" dont nous parle Hegel est d’abord fondamentalement celui de la conscience.
 
En effet, quand nous disons "La Nature" nous évoquons un vaste ensemble d’êtres et de choses dont nous faisons nous-mêmes partie, mais qui pourrait exister sans nous, qui précéderait notre naissance et subsistera après notre mort. A un niveau élémentaire, la Nature révèle la présence d’un monde pré-humain : elle désigne ce qui existe indépendamment de toute intervention humaine, comme un ensemble de choses produit de manière autonome, et organisé selon un ordre précis. Dans cette Nature, nous ne sommes qu’une poussière fugitive. Et pourtant, cette Nature ne serait rien si nous ne pouvions la percevoir. Elle est un spectacle déployé devant moi dont j’occupe le centre et que je crée en ouvrant les yeux, que j’abolis en les fermant et que je bouleverse dès que je fais un pas. Elle entre dans une perspective qui n’existe que pour moi seul ; elle m’offre une variété innombrable de qualités sensibles, de contacts, de couleurs, de sons, d’odeurs et de saveurs qui me permettent de discerner les choses les unes des autres, de choisir entre elles pour régler mon action, de reconnaître en elles le double caractère d’utilité et de beauté qui leur donne avec moi une certaine affinité. Ainsi, pour l’enfant qui vient à la conscience, cette Nature que chacun touche et sent est le monde qui s’étale sous ses yeux et qui lui semble extérieur et indépendant de lui. Le premier réveil de la conscience face à la Nature qui semble extérieure est un réveil conquérant : il est si bien convaincu de l’extériorité des choses qu’il cherche à les expliquer en les assimilant ; le bébé veut tout ingurgiter pour que rien ne reste à l’extérieur. A cette boulimie digestive, succède une boulimie de l’intelligence qui veut comprendre pourquoi chaque chose est ce qu’elle est, et pas autre. Nous retrouvons ici le questionnement de nature philosophique. Tout philosophe, en effet, adresse au monde un questionnement logique. Ou plutôt, il le lui impose, puisque son entreprise n’a d’autre but que de trouver du sens à ce qui, de prime abord, n’en a pas. Face à ce qui ne se donne pas à penser, le philosophe s’étonne donc : pourquoi de l’existence partout, "cette profusion d’êtres sans origine" ? (cf. Sartre, La nausée) : "La nature dans l’univers entier ne montrait qu’un même visage informe, que les Grecs appelaient chaos, masse brute et confuse" (cf. Ovide, Métamorphoses, I, V.). Cet état de "non-sens", nous l’éprouvons comme une affliction intolérable, une sorte de crime perpétré contre la dignité morale de notre raison. Il faut donc que cette apparente impensable réalité dépende d’un "logos" essentiel, d’une raison universelle dont l’intention cachée pourra se dire dans une "parole fondamentale de la métaphysique" (Heidegger). C’est en ce sens qu’Heidegger montrera que le destin de la métaphysique tient à un coup de force de la pensée humaine, à une décision qui pose en même temps une pensée (logos), une nature (physis), et un cosmos, c’est-à-dire une nature comme ordre. Autrement dit, la philosophie s’impose un dire qui fait écran sur le chaos, sur l’absolu désordre, impensé et impensable. Or, ce logos s’identifie à la puissance ordonnatrice du réel. Le Dieu de la métaphysique, l’entendement divin, est le modèle de l’entendement humain, véritable "créateur" du discours ordonnateur. Et c’est pourquoi le philosophe, en mobilisant sa force conceptuelle, voulue sur le modèle de la raison divine, se révèle capable de saisir l’intelligence des choses.
 
Ainsi, ce qui est en cause dans cette interrogation d’une frange du réel (le sujet) sur le réel dans son entier (la Nature), c’est qu’elle s’effectue au nom d’une structure dont le statut paraît "naturellement" ambigu et paradoxal : notre mode d’appréhension "des choses", c’est-à-dire la conscience, s’offre à la fois comme signe tangible de notre appartenance au monde et aptitude symbolique à distancier ce dernier pour s’en abstraire. La conscience, c’est la volonté d’accueillir la Nature sans jamais l’intégrer. Ce que l’esprit constate, en effet, il s’en détache puisqu’il pourrait le concevoir autrement et qu’il y a en lui plus de possibilités que celles offertes par le réel. Le fait de la conscience est de s’affirmer par-delà toute présence manifeste, bref d’imposer sa culture. D'où la question philosophique : la conscience, qui veut rendre compte (ou conte ?) du réel en attestant en nous de la présence du surnaturel, qui cherche à récupérer puis intérioriser quelques bribes de ce réel qui est le non-moi par excellence, peut-elle vraiment prétendre atteindre quelque chose d’effectif en dehors d’elle ? Quel rapport y-a-t-il entre la Nature où je vis et qui me contient, et ce sensible que je vois, que je touche mais que je ne connais que parce que ma conscience l’enveloppe ? D’un côté, la Nature "existe" partout sans nous, mais de l’autre elle n’est (et ne naît) qu’en qualité d’objet fantasmatique (la "loi physique" est d’abord un modèle produit par l’entendement scientifique, de même que le "beau" est le produit de notre sensibilité et imagination dans le domaine artistique…) ; comme une sorte de possible narratif émanant de notre intelligence symbolique, de notre personne métaphysique ou de notre sensibilité métaphorique. Ce langage de la nature, que le philosophe, le scientifique ou le rêveur cherchent à dévoiler partout, n’est-il pas autre chose qu’une illusion fondamentale qu’élabore le discours humain pour résister à l’entropie (la précarité de l’ordre toujours menacé par son retour au désordre initial) du monde ? D’emblée, la force du concept essentialise l’inconnaissable en un tout finalisé, où la recherche implique "la croyance en un objet de nature, c’est-à-dire un objet éternel et divin" (cf. Clément Rosset, L’anti-nature).
 
Car cette Nature, à la fois présente partout et visible nulle part (véritable ombre de Dieu…), correspond d’emblée à une interprétation religieuse (du latin "religere" qui recueille et qui relie) du monde. Elle est la promotion d’une réalité seconde, idéelle et par là presque indicible. Avec la Nature, une sorte de quintessence du sensible vient au jour, à la fois immédiate et insaisissable, parce que toujours déjà là. Figure de la Vie (bien plus que Force naturelle), toujours silencieuse, invisible et impensable (irreprésentable) dans son accomplissement (un peu comme l’herbe qui pousse… ou la barbe), la nature s’offre, évidente et claire au ciel de nos idées. Mais, vivant paradoxe du réel, cette nature est toujours déjà perdue et c’est pourquoi nous l’aimons : elle est pour nous la quête d’une "authenticité primitive", de cette sauvage vision qui seule peut nous fait atteindre la région originale-originaire de la réalité (ce qu'elle est effectivement pour Rousseau). En fait, grâce à cette nature-miroir qui, l’espace d’un instant, efface le clivage pathétique de l’existence humaine et de l’Etre, l’homme devient ce qu’il est. Le philosophe, comme l’artiste ou le savant, le poète ou le promeneur prouvent l’absolue disponibilité de l’homme, sa capacité à s’abstraire de toute détermination objective et à affirmer sa liberté. Mais en même temps, leur activité esthétique, critique, scientifique ou contemplative, dévoilent le corps-propre de la nature. Se sont des expériences métaphysiques fondamentales, où se révèle le Même (l’artifice est le propre de l‘homme) et l’Autre (il est inscrit en lui comme une disposition naturelle) du sujet. Cette nature-miroir est un au-delà du réel ! En quelque sorte, c’est un entre-deux magique : à égale distance des hasards de la matière et des artifices de l’activité humaine. Ensemble de forces (la physis) ou principe primordial (le Cosmos, le Logos) ; efflorescence anarchique de la vie dans tous ses états ou action et conduite réfléchies de l’homme ; dynamique productrice des "choses" ou faculté d’infléchissement du réel, la Nature est tout cela en même temps pour l’éternité. En elle, pour une fois, l’acte de la pensée et son objet se confondent.
 
Bien qu’elle soit un "paradigme perdu", l’horizon sans rivage de notre quête spirituelle ou intellectuelle, la Nature est pourtant indéniable parce que nous nous représentons comme indéniable la nature humaine, c’est-à-dire la faculté d’agir sur la nature, y compris notre propre nature. Loin d’être cette étrange personne, étrangère à tout, et inaccessible, la Nature est inscrite en nous de manière paradoxale : par tous les "artifices naturels" (chez Zola par exemple...) qu’elle déploie pour que l’on arrive à ses fins (cf. "l'insociable sociabilité" chez Kant ou la "perfectibilité" chez Rousseau). Car, répétons-le encore, l’homme est citoyen de deux mondes : issu du monde matériel, il touche au monde spirituel. Il est donc un être "composé", qui cependant forme un tout. C'est cette notion de totalité qui échappe encore trop souvent à nos "scienteux" de tout bord... Cette situation est l’élément moteur et primordial de sa quête du sens : ce démon (cf. le "daïmôn" des anciens Grecs) de la connaissance qui fait qu’il trouve de l’intention partout, que ce soit au nom de Dieu ou du hasard. Nous apercevons ici deux des caractères essentiels de la nature d’un être "condamné au sens" : d’une part, le lien intime qui l’unit à la conscience, unité sans contenu (forme vide) susceptible de recevoir n’importe quel contenu (ce que montre bien l'oeuvre de Zola...) ; d’autre part, le souci majeur d’ordonnance des choses et d’organisation de soi, qui en est comme le corollaire. Ainsi, nous pensons lois parce que nous pensons, et "l’entendement est par lui-même une législation de la nature" (cf.  Kant). Face à l’état de non-sens, au manque de cohérence et de cohésion du réel, contre le sentiment de violence absurde qui en émane, ma conscience, en effet, se révolte et exulte ma liberté : penser est un cri lancé contre l’absurde de notre condition. Etant, à la différence de Dieu, une "personne" inachevée, par cet univers de fictions verbales qui habite ma pensée, je règle logiquement (selon le Logos, parole et mesure) mon appartenance au monde. Bref, la conscience, c’est l’art de poser sa différence en regard de la nature ou d’émettre au monde ses objections.
 
L’homme est donc le seul être libéré de la nature et la culture est son mode d’être au monde. Dans son effort culturel constant, fragile, souvent chaotique, l’homme creuse sa différence radicale. Ainsi, Merleau-Ponty pourra écrire : "Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique - et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque qui pourraient servir à définir l’homme." (cf. Phénoménologie de la Perception). En tout cas, le vrai, le juste, le bien, le beau sont des idées dont nous éprouvons la "valeur" avec force, quand bien même nous ne parviendrions jamais à les définir. La nature humaine ou "le congé définitif que l’instinct reçoit de l’intelligence." (cf. Bergson, L’Evolution créatrice).
 
Vous pouvez maintenant un peu mieux comprendre le sens et la portée de la "perfectibilité" chez Rousseau : par elle, il nous propose la vision d'une nature humaine comme faculté de parfaire la nature dans l’ordre sui generis de la culture. Un rêve d'artiste autrement dit... à la manière de Zola.
 
Vous l'avez compris, rien de ce qui fait l’homme, rien de ce que fait l’homme n’est naturel (pas même le beau dans l’art : "l’art n’est pas la représentation d’une belle chose mais la belle représentation d’une chose" ), toute l’histoire humaine est celle d’un progressif éloignement d’une origine à jamais perdue, la nature. Telle sera la voix de Rousseau : la dénaturation que constitue le passage de l’état de nature à la vie civile, est inéluctable. L’état de nature est un état fictif obtenu abstraitement en supprimant tout ce qui est "surnaturel" et "artificiel" : un état infra-rationnel et infra-social, le résultat d’une opération de réduction historique. Il n’est donc jamais question d’un "retour à l’état de nature" comme vous le dites : le problème, à la fois philosophique, politique et pédagogique, porte sur l’histoire qui est une nécessité de fait. Rousseau fustigera donc le caractère contingent de cette histoire, mais pour mieux préparer l’avènement du nouvel "homme de l’homme". Ainsi, l’Emile insistera sur le caractère rédempteur de l’éducation dans une civilisation où l’histoire altère la nature et dans un monde où il ne peut être question d’abolir l’histoire. Et le Contrat Social devra assurer une réforme politique permettant de retrouver la nature dans la citée sous la forme de la raison et de la justice. Bref, l’homme est un produit de la culture, le produit du travail de l’homme, de son action de transformation de la nature et de sa propre nature. Zola est très proche, n'est-ce pas ?
 
Cette activité de transformation de la nature, par son ampleur, met sans doute l’homme à part des autres animaux, eux-mêmes soumis à cet ordre nouveau crée par l’homme. Rien ne dit toutefois qu’une telle tendance à transformer la nature ait été un "programme" inné en l’homme, ce qui revient à poser la question du fondement de la culture. De même qu’il nous a fallu expliciter cette inscription de la Nature dans son dépassement culturel (nous sommes en quelque sorte toujours hanté par elle), et la reconnaître comme espace spirituel et présence de l’Etre (Deus sive Natura), de même nous devons montrer comment la disposition naturelle de l’homme à la culture dépend elle-même d’un ordre culturel sui generis.
 
En effet, lorsqu’on parle de "culture", on renvoie à un acquis quel qu’il soit. L’homme ajoute à la nature ses mœurs, sa façon de vivre. Nous l’avons dit, la culture, c’est le dépassement du donné. C’est le processus par lequel l’homme cherche à se libérer de ses particularités. Se cultiver, c’est se libérer des limites (et d’abord celles de la culture elle-même, entendue au sens de la civilisation) que définit notre existence particulière. La culture signifie en ce sens, non seulement l’appropriation des données d’une certaine culture, mais le dépassement de cette appropriation dans la réflexion qui permet une voie d’accès à l’universel (contre tout phénomène d’ "acculturation" ). On peut alors remonter aux principes originaires. D'où la pensée de Rousseau : la société ne relève pas d’une essence naturelle pré-définie. En revenir aux principes originaires de toute culture, ce n’est plus considérer la culture comme relevant d’une essence. La culture ne peut se comprendre comme la simple assimilation d’un donné puisque se cultiver, c’est dépasser ce donné. Or, ce dépassement est inscrit dans la nature humaine, dans cette disposition de l’homme à la culture : bref, l’idée de culture suppose la question du fondement. Parler du fondement de la culture, c’est chercher à établir un rapport constitutif entre une disposition virtuelle de l’homme (il porte en lui-même les conditions de réalisation de la culture, ce que Rousseau appelle la "perfectibilité" ) et la culture comme ordre sui generis. Bref, on ne peut pas réduire la culture humaine à un déterminisme de type scientifique qui ne laisserait aucune place à la liberté. Ce que cherche précisément à faire Zola dans et par son oeuvre...
 
Poser le problème du fondement de la culture implique donc deux directions : expliquer le passage de la nature à la culture, mais aussi situer ce passage dans la nature même de l’homme. Rousseau s’engage dans ces deux directions. Cette disposition est la perfectibilité. Celle-ci n’est ni réflexion, ni instinct, ni raison. Elle est la condition préalable et formelle qui rend possible le développement de toutes les possibilités humaines (bonnes ou mauvaises : vous voyez encore le rapport à Zola j'espère ?). La perfectibilité ne requiert pas la conscience de soi. La perfectibilité n’est pas autre chose qu’une qualité biologique inséparable de l’homme. Elle n’est qu’en puissance à l’état de nature. Ce sont les conditions extérieures qui la réveillent. Si donc les hommes se sont mis à transformer leur environnement, ce devait moins être dû à une tendance naturelle qu’à un "funeste hasard", inondation ou tremblement de terre, un événement qui, par exemple, aurait raréfié les denrées produites naturellement et qui aurait forcé les hommes à se rapprocher les uns des autres et à se sédentariser, au lieu de continuer simplement à se déplacer pour aller chercher la nourriture là où elle se trouvait.
 
Dans une telle analyse, le travail et la technique apparaissent d’emblée, contrairement au récit biblique, non comme une forme de malédiction, mais plutôt comme la solution apportée par l’homme à des catastrophes écologiques. Là où d’autres espèces se seraient éteintes à cause des transformations de leur milieu, l’homme, du fait sa "perfectibilité", a été capable de transformer son rapport à ce milieu pour survivre et en tirer profit. La tendance fondamentale de la nature humaine, qui distingue l’homme de tous les autres animaux, son essence donc, c’est la perfectibilité, c’est-à-dire la faculté de "parfaire" ce que la nature n’a pas achevé en l’homme, et qui demande, par le travail, à être développé. La perfectibilité, qualité essentielle de la nature humaine, fait de l’homme un être inachevé, devant se réaliser par lui-même. L’artifice, que rousseau condamne dans un premier temps (cf. Discours sur les sciences et les arts) parce qu’il rend l’homme artificiel, faux, trompeur, rusé, parce qu’il le corrompt en lui donnant de l’esprit, est finalement réintroduit dans la nature de l’homme, non plus comme ce qui détruit sa nature, mais comme ce qui doit la parachever. Zola ne dit pas autre chose... Ainsi, par le travail, l’homme se modifie au passage lui-même et, dans une certaine mesure, s’améliore : Rousseau montre comment l’homme, acquérant la métallurgie et l’agriculture - là encore par d’improbables concours de circonstances - développe ses propres capacités, son intelligence et son habileté, au point que l’on peut dire que c’est en travaillant que l’homme construit sa propre humanité : "A mesure que le genre humain s’étendit, les peines se multiplièrent avec les hommes. La différence des terrains, des climats, des saisons, put les forcer à en mettre dans leurs manières de vivre. Des années stériles, des hivers longs et rudes, des étés brûlants qui consument tout, exigèrent d’eux une nouvelle industrie [...] Cette application réitérée des êtres divers à lui-même, et les uns aux autres, dut nécessairement engendrer dans l’esprit de l’homme la perception de certains rapports [...] Les nouvelles lumières qui résultèrent de ce développement augmentèrent sa supériorité sur les autres animaux en la lui faisant connaître". (cf. Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes). La raréfaction des ressources extérieures est ce qui pousse l’homme à puiser dans ses ressources intérieures pour, simultanément, s’adapter au milieu et adapter le milieu à lui. Rousseau fait clairement apparaître le lien entre le travail et un "propre de l’homme" paradoxal ("la perception de certains rapports" c’est-à-dire la raison) qui n’est pas donné tout fait mais, justement, développé en même temps que l’homme acquiert la maîtrise de la nature et produit des objets artificiels.
 
Avec Rousseau (et Zola...), au mythe de la nature humaine, il nous faut donc substituer le mythe de Prométhée. L’artifice, issu du monde du travail, ne s’oppose pas à la nature, si l’on comprend celle-ci comme imparfaite et comme susceptible d’être parachevée, améliorée, développée par l’homme. Platon, dans le Protagoras, pensera, par l’intermédiaire de ce mythe, l’idée d’artifice comme remède à l’imperfection de la nature humaine. "Nu, déchaussé, dénué de couverture, désarmé", l’homme va recevoir de Prométhée l’intelligence ou "le génie créateur des arts", lui permettant de résoudre les problèmes que la vie lui pose. Les autres animaux ayant été largement dotés du nécessaire par Epiméthée qui, dans son imprudence et sa précipitation, avait oublié l’homme. Ce mythe enseigne donc que l’homme est, par nature, un homo faber, un être dont la nature est d’inventer, de fabriquer, comme le dira Bergson en soulignant que l’intelligence humaine n’est pas tant une faculté théorique et contemplative dont le but serait la connaissance désintéressée, qu’une faculté pratique liée à l’action (c’est ce que montrera aussi, à sa manière, G. Bachelard dans la Formation de l’esprit scientifique). La nature de l’homme, c’est l’artifice, en tant que l’artifice relève de l’art (au sens de la technê d’Aristote, "l’artifice qui effectue ce que la nature est dans l’impossibilité d’accomplir", cf. Physique,) et désigne l’habileté, le savoir-faire, l’ingéniosité. En ce sens, tout travail implique une technique. La technique, en effet, c’est le système des moyens ordonnés à une fin selon certaines normes, qui structure toute action productrice et la rend efficace. Par la technique, l’homme cherche à résoudre, grâce à un savoir-faire, des problèmes que rencontre sa faiblesse naturelle. La technique consiste alors en un prolongement artificiel de l’organique qui cherche à survivre mais aussi à bien vivre. Dans cette perspective, Ulysse peut représenter la figure même de l’ingéniosité humaine. Ecarté d’Ithaque pendant vingt ans, il retournera chez lui à force de ruse, d’habileté, d’artifice. On peut aussi rappeler l’épisode des sirènes : par l’usage de sa raison, Ulysse prévoit la faiblesse (le défaut de la force) de sa volonté et organise un plan en conséquence pour pallier cette défaillance afin de se repaître de son désir d’entendre les sirènes, de se perdre dans ce chant. Si Ulysse désire ce chant, il ne le veut pas. Cette non-volonté est gouvernée par le désir affirmatif de jouir à l’infini de son désir. Or, pour en jouir le plus possible, il ne faut pas y succomber (car sinon, c’est la mort). L’artifice devient ici le pouvoir que l’usage de sa raison donne à Ulysse de se prémunir de son propre désir en substituant aux cordes de la volonté, impuissantes au moment où le désir se fait entendre (le chant des sirènes), quand nous sommes jetés dans le feu de l’action et dans la chaleur du désir, les cordes matérielles qui vont l’attacher au mât pour sa propre sécurité sans l’empêcher de jouir de ce chant. Quant à Hume, il pourra soutenir dans son Traité de la nature humaine (cf. III) que la justice est "une vertu artificielle" dans le sens où elle provient, non de la nature innée de l’homme, mais de sa faculté d’inventer des remèdes à des situations invivables. La justice est une convention inventée pour pouvoir vivre en communauté, mais cet artifice n’en est pas moins naturel. Pour être artificielles, les règles de justices n’en sont pas pour autant arbitraires, l’effet du caprice ou du hasard. C’est cette confusion entre l’artifice et l’arbitraire qui est source de la disqualification de l’artifice et de son opposition à la nature.
 
Je vous laisse, mais il faudra certainement que je revienne pour vous entretenir du rapport entre le naturel et le normal...


Message édité par l'Antichrist le 02-07-2006 à 07:34:03
Reply

Marsh Posté le 03-07-2006 à 15:09:48    

Merci pour cette dissertation hautement  philosophique…
 
Un film de Godard m’intrigue…
« Le gai savoir »,commencé juste avant Mai 68….C’est le titre d’un livre de Nietzsche,mais le thème en est l’Emile de Rousseau….Mai 68,c’était en quelque sorte une " remise à plat "  de la civilisation,un retour à l ‘état de nature…Le film a longtemps été censuré,mais doit être diffusé au centre Pompidou le 9 juillet 2006…
http://picabia.cnac-gp.fr/Pompidou [...] enDocument
Les découvertes de la civilisation font peur quelquefois,elles faisaient peur à Zola,à Pompidou lors de l’allocution de 1969 (transfert école Centrale).Ces ordinateurs "intelligents ",ce sont les machines à vapeur d’aujourd’hui .La Lison presque humaine qui envoyait des jets de vapeur comme le souffle d’une respiration….


Message édité par Peynet le 03-07-2006 à 15:16:08
Reply

Marsh Posté le 04-02-2011 à 12:56:05    

Puisque nous nageons en pleine philosophie, je vous propose de visionner cette vidéo qui évoque et caresse les guides de pensé de cette formation au travers d'anciens élèves : INTERRESSANT !
 
http://www.youtube.com/watch?v=FqcTDzu8eTo

Reply

Sujets relatifs:

Leave a Replay

Make sure you enter the(*)required information where indicate.HTML code is not allowed