La guerre civile russe: 1917-1921.

La guerre civile russe: 1917-1921. - Arts & Lecture - Discussions

Marsh Posté le 21-01-2012 à 08:54:10    

La guerre civile russe est un sujet assez méconnu et qui n'a été que rarement traité par des historiens français. Personnellement, je n'avais qu'une très vague idée de ce conflit qui a été souvent instrumentalisé à des fins idéologiques et qui est peuplé de "mythes et de légendes" qui ont fait florès. Pour aborder ce thème, je me suis appuyé sur le livre de Dominique Venner, rédacteur en chef de la Nouvelle Revue d'Histoire, Les Blancs et les rouges, Histoire de la guerre civile russe, 1917-1921, édition Pygmalion, 1997, réédition chez les éditions du Rocher,
 
http://ecx.images-amazon.com/images/I/519ZS7T7CXL._SS500_.jpg
 
 
 
et sur le livre de Jean-Jacques Marie, La guerre civile russe, éditions Autrement, 2005,
 
http://ecx.images-amazon.com/images/I/51KWVBSZX8L._SS500_.jpg
 
 
Evidemment, le conflit russo-russe est aussi évoqué dans de nombreux ouvrages traitant de la révolution russe, dont je ne pourrais pas faire la liste exhaustive tant il y en a. Personnellement, je me suis aidé des biographies de Lénine par Hélène Carrère d'Encausse et Jean-Jacques Marie, ainsi que du dernier ouvrage sur La Révolution russe d'Orlando Figes,
 
http://ecx.images-amazon.com/images/I/51R2J%2BEiGiL._SS500_.jpg
 
Un article de Rémy Porte : "1919: la seconde guerre de Crimée des français", in Guerres & Histoire n°19, juin 2014, p.68 à 75, sur l'intervention française en Crimée, à partir de décembre 1919. Intervention qui ne fit pas long feu, à cause de la faiblesse des effectifs (2 divisions françaises incomplètes, 4 divisions grecques encore plus incomplètes !), de la médiocrité du moral de la troupe, et de l'hostilité des populations ainsi que l'intervention militaire de l'armée rouge, notamment à Kherson, en mars 1919, bataille qui signa la débâcle pour les français et le retour en métropole.
 
 
 
Evidemment, le sujet est un peu miné puisqu'il a influencé toute l'histoire du 20eme siècle et l'épisode a souvent été instrumentalisé par les uns et les autres à des fins politiques. Aujourd'hui, près de 100 après le conflit, avec la chute de l'URSS en 1991, il me semble que les passions se sont adoucies et qu'on peut porter un regard plus objectif sur cette guerre civile qui a enflammé les imaginations et qui s'est terminée par l'édification d'un régime qui aura marqué ce siècle.

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Message édité par Tietie006 le 12-06-2014 à 10:31:15

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Marsh Posté le 21-01-2012 à 08:54:10   

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Marsh Posté le 21-01-2012 à 09:20:17    

Tietie006 a écrit :

[…] rarement traité […]

Tietie006 a écrit :

[…] souvent instrumentalisé à des fins idéologiques […]

Tietie006 a écrit :

[…] peuplé de "mythes et de légendes" […]

Tietie006 a écrit :

[…] le sujet est un peu miné […]

Tietie006 a écrit :

[…] souvent été instrumentalisé […]

Tietie006 a écrit :

[…] enflammé les imaginations […]


 
et sinon tu as qqchose a dire sur le sujet ?


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☭ ni patrie ni patron | send nupes | power concedes nothing without a demand | des scripts | des stats | y tho | stew is sus ඞ
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Marsh Posté le 21-01-2012 à 09:50:14    

 
   
    Les troubles qui commencèrent à Petrograd, le 23 février, naissent d'un hiver particulièrement rude et d'une pénurie de pain et de combustible, qui vont jeter dans la rue, le petit-peuple petersbourgeois. La mutinerie de la garnison de Petersbourg, dès le 25, transformera ses révoltes de la faim, en révolution. Comme le dit Orlando Figes dans La Révolution russe (page 416), les partis révolutionnaires russes ne virent rien venir ! Dès le début, les conditions pour le futur octobre sont déjà réunies, avec la mise en place deux centres du pouvoir: la Douma et le gouvernement du Prince Lvov, qui représentait la classe bourgeoise contre le nouveau Soviet élu le 27 février, incarnant le prolétariat urbain. La concurrence de ces deux pouvoirs se réglera en Octobre 1917.
Le Tsar, à Moghilev n'est pas informé de la gravité de la situation par son incompétent ministre de l'intérieur, Protopopov. Il mande tout de même au général Ivanov d'aller mater les émeutes avec 4 divisions, mais ce dernier n'arrivera jamais à Petersbourg, les voies ferrées étant coupées par les révolutionnaires.
Le 2 mars, la Douma envoie Goutchkhov et Choulguine à Pskov, pour imposer l'abdication au tsar. Dominique Venner fait de Goutchkhov, le leader d'une conjuration franc-maçonne contre le tsar, reprenant une thèse développée, en 1963, par l'historien Grégoire Aronson...Orlando Figes en reparle, sans donner d'importance à cet énième complot qui menaçait la couronne dans ces temps difficiles.
Mais Figes, page 437, affirme bien, comme Carrère d'Encausse et Venner, que ce sont les chefs militaires menés par le général Alexeiev , le chef d'état-major de l'armée, qui ont bien emporté la décision et ont obligé le tsar à abdiquer.
Les généraux sont acquis à une réforme institutionnelle, celle d'intégrer la Douma dans le jeu politique, avec un gouvernement responsable devant elle. Ils sont convaincus que cette évolution reste nécessaire pour continuer la guerre et la gagner. Les militaires n'agissent évidemment pas pour des considérations sociales, mais pour des raisons patriotiques. On ne reverra donc pas un nouveau "dimanche rouge", comme 1905, puisque les chefs militaires lâchent le tsar.
On peut donc dire que février 1917, est une révolution par le haut, avec l'oukaze des généraux et des élus de la Douma, et par le bas, avec les émeutes de la faim et l'élection du soviet de Petrograd. Ses deux légitimités se heurteront jusqu'en octobre 1917.


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Marsh Posté le 21-01-2012 à 15:03:07    

Si tu parles de la guerre civile, il ne faudra alors pas oublier les verts.
 
http://hfr-rehost.net/www.minecreek.org/bullock-collection/images/8809_18_72-black-union-sailor.jpg
 
A+,


Message édité par gilou le 21-01-2012 à 15:03:25

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Marsh Posté le 21-01-2012 à 16:18:50    

Notons que le discrédit du tsar et de la tsarine atteignirent des niveaux inégalés, dans toutes les couches de la société. Début décembre 1915, le tsar, après avoir suspendu la Douma, partait sur le front, à Moghilev, et jusqu'en février 1917, c'est à un régime bicéphale que la Russie va devoir sa gestion. En effet, le tsar au front, c'est la tsarine Alexandra qui avec son âme damnée, Raspoutine, va gérer les affaires de l'arrière ...avec, évidemment, un sens politique calamiteux et une incompétence rare, arrivant à semer la zizanie en faisant et défaisant les ministres selon son humeur ! Boris Stürmer  remplaça, en janvier 1916, le sénile Goremykine, à la tête du gouvernement, nomination malheureuse, avec son patronyme allemand, sa vénalité et son incompétence. Orlando Figes parle de la légende noire de la tsarine, accusé d'être au centre d'une clique pro-allemande, cherchant à tout prix la paix avec Berlin, et dont la nomination de Stürmer ne fit que renforcer.
Devant la gestion calamiteuse de la tsarine, les membres de la famille impériale se mobilisent, et vont faire pression auprès du tsar pour écarter sa femme des affaires publiques. Nicolas II, qui était très attaché à sa famille et à sa femme, ne veut rien entendre. Même son cousin, le roi d'Angleterre, George V, s'inquiète de la situation intérieure russe et fait pression auprès du tsar pour faire des concessions.
Les attaques contre Stürmer atteignent un niveau inégalé, lors de la session de la Douma en novembre 1916. Le Premier Ministre est accusé de corruption et de trahison par le leader du parti KD, Milioukov, ce qui créé un véritable scandale et mine un peu plus l'image désastreuse de sa protectrice, l'impératrice. Le tsar est acculé à lâcher Sturmer, qui démissionne le 7 novembre 1916. Mais la nomination du compétent Alexandre Trepov, à la tête du gouvernement, ne calmera pas les esprits, et celui-ci ne peut se faire entendre lors de son discours d'intronisation, tant le brouhaha est grand ! Surtout que la tsarine arrive à sauver la tête de ses protégés, comme le ministre de l'intérieur, Protopopov, haï par toute la Douma !
Pour Orlando Figes, février 17, au-delà de la révolte du bas-peuple, et aussi une révolution nationale, d'une bourgeoisie russe, alliée à la noblesse, qui veut écarter un tsar faible et incompétent, soumis à l'influence néfaste de sa femme !


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Marsh Posté le 22-01-2012 à 06:05:03    

Trotsky à propos de la révolution russe parla du "paradoxe de février", avec un soviet qui a tous les pouvoirs, car véritable émanation du peuple révolté, mais qui refile son destin à un gouvernement bourgeois, issu de la Douma, qui n'aura, dans les faits, aucun pouvoir. Dualité qui sera réglé en octobre 1917, par les bolcheviks, dans une indifférence quasi-complète. Entre février et octobre 17, le soviet aurait pu faire tomber le gouvernement provisoire.
Dualité qui se reflètera dans la composition de ce gouvernement, où seul un membre du soviet de Petrograd, est présent, avec son vice-président, Kerenski, ministre de la Justice.
Ce gouvernement, n'a aucun pouvoir car l'administration russe s'est dissoute et que le soviet a imposé à celui-ci, des principes à respecter, comme une liberté des droits, le suffrage universel, etc ...et surtout l'Ordre n°1, début mars 1917, qui constitue des comités de soldats, dans les compagnies, au front, garant de l'esprit révolutionnaire et opposés aux officiers ...ferment de décomposition de l'armée russe qui était le seul atout de ce gouvernement provisoire, soutenu par les généraux. En février 1917, il n'y aura aucun chef militaire qui défendra Kerenski face aux bolcheviks, car le premier symbolisera la décomposition de l'armée et donc de l'état russe.
Pourquoi ce soviet n'a-t-il pas pris le pouvoir en 1917 ? Pour Figes, il y a trois raisons à cela :
- les mencheviks et SR qui dominent, en février le soviet de Petrograd, pense que la Russie est un pays trop arriéré pour imposer, toute de suite, une politique socialiste. Il est donc nécessaire de passer par une phase bourgeoise pour accumuler le capital nécessaire à une future transition socialiste.
- le soviet a peur que sa prise de pouvoir entraînent une contre-révolution militaire. Et il n'a pas tort, puisque le général Alexeiev se rallia au nouveau régime, en retenant la main belliqueuse du général Ivanov, censé réprimer les troubles à Petrograd, lorsqu'il sut que la Douma et les libéraux étaient associés au nouveau pouvoir.
- enfin, le soviet n'est pas sûr de son pouvoir sur les masses ouvrières. La violence populaire qui se déchaîna durant ces journées de février, inquiéta les délégués mencheviks et SR, qui craignaient que cette violence se retourne contre un soviet gouvernant.


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Marsh Posté le 22-01-2012 à 18:19:29    

Le gouvernement provisoire, jusqu'à l'élection de l'Assemblée Constituante, est dominé par la personnalité du Prince Lvov ("on a viré un tsar pour faire revenir un Prince, dira un révolutionnaire" ...), qui s'était rallié au parti KD, en 1905. Personnalité pragmatique, peu au courant des subtilités idéologiques dans les partis de gauche, confondant parfois les Socialistes-révolutionnaires aux bolcheviks, il est malgré tout un personnage qui inspire le respect à la Douma. Il est un premier ministre de compromis, mettant à une distance égale les deux poids lourds du jeu politique russe, le chef du parti KD, un libéral-constitutionnaliste, Milioukov aux affaires étrangères et le leader des mencheviks, Kerenski, à la justice. Le libéral-conservateur Goutchkov prenant la guerre. Kerenski est le seul délégué du soviet de Petrograd à être dans le gouvernement, symbole de la dualité du pouvoir dans cette Russie révolutionnaire. Tous les leaders du soviet avaient refusé d'entrer dans le gouvernement, mais Kerenski, ambitieux et opportuniste, ne veut pas rater l'occasion, et va rallier le soviet après un discours flamboyant dont il avait le secret.
Ce gouvernement est totalement impuissant, et ne peut empêcher la dissolution de l'administration tsariste, la balkanisation de la Russie en une multitude de pouvoirs locaux, et l'expropriation sauvage des Terres des hobereaux par les paysans. Lvov, éternel optimiste, pense que les choses se tasseront et voit la rage paysanne envers les propriétaires fonciers comme la "revanche des serfs", trop longtemps contenue par des siècles d'humiliation. Le gouvernement rassure les alliés, inquiets de la tournure des événements, sur la fidélité à l'alliance contre l'Allemagne, même si l'ordre n°1, du début mars 1917, instituant des comités de soldats, va miner l'autorité des officiers, et dissoudre progressivement l'armée russe, masse désormais chaotique et informe, incapable de lancer une offensive, comme on le verra en juin.


Message édité par Tietie006 le 22-01-2012 à 20:53:51

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Marsh Posté le 26-01-2012 à 04:02:50    

Dans le pays profond, dans les campagnes, la révolution paysanne va suivre son cours, coupée du pouvoir central. La confiscation des terres des hobereaux s'accéléra après la nomination, au gouvernement provisoire, du SR Tchernov, au ministère de l'Agriculture.
 
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/14/Chernov.jpg/220px-Chernov.jpg
 
 Les SR étaient favorables à la socialisation de la terre par les comités locaux de paysans, qui furent mis en place par le gouvernement dès le 20 mars ! Evidemment, le ressentiment paysan envers les anciens maîtres, entraîna ce que le Prince Lvov
 
http://s4.hubimg.com/u/1914015_f260.jpg
 
nomma la "revanche des serfs", flot de haine qui s'en prit aux nobliaux qui avaient traiter les moujiks, comme des bêtes ! Ces confiscations qui s'accompagnaient de pillages et de lynchage, furent entérinées par l'assemblée paysanne panrusse qui se tint en mai 1917. Les SR qui dominaient cette assemblée, prônaient le respect de la légalité, mais ils furent vite débordés par la base.
Dans les villes, les comités d'usines faisaient pression sur les patrons pour améliorer les salaires et les conditions de travail. Dès le 10 mars, 300 patrons de Petrograd acceptèrent la journée de 8 heures sans baisse de salaire. Ces comités d'usine prenaient une importance grandissante, foyers de propagande bolcheviks, ils supplantaient les syndicats contrôlés par les mencheviks, et prônaient le contrôle ouvrier et la nationalisation de l'outil de production. C'est dans la bolchevisation de ces comités qu'il faut voir la montée en puissance du parti bolchevik, qui sera en position de force en octobre.
De plus, depuis février 1917, des bandes d'ouvriers armés s'étaient transformés, officiellement, en "garde rouge", n'obéissant qu'au soviet et alter ego de la milice mise en place par le gouvernement provisoire, dualité des "polices" qui reflétait la dualité du pouvoir. En juillet 1917, la garde rouge de Petrograd était forte de 20 000 hommes, dominée par les bolcheviks.
Les tensions vont s'exacerber, durant l'été 1917, entre un gouvernement confronté aux nécessités de la guerre et des ouvriers instrumentalisés par les bolcheviks, qui poussent à la revendication sociale en faisant des grèves et en manifestant. Une position quasi-intenable pour le gouvernement menchevik de Kerenski.
Surtout qu'on le verra un peu après, l'Empire russe est soumis aux forces centrifuges des nationalismes, notamment en Ukraine et en Finlande.


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Marsh Posté le 28-01-2012 à 15:51:29    

Jusqu'alors le gouvernement provisoire avait coalisé des forces antagonistes, comme les KD et les Mencheviks/SR, qui ne voyaient leur salut que dans une union de tous les partisans du parlementarisme. L'unité de l'Etat russe était aussi un credo de ce gouvernement, qui était soumis aux forces centrifuges des nationalismes. Même les SR et les mencheviks, favorables à l'autodétermination nationale s'étaient ralliés à la position KD, qui était de garder intact l'intégrité de la Russie. Mais en Ukraine et en Finlande les revendications nationalistes se faisaient de plus en plus pressantes. En Finlande, la situation se dégrada en juillet, et la guerre de libération commença. En Ukraine, la Rada revendiqua son autonomie dans une fédération de Russie, mais le gouvernement du Prince Lvov temporisa. Aussi, le 10 juin, la Rada proclama une déclaration de liberté de l'Ukraine dans le droit fil de la charte des Hetmans cosaques du 17eme siècle. V.K.Vinnitchenko exerça alors le pouvoir en lieu et place du gouvernement provisoire, ce qui déclencha l'ire du Prince Lvov, accusant la Rada ukrainienne de donner un coup de poignard à la Russie, qui s'apprêtait à lancer sa dernière offensive contre les austro-allemands et qui était désormais menacé de perdre deux régions vitales sur ses arrières. Une délégation russe menée par Kerenski alla négocier avec la Rada, qui déboucha, le 2 juillet, sur un compromis de dernière minute, le gouvernement provisoire reconnaissant la Rada et une large autonomie à l'Ukraine. Le parti KD ne reconnut pas cet accord qui minait l'intégrité de la Russie, et 3 ministres démissionnèrent, le 4 juillet, clôturant la période d'un gouvernement d'union nationale et promettant la fin du gouvernement provisoire.  
Surtout qu'à Petrograd, ce 4 juillet, soldats de la garnison et ouvriers manifestaient dans les rues au cri de "Tout le pouvoir au soviet" et n'avaient plus qu'à se baisser pour prendre un pouvoir exsangue, mais les hésitations d'un Lénine firent échouer le coup d'Etat de la rue.


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Marsh Posté le 28-01-2012 à 16:14:53    

SR=Socialistes Révolutionnaires et kD= Parti Constitutionnel Démocratique je crois ?
 
 
 
Topic très intéressant ! Cela change des méchants bolchos contre gentils tsaristes et vice et versa  [:bighead:2] Un vrai feuilleton en fait cette révolution.

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Marsh Posté le 28-01-2012 à 16:14:53   

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Marsh Posté le 28-01-2012 à 16:20:58    

Il y a des choses intéressantes dans l'auto-biographie de trotski, qui sont rediscutées de façon pertinente dans la nouvelle bio qui enlève les éléments romancés et glorieux du personnage.
 
Par ailleurs les bouquins de Nicolas Werth sur l'histoire de l'URSS sont excellents, notamment sur cette première phase.


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
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Marsh Posté le 30-01-2012 à 09:23:48    

La révolution de février est venue sans prévenir, surprenant tous les chefs socialistes, et notamment bolcheviks. Certes la majorité des dirigeants vivaient en exil, mais le représentant bolchevik à Petrograd, Chliapnikov, ne croit pas les manifestations de février sont les prodromes d'une révolution. La révolution arrivée, divine surprise inattendue, les chefs bolcheviks vont chercher à revenir au pays. Trotski et Zinoviev, à New-York, seront retardés à Londres, Lénine, prend un train avec d'autres exilés, et traverse l'Allemagne avec la bénédiction des autorités teutonnes, qui voient d'un bon oeil ce pacifiste retourner en Russie. Le parti bolchevik, en février 1917, ne regroupe que 5000 militants, d'après Jean-Jacques Marie, mais les thèses d'Avril, énoncées par Lénine, va attirer de plus en plus de soldats et d'ouvriers.  
Lorsque Lénine arriva en Russie après 17 ans d'exil, il va exposer rapidement ses thèses dites d'Avril, qui ne font pas l'unanimité, d'ailleurs, dans son parti. Au lieu d'accepter une "transition bourgeoise" nécessaire avant l'étape socialiste, Lénine, dans le sillage des populistes russes et notamment de Tchernychevski,  
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Que_f [...] %A9nine%29
 
prend partie pour un pouvoir prolétarien incarné par le soviet, avec son fameux slogan "Tout le pouvoir aux soviets". Il attaque violemment le gouvernement provisoire, demande une paix immédiate, veut la suppression de la police et de l'armée et la confiscation immédiate de toutes les terres. Tsereteli, le leader menchevik, accusera Illitch de ne pas respecter la théorie marxiste et d'autres avouèrent que le leader bolchevik avait abandonné Marx (Lénine a russifié plutôt russifié Marx, en s'appuyant sur les populistes russes pour nier l'importance de la transition bourgeoise) pour Bakounine. En fait, Lénine se montre pragmatique en demandant la paix immédiate, seul parti à le faire, mesure qui ne peut que lui rallier une large majorité de soldats qui n'en peuvent plus de cette guerre. On verra que 10 mois plus tard, cette paix immédiate avec l'Allemagne ne fut pas évidente, puisqu'un Boukharine voulait continuer la guerre pour aider la révolution allemande et qu'un Trotski, hésitant, ne se rallia qu'au dernier moment à la paix immédiate léniniste, jusqu'alors en minorité.
Les thèses d'Avril vont donc effrayer une majorité de socialistes, et même au sein de son parti, un Kamenev, incarnant le centre du parti bolchevik, pensait que la Russie était trop arriéré pour se passer d'une transition bourgeoise. (Ce même Kamenev s'opposa, en octobre, au coup d'état bolchevik pour la même raison).
 
Le parti bolchevik va monter en puissance en ce printemps et les thèses d'avril vont lui rallier des milliers de nouveaux militants. Ses deux bastions à Petrograd furent la base navale de Cronstadt, avec des marins qui soutenaient les thèses bolcheviks et qui déclarèrent même une "République soviétique de Cronstadt", en mai 1917, ne reconnaissant plus le gouvernement provisoire, action qui fut condamné par Lénine, qui craignait que sa radicale base entraîne une répression contre son parti. Le quartier ouvrier de Vyborg, siège des usines Poutilov, était l'autre bastion bolchevik de la capitale, avec des comités d'usine qui était largement contrôlés par les bolcheviks.
 
L'offensive russe de Broussilov, décidée par le ministre de la Guerre, Kerenski, en juin, décision inepte au vue de la décomposition de l'armée russe, va encore alimenter le parti bolchevik avec son lot de soldats fuyant la guerre et demandant la paix. D'avril à septembre 1917, les effectifs bolcheviks passeront de 20000 à 200 000 selon JJ Marie. Mais le dilemne de Lénine et du comité central, c'est de résister à cette base de soldats et d'ouvriers radicaux qui ne rêvent que de renverser le gouvernement provisoire en donnant le pouvoir au soviet ...qui n'en veut pas !! Car le soviet de Petrograd, dirigé par les mencheviks et les SR, pense qu'une transition bourgeoise est nécessaire pour développer la Russie.
 
L'agitation règne dans les villes russes, en juin, et les grèves se multiplient, à Petrograd. Le gouvernement provisoire, par le biais de Kerenski, veut lancer une offensive contre les austro-allemands, en juin, et aimerait y envoyer une partie de la garnison de Petrograd, qui devenait ingérable et était une épée de Damoclès sur la tête du gouvernement. Les soldats de la garnison décrètent qu'ils renverseront le gouvernement si celui-ci persiste à vouloir les envoyer au front. Lénine va prôner la modération, craignant que la situation ne soit pas mûre pour déclencher un coup d'état, mais il a du mal à contrôler sa base.
A partir du 2 juillet, des manifestations de soldats et d'ouvriers, aux cris de "Tout le pouvoir aux soviets" convergèrent vers le centre-ville, culminant le 4 juillet. Le palais de Tauride où siégeait le gouvernement, était à la merci des milliers de manifestants, mais la foule hésita, Lénine, indécis, n'ayant donné aucune consigne, alors que le pouvoir lui tendait les bras. Des manifestants radicaux capturèrent le ministre SR Tchernov, qui fut libéré de la foule par l'action déterminée de Trotski. Des cosaques et des KD tirèrent alors sur la foule, pour disperser la manifestation, qui fut achevé par un énorme orage !
Cette journée du 4 juillet aurait du être la fin du gouvernement provisoire qui n 'aurait rien pu faire contre les milliers de manifestants. Mais les hésitations de Lénine, sur la conduite à donner à la manifestation, laissa la foule sans direction, et l'indécision puis l'échec acheva le succès de la grève.
 
Le lendemain, 5 juillet, la presse de droite se déchaîna contre les bolcheviks, les faisant passer pour des agents allemands et les locaux de la Pravda furent saccagés. Le 6 juillet, l'hôtel Ksechinskaïa, siège du parti, fut investi par l'armée et 500 militants qui s'y trouvaient furent arrêtés. Lénine, lui, avait déjà pris la poudre d'escampette, avec Zinoviev. Le ministre de la Justice Pereverzev, ordonna l'arrestation des leaders bolcheviks, et Trotski, Kamenev et Kollontaï furent capturés. Près de 800 militants bolcheviks furent arrêtés. Lénine croyait que c'était la fin pour son parti, qui allait périr sous les coups de la répression ...Mais Kerenski et les mencheviks retinrent la main de Kornilov, qui avait remplacé Broussilov, considérant les bolcheviks comme des camarades socialistes et ayant peur que l'éradication des partisans de Lénine, laisse la porte ouverte à une contre-révolution. Kerenski ne sera pas le Noske de la révolution russe ...et il s'en mordra les doigts, un peu plus tard !
 
 


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Marsh Posté le 10-02-2012 à 18:36:57    

La prise de pouvoir par les bolcheviks:
 
1°) Le faux coup d'état de Kornilov.
 
Nommé pour remplacer Broussilov, et pour plaire au KD, que Kerenski voulait ramener dans la coalition, Kornilov, militaire charismatique mais petite tête politique, eut le tort, aux yeux du chef du gouvernement provisoire, d'être populaire et d'éclipser le vaniteux Kerenski. Celui-ci, par le biais de Boris Savinkov, un SR vice-ministre de la Guerre, lui manda d'envoyer des troupes sur Petrograd, pour prévenir un coup d'état bolchevik, et quand la soldatesque se mit en marche, l'accusa de vouloir envahir la capitale pour prendre le pouvoir ! Exit donc, le dangereux Kornilov, remplacé par Kerenski lui-même, fin août.
 
2°) Le retour des bolcheviks.

Honnis en juillet, les bolcheviks revinrent de nouveau en faveur, à la suite du "coup d'état" de Kornilov, et des armes furent donnés aux ouvriers. Trotski, libéré le 4 septembre, avoua par la suite, que cette période fut une répétition pour Octobre. D'ailleurs, si le stratagème du chef du gouvernement marcha pour éliminer Kornilov, il s'aliéna définitivement l'armée et la bourgeoisie et, paradoxalement, accentua le ralliement des soldats et des ouvriers aux bolcheviks, laissant le gouvernement provisoire totalement isolé et sans pouvoir.
 
3°) Lénine, prendre le pouvoir.
 
Les bolcheviks avaient gagné de l'influence et avaient même pris la majorité du soviet de Petrograd. Le futur congrès panrusse des soviets, en Octobre, annonçait donc la fin du gouvernement provisoire et le transfert de tout le pouvoir aux soviets, comme le souhaitait Lénine, avec ses Thèses d'Avril !
Mais que Nenni ! Illitch n'avait aucune envie de partager le pouvoir avec les mencheviks et les SR, et dès la mi-septembre, de Finlande, il prôna la prise de pouvoir par la force, avec le congrès panrusse des soviets. Il se heurta alors au CC, et notamment à Kamenev et à Zinoviev, qui oeuvraient à une coalition avec les autres partis socialistes, ce qui mis en rage Lénine, qui les traita de "traîtres à la classe ouvrière". Le 18 octobre, Kamenev déclara même son opposition aux thèses d'Illitch sur la place publique ! Il n'en reste pas moins que c'est la ligne de Lénine qui l'emporta et le principe de l'insurrection fut décidée dès le 10 octobre.  
Les comités de soldats, hésitants, après la catastrophe des journées de juillet, suivèrent les bolcheviks après que Kerenski, piètre politique, décida d'envoyer au front une partie de la garnison de Petrograd, ce qui rallia définitivement les soldats à la cause de l'insurrection.
 
4°) Un coup d'état en douceur.
 
Le film d'Einsenstein, Octobre, pour le 10eme anniversaire de la révolution d'octobre, a popularisé un Octobre révolutionnaire, voyant les masses prolétariennes se soulever comme un seul homme contre la réaction, or rien ne fut plus faux. Dès le 23 octobre, Petrograd était déjà aux mains des gardes rouges qui avaient même investi la forteresse Pierre et Paul, laissant seulement le Palais d'Hiver au main du gouvernement provisoire. Le 25 octobre, les marins de Cronstadt, les ouvrières de Vyborg, et les gardes rouges devaient donner l'assaut au Palais d'Hiver, défendu mollement par quelques troupes disparates, dont 200 femmes du Bataillon de la Mort !! L'assaut contre un palais d'Hiver abandonné de tous, fut donné dans le désordre le plus complet.
 
5°) Les mencheviks et les SR se mettent hors-jeu.
 
A l'institut Smolny, le soviet travaillait, au courant des événements et Martov, le leader menchevik prôna un gouvernement de toutes les tendances socialistes, comme le slogan "Tout le pouvoir aux soviets" le prévoyait. Mais une partie des mencheviks et des SR stigmatisèrent l'action des bolcheviks contre le gouvernement provisoire et quittèrent la salle sous les lazzis des léninistes. Ce fut du pain béni pour Lénine, qui put imposer, après le départ des autres factions socialistes, la suprématie totale des bolcheviks sur le soviet et du Parti sur le soviet.


Message édité par Tietie006 le 10-02-2012 à 18:38:00

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Marsh Posté le 11-02-2012 à 15:06:22    

Merci ! Ce fut un vrai feuilleton !  [:lune]  
 

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Marsh Posté le 12-02-2012 à 10:29:34    


 
C'est que le début du feuilleton ! Un petit QUIZZ sur la révolution de février, pour voir si tout le monde a suivi ... [:actarus44]  
 
http://www.quizz.biz/quizz-307511.html  


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Marsh Posté le 15-02-2012 à 23:51:22    

J'aime bien les topics historiques d'Onc' Tietie.
Vivement celui sur Louis VI le Gros.  [:mich_mich]

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Marsh Posté le 17-02-2012 à 19:50:27    

maurice chevallier a écrit :

J'aime bien les topics historiques d'Onc' Tietie.
Vivement celui sur Louis VI le Gros.  [:mich_mich]


 
Il faut bien évangéliser la masse obscurantiste des intervenants de ce forum ... :D  


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Marsh Posté le 18-02-2012 à 11:36:55    

Drapwal pour la suite, parce que t'as fait que le prologue là ! :o


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The relations of the soul to the divine spirit are so pure, that it is profane to seek to interpose helps.
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Marsh Posté le 18-02-2012 à 12:31:30    

A ce propos j'ai terminé Le Don Paisible de Cholokov et je lis Cavalerie Rouge de Babel en ce moment, comme je trouve la toile de fond intéressante ya quelques jours je trainais sur le net à la recherche d'infos et de bouquins sur le sujet (le Venner a l'air pas mal du tout d'ailleurs merci, je l'ajoute à ma liste  :jap: ), et c'est fou tout ce qu'on trouve comme articles récents ultra partisans ! D'un côté sur les blogs et sites très à gauche c'est les vaillants communistes contre les barbares blancs assoiffés de sang, dans l'esprit desquels le grand capital insuffle la contre-révolution, de l'autre à droite les blancs héroïques qui tentent désespérément de sortir la Russie des griffes des communistes qui vont la ravager. Et chacun essaye avec plus ou moins de subtilité de réécrire l'histoire selon la couleur de son camp favori, c'est assez impressionnant de voir que bientôt 100 ans après c'est toujours un sujet traité avec autant de passion (et aussi peu d'objectivité).


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The relations of the soul to the divine spirit are so pure, that it is profane to seek to interpose helps.
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Marsh Posté le 18-02-2012 à 17:50:15    

Deouss a écrit :

A ce propos j'ai terminé Le Don Paisible de Cholokov et je lis Cavalerie Rouge de Babel en ce moment, comme je trouve la toile de fond intéressante ya quelques jours je trainais sur le net à la recherche d'infos et de bouquins sur le sujet (le Venner a l'air pas mal du tout d'ailleurs merci, je l'ajoute à ma liste  :jap: ), et c'est fou tout ce qu'on trouve comme articles récents ultra partisans ! D'un côté sur les blogs et sites très à gauche c'est les vaillants communistes contre les barbares blancs assoiffés de sang, dans l'esprit desquels le grand capital insuffle la contre-révolution, de l'autre à droite les blancs héroïques qui tentent désespérément de sortir la Russie des griffes des communistes qui vont la ravager. Et chacun essaye avec plus ou moins de subtilité de réécrire l'histoire selon la couleur de son camp favori, c'est assez impressionnant de voir que bientôt 100 ans après c'est toujours un sujet traité avec autant de passion (et aussi peu d'objectivité).


 
Oui, il faut faire gaffe. Venner, le directeur de la Nouvelle Revue d'Histoire, est très marqué à droite, mais son livre reste plutôt objectif et j'ai pas l'impression qu'il noircisse plus particulièrement les bolcheviks. Pour le moment, c'est plutôt les blancs qu'il stigmatise comme incompétents et corrompus. Et à part le "complot de la franc-maçonnerie" qui aurait pu être la cause de l'abdication du tsar Nicolas II, thèse de Grégoire Aranson, thème souvent abordé par la droite nationale, son récit est agréable à lire et très didactique. Jean-Jacques Marie, historien trotskyste, a aussi écrit sa "guerre civile", et si le jargon est un peu plus marxisant, ça reste correct, même si Marie a une prose plus chiante à lire que Venner.
En fait, là où ça diverge selon les écoles historiques, c'est sur les causes de la guerre civile. Car après le putsch bolchevik contre le gouvernement provisoire, le 25 octobre 1917, seuls l'armée des Volontaires, dans le Don, commandée par Kornilov puis par Denikhine, s'oppose au nouveau pouvoir, dès décembre 1917. Mais cette armée est très faible, numériquement parlant (au maximum 15 000 hommes) , et pas soutenue par la population. D'où sa "Campagne de glace", cette marche dans le Kouban, dans un environnement hostile, dans le froid et la neige, cernée par les bolcheviks.
Donc au début 1918, il n'y a pas vraiment de forces qui contestent le pouvoir bolchevik, même après la dissolution de l'Assemblée Constituante, et Lénine croit même la guerre civile finit. Pourquoi va-t-elle se rallumer ?
 
- Pour les historiens de "droite", à la Venner, c'est la confrontation entre les bolcheviks et le monde paysan, qui va alimenter la guerre civile. En effet, les villes crient famine, à l'époque, et il faut régler le problème du ravitaillement de celle-ci. Lénine va donc imposer une politique de réquisitions, et va exporter la lutte des classes à la campagne, en voulant s'appuyer sur les paysans pauvres, en créant, dès juin 1918, les Kombedy ou les comités des pauvres, fer de lance de la politique bolchevik dans les campagnes. C'est ce que l'on nommera le "communisme de guerre".
- Pour les historiens "marxistes", le communisme de guerre fut plutôt une réponse à la guerre civile.
- Pour des historiens libéraux comme Figes, c'est un peu des deux.
 
Ayant lu les trois livres, j'ai plutôt tendance à suivre la thèse de Venner, qui est implicitement confirmé par l'historien marxiste, Charles Bettelheim, qui dans Sa lutte des classes en URSS, fait état des remords de Lénine, en 1921, qui parle de ses erreurs face à cette politique coercitive envers le monde paysan, qu'il changera en créant la NEP.


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Marsh Posté le 25-02-2012 à 20:53:26    

Une petite synthèse sur la révolution de février :
 
http://bacpro13.over-blog.com/arti [...] 79107.html
 


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Marsh Posté le 02-03-2012 à 16:15:47    

1°) Le décret sur la Terre, du 26 octobre.
 
En prenant le pouvoir, Lénine émet le décret sur la Terre,  
 
http://www.marxists.org/francais/l [...] 025-04.htm
 
qui répondait à son slogan d'Avril, "La terre et la paix".
Ce décret, consacre en fait un fait accompli, puisque les paysans avaient déjà partagé les grandes propriétés foncières, depuis février 1917, encouragés par les Socialistes-Révolutionnaires, dont la socialisation de la Terre faisait partie de leur programme. Lénine avouera lui-même que ce décret sur la Terre était d'inspiration SR (de gauche), car il ne fait aucunement partie du corpus théorique marxiste, puisque ce décret va créer des millions de petits propriétaires !
Notons que cette "réforme agraire" sera pilotée par les soviets de paysans ou la communauté villageoise, vision assez anarchisante très éloignée de la conception léniniste en attendant l'élection de l'Assemblée Constituante.
 
 
2°) Pouvoir exclusif ou coalition ?
 
Le débat, malgré le coup d'état bolchevik et le départ des SR et des Mencheviks du Soviet, devant le coup de force léniniste, restait toujours d'actualité. Les fonctionnaires s'étaient mis en grève, et le Vikjel, le syndicat des cheminots, menaçait de faire de même si les bolcheviks ne reprenaient pas langue avec les autres forces socialistes pour gouverner. Craignant encore, une réaction possible de Kerenski et devant les combats à Moscou, incertains, Lénine accepta de négocier, et envoya le modéré Kamenev aller parlementer avec les SR et les mencheviks.  Ce dernier, toujours favorable à un gouvernement de coalition, depuis septembre, assura même à ses interlocuteurs, que les bolcheviks accepteraient un gouvernement sans Lénine et Trotsky !
Mais le 1er novembre, les bolcheviks s'étaient rendus maître de Moscou, et la tentative de réaction de Kerenski avait fait "pschitt", devant le refus des chefs militaires de soutenir l'ancien leader du gouvernement provisoire.
Dans ces conditions, Lénine se retrouvait de nouveau en position de force face aux autres forces socialistes et, dès le 2 novembre, il fit accuser Kamenev d'activités anti-marxistes et le 4 novembre, Kamenev et ses alliés, Zinoviev, Miloutine, Rykov et Noguine, démissionnèrent du Comité Central du Parti Bolchevik.
Mais les partisans d'une ligne de coalition, ne désarmaient pas encore, puisque le lendemain, deux lettres parurent dans les Izvetsia, de 5 commissaires du peuple (dont 4 démissionnaires) et de 6 autres bolcheviks, pour dénoncer la politique solitaire de Lénine, stratégie qui ne pourrait se traduire que par la "terreur politique" !
Poussant son initiative, Lénine, par l'intermédiaire du Sovnarkom (ou Conseil des commissaires du peuple), mit hors jeu le soviet, en décrétant que le Sovnarkom pouvait gouverner par décret, sans l'aval du Soviet. Car même si le soviet était majoritairement bolchevik, surtout depuis le départ des SR et de la plupart des mencheviks, il restait encore des SR de gauche, des anarchistes, et un petit groupe de mencheviks internationalistes, qui se rassemblaient autour du journal de Gorki, Novaïa Jizn, qui pouvaient encore inquiéter le pouvoir de Lénine en ralliant quelques bolcheviks modérés.
 
3°) Sur le fil du rasoir.
 
SR, Mencheviks, Kadets, s'entendaient tous à une chute imminente du pouvoir bolchevik, totalement isolé. Pourquoi celui-ci ne tomba pas ? Orlando Figes évoque plusieurs raisons :
- l'impuissance des chefs militaires à organiser une réaction armée. L'Ordre n°1, pris en mars 1917, et instituant des comités de soldats, avait totalement miné la discipline militaire et les soldats ne voulaient plus se battre, ni contre les allemands, ni contre les bolcheviks, qui étaient les seuls à demander une paix immédiate. (Sur ce dernier point, on verra que les choses étaient loin d'être claires).
- l'aboulie des partis politiques d'opposition, des Mencheviks au Kadets, qui attendaient les résultats de l'élection de l'Assemblée Constituante, pensant que les bolcheviks se soumettraient au sort des urnes.
De plus, le décret sur la Terre avait coupé l'herbe sous les pieds des Socialistes-Révolutionnaires, très implantés dans les campagnes russes, mais qui pouvaient difficilement monter les communautés villageoises contre les bolcheviks, qui, légalement, leur avaient donné la terre.
- En fait, Lénine laissa faire les communautés villageoises, les comités de soldats, les comités d'usines, les soviets ouvriers et paysans, qui dans l'immense Russie, prirent le pouvoir dans leur usine, leur garnison, leur district, leur ville, gigantesque balkanisation de la Russie que les bolcheviks ne pouvaient de toute façon pas éviter et que Lénine exacerba, pour détruire l'ordre ancien, dans une sorte de "dialectique révolutionnaire". Dérive anarchisante qui ne pouvait pas être évitée, et que Illitch préféra chevaucher ! Mais en même temps, Illitch allait reconstruire une administration centrale qui avait disparu, à sa botte, en éliminant toutes les oppositions par le haut, qui allait s'appuyer sur la Tcheka, le Ministère du Ravitaillement, et l'armée rouge. Lorsque les bolcheviks se sentiront de nouveau assez fort, ils mettront au pas cette base qui n'en avait que faire du gouvernement central, toute tendue vers ses intérêts particuliers et locaux.
 
 


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Marsh Posté le 06-03-2012 à 05:44:20    

Un acteur oublié de la révolution de Février, Fedor Linde, dont parle Orlando Figes, dans son livre sur la révolution russe.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fedor_Linde
 


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Marsh Posté le 07-03-2012 à 11:59:31    

Très intéressant ! Finalement, contrairement aux fantasmes des anti-communistes, on fut loin d'un Lénine contrôlant tout et décidant tout.

Reply

Marsh Posté le 07-03-2012 à 15:43:11    


 
Lénine a un poids considérable dans le parti bolchevik. C'est lui qui décida l'insurrection du 25 octobre, alors que la majorité du parti voulait attendre le IIeme Congrès des soviets, le 27 octobre. Il s'est d'ailleurs très violemment accroché avec Kamenev et Zinoviev. Minoritaire, il arrive malgré tout à imposer son point de vue, grâce à son charisme et à son entêtement fanatique. Idem pour la paix de Brest-Litovsk, où il est minoritaire pour signer le traité avec les Empires Centraux, mais il arrive encore à emporter le morceau. Donc si Lénine ne contrôle pas tout, si des discussions existent au sein du parti bolchevik à son époque, il a un rôle dirigeant prépondérant.
Le parti bolchevik d'octobre 1917, est composé de nombreux nouveaux venus (20 000 militants en février 1917 à environ 300 000 en octobre 17), donc le parti est loin d'être monolithique et les discussions vont bon train. Mais il est vrai que progressivement, Lénine va centraliser les décisions en écartant les soviets, va mettre au pas l'Opposition Ouvrière, et va, enfin, interdire les fractions, lors du Xe Congrès de mars 1921, interdiction dont se servira d'ailleurs Staline pour trucider ses adversaires.  
Donc si le parti est loi d'être monolithique, à ses débuts, et si Lénine est le "primus inter pares", sa conception du parti, qu'il mettra en place après 1917, conduira doucement mais sûrement au stalinisme.


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Marsh Posté le 07-03-2012 à 18:36:40    

Je ne niais pas ses responsabilités, mais l'Histoire est plus complexe que Tintin aux pays des Soviets , la bd préférée de Carrère d'Encausse  :D  
 
 
D'après ce que je sais, certains comme Luxembourg critiquaient l'autoritarisme d'un Lénine ?

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Marsh Posté le 07-03-2012 à 18:42:22    


 
Oui, Luxembourg a critiqué la conception du parti de Lénine et de sa dictature du prolétariat, mais pas seulement. Plekhanov, le père du marxisme russe, Martov, le menchevik, qui s'était opposé à Lénine dans la conception du parti, en 1903, et beaucoup d'autres. Mais tout ça est dans la remarquable biographie de Hélène Carrère d'Encausse, sur Lénine, que je préfère largement à celle de JJ Marie. On peut être libéral, et avoir assez de distance pour faire son travail d'historien.


Message édité par Tietie006 le 07-03-2012 à 18:43:13

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Marsh Posté le 12-03-2012 à 09:18:55    

1°) Election de la Constituante: des bolcheviks minoritaires.
 
Lénine et les bolcheviks, même maître du nouveau pouvoir soviétique, bien faible à ses débuts, étaient obligés d'organiser l'élection de la tant attendue Assemblée Constituante, véritable "saint-graal" des socialistes russes, malgré les réticences d'Illitch. Le 12 novembre, les élections débutèrent, et à cause de l'immensité du territoire, elle s'étalèrent sur deux semaines.
Les craintes de Lénine étaient justifiées. La Russie étant un pays majoritairement paysan et ces derniers étant acquis aux Socialistes-Révolutionnaires, le résultat de l'élection ne pouvait donner qu'une minorité aux bolcheviks.
Les SR  eurent 38 % des voix, soit 16 millions d'électeurs, les bolcheviks 24 %, les SR ukrainiens, 12 %, les KD, 5 %, les mencheviks, 3 %.
On pouvait constater que les forces anti-révolutionnaires de droite étaient presque inexistantes, ne collationnant que 5 % du total des voix, ce qui traduisait la faiblesse de la bourgeoisie russe.
Par contre les bolcheviks, si ils étaient largement majoritaires à Moscou et à Petrograd, n'avaient quasiment aucune voix dans les régions du sud agricole.
Les résultats de l'Assemblée Constituante, logique, traduisaient déjà une fracture entre la ville et les campagnes, elle symbolisait la couleur "paysanne" de la Russie, et annonçaient déjà la future "guerre" entre le parti et le monde paysan, entre les cités et les champs !
 
Les bolcheviks contestèrent le résultat des élections, et un décret du Sovnarkom ajourna sa tenue, le 20 novembre, et un autre, permit de révoquer les députés élus, si la moitié de l'électorat de la circonscription, le voulait, ce qui laissait le temps aux bolcheviks de rameuter les soldats des garnisons pour essayer de bouter en-dehors de l'AC quelques SR.
 
Les partis d'opposition, SR (de droite), Mencheviks et KD constituèrent alors une Union de Défense de l'Assemblée Constituante, qui appela à une manifestation le 28 novembre. 50 000 personnes manifestèrent, ce jour-là, avec 45 députés de la Constituante, mais elle fut dispersée par le pouvoir bolchevik, accusant les manifestant d'être des contre-révolutionnaires, et de nombreux délégués furent arrêtés, ce qui provoqua l'ire des SR de gauche, alliés des bolcheviks et de Gorki, qui parla de "honte pour la démocratie". Un mandat d'arrêt fut lancé contre les dirigeants Mencheviks, Tsereteli, et Dan, et contre le SR Tchernov.
 
2°) La fin de l'Assemblée Constituante.
 
Lénine se dirigeait tout droit vers la dissolution de l'Assemblée Constituante, comme il le précisait le 12 décembre, puisque d'après lui, le pouvoir du soviet (qui était devenu une coquille vide ...) avait aboli la nécessité d'une Assemblée Constituante :
 
http://www.marxists.org/francais/l [...] 171225.htm
 
10 jours plus tard, lors d'une réunion du comité exécutif du soviet, expurgé de ses éléments mencheviks et SR de droite, les délégués bolcheviks et SR de gauche réclamèrent la dissolution de l'Assemblée Constituante, sauf si cette dernière se mettait sous la sujétion du soviet, lors de sa séance d'ouverture, le 5 janvier 1918.
Le jour de la séance d'ouverture, le 5 janvier 1918, une manifestation pro-Assemblée s'ébranla vers le Palais de Tauride mais fut dispersé par les forces bolcheviks qui firent une dizaine de morts. L'Assemblée se tint, Lénine y assista même, avant que les bolcheviks ne déclarent cette Assemblée "contre-révolutionnaire" en quittant la salle, laissant les délégués isolés. Le lendemain, le palais de Tauride fut fermée par les bolcheviks, et les délégués de l'Assemblée, repoussés. L'Assemblée fut alors dissoute par décret.
 
Les SR pensaient que la dissolution de l'Assemblée allait provoquer une révolte. Mais les paysans, leur soutien traditionnel, n'avaient que faire des jeux politiciens de la capitale, et leur horizon s'arrêtait souvent à leur village. Les Moujiks avaient partagé les grandes propriétés foncières entre eux, consacré par le décret sur la Terre, du 27 octobre, habile disposition de Lénine qui, en ce moment d'indécision, voulait rallier la petite paysannerie au régime.
Mais les paysans se trompaient, puisque le 11 juin 1918, Lénine allait tenter d'exporter la lutte des classes dans les campagnes, provoquant une confrontation violente avec le monde paysan.
 
La dissolution de la Constituante, implicitement, est déjà l'affrontement entre les bolcheviks et les paysans, la ville, rouge, et la campagne, verte, entre un parti prolétarien et un "océan paysan", qui veut rester dans son "mir", sa communauté villageoise sans avoir de compte à rendre à un quelconque pouvoir central, fut-il bolchevik !
Cette confrontation sera d'ailleurs le "fil rouge" du régime soviétique, puisqu'elle ne s'arrêtera vraiment jamais. La collectivisation proclamée plus tard par Staline, n'étant qu'un avatar supplémentaire de cette guerre entre parti bolchevik et monde paysan, commencée dès Lénine.
 


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Marsh Posté le 21-03-2012 à 19:59:06    

Un excellent livre sur la révolution bolchevique, celui de l'historien marxiste, Charles Bettelheim, La luttes des classes en URSS, en 3 tomes, Seuil/Maspero, 1974 :
 
http://images.gibertjoseph.com/media/catalog/product/cache/1/image/250x250/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/i/064/9782020022064_1_75.jpg
 
Ses analyses sont très précises sur les évolutions internes du parti bolchevik, et des relations de celui-ci avec les organes soviétiques.


Message édité par Tietie006 le 21-03-2012 à 20:00:32

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Marsh Posté le 22-04-2012 à 14:29:26    

1°) La lutte à mort contre le bourgeois.
 
Le régime bolchevique, à ses débuts, ne disposait pas d'assez de fonctionnaires, pour organiser, lui-même, une violence d'état radicale. La Tcheka, police politique du régime léniniste, fut créée en décembre 1917, sous la férule de Félix Dzerjinski, et elle devait lutter contre les ennemis du régime.
 
a°) Mouches et Araignées.
 
Orlando Figes évoque un livre qui connut beaucoup de succès, en 1917, Mouches et Araignées de Wilhelm Liebknecht, qui divisait la Russie en 2:
 
 "Les araignées sont les maîtres, les grippe-sous, les exploiteurs, les hobereaux, les nantis, les prêtres, les marlous et les parasites en tout genre ! […] Les mouches sont les malheureux travailleurs qui doivent obéir à toutes ces lois que concocte le capitaliste, doivent obéir, car le pauvre n'a pas même une miette de pain."
 
Lénine, dans un texte de décembre 1917, sur "Comment organiser l'émulation ?", en appelait à une lutte à mort contre les riches, les filous, les fainéants et les pique-assiette !
 
http://www.marxists.org/francais/l [...] 171227.htm
 
b°) Une terreur qui vient des entrailles du peuple.
 
 Lénine se contente d'instrumentaliser la violence du peuple, contre les anciens nobles, patrons, bourgeois, etc ... avec l'antienne "Pillez les pillards", qui provoque une gigantesque anarchie. Pour Figes, la Terreur institutionnalisée par l'Etat commence l'été 1918. Jusque là, elle était l'oeuvre du peuple laissée à ses instincts de vengeance face à un Etat en pleine décomposition et elle était largement décentralisée. Gorki parle de pogrom de masse et stigmatisera, dans un éditorial du 16 mars 1918, ce pillage généralisé.
 
c°) Une Terreur qui s'institutionnalise.
 
Avec le décret sur la "patrie socialiste en danger", pris en février 1918 :
 
http://www.collectif-smolny.org/ar [...] ticle=1244
 
le Sovnarkom décrète au point 8 :
 
"8. Les agents de l’ennemi, les trafiquants, les pillards, les voyous, les agitateurs contre-révolutionnaires, les espions allemands, pris sur le fait, doivent être fusillés."
 
Après ce décret, lorsque le SR de gauche, ministre de la Justice, Sternberg vint se plaindre à Lénine de l'inutilité de son Ministère, que l'on pourrait appeler "Ministère de l'Extermination Sociale", Illitch lui répondit que c'était exactement ce qu'il devait être, mais qu'on ne pouvait pas le dire !
 
Le 1er novembre 1918, un des chefs de la Tcheka donnait l'ordre suivant:
 
"Nous ne faisons pas la guerre contre des personnes en particulier. Nous exterminons la bourgeoisie comme classe. Ne cherchez pas, dans l'enquête, des documents et des preuves sur ce que l'accusé a fait, en acte et en paroles, contre le pouvoir soviétique. La première question que vous devez lui poser, c'est à quelle classe il appartient, quelle est son origine, son éducation, son instruction et sa profession1. Ce sont ces questions qui doivent décider de son sort. Voilà la signification et l'essence de la Terreur Rouge."
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tch%C3%A9ka
 
2°) La guerre contre la paysannerie.
 
a°) Un décret sur la Terre problématique.
 
Le décret sur la Terre du 26 octobre 1917, d'inspiration socialiste-révolutionnaire, était un texte de circonstance, qui consacrait un état de fait, le "partage noir des terres" par les moujiks, qui avait commencé sous le gouvernement provisoire. Mais, évidemment, les milliers de gros propriétaires terriens c'était transformé en millions de petits propriétaires !!  
 
b°) Le problème du ravitaillement des villes.
 
Mais assez rapidement, la pénurie apparut dans les villes, puisque les circuits commerciaux étant désorganisés et la production industrielle s'étant effondrée, les paysans ne pouvaient pas espérer grand chose contre leur surplus de blé. Dans le Comité panrusse pour le ravitaillement, fondé en décembre 1917, un débat sur la méthode à employer faisait rage. Le 14 janvier 1918, devant le soviet de Petrograd, Lénine annonça qu'il fallait mettre sur pieds des détachements de 10 à 15 soldats et ouvriers, pour aller chercher les stocks de grain cachés dans les campagnes, avec le pouvoir de fusiller les pays récalcitrants. Pour Hélène Carrère d'Encausse, c'est la première fois que Lénine tenait des propos aussi radicaux en public.
 
Mais le pouvoir soviétique hésitait entre une politique de réquisition violente proposé par Lénine, en janvier, et une méthode "commerciale" que les comités locaux seraient chargés de mettre en place. Les SR était pour la "socialisation de la terre", avec des comités locaux, à la base, qui décideraient des orientations à prendre, alors que les bolcheviks étaient pour la "nationalisation de la terre", qui intégrait les campagnes dans un projet économique global, dont les orientations seraient décrétées par le haut.
 
Mais la dissolution de la Constituante, le 5 janvier, était déjà un quasi-acte de guerre envers la paysannerie russe, puisque cette dernière était majoritaire, par le biais des SR. Après cette dissolution, Maria Spiridonova fit voter l'union des soviets paysans avec les soviets des ouvriers. L'autonomie paysanne, chèrement défendue par les SR de droite, avait vécu.
 
b°) La lutte des classes dans les campagnes.
 
Les problèmes de ravitaillement des villes, le discours de Lénine de janvier 18, la dissolution de la Constituante, vont trouver leur point d'orgue avec le décret du 11 juin 1918, instituant les "comités de paysans pauvres" ou Kombedy, qui seront les agents du pouvoir soviétique dans les campagnes, pour démasquer les koulaks, qui cachaient leurs grains et affamaient le peuple. Mais cette violence institutionnalisé dans les campagnes, qui se transformera en bataille rangée, fera beaucoup de victimes et n'aura pas d'efficacité, comme le dit Charles Bettelheim, tout simplement car avec le "partage noir" qui avait commencé en février 1917, il y avait une majorité de paysans "moyens" et peu de paysans pauvres et de paysans "riches".  
Orlando Figes, dans sa révolution russe, précise qu'il y avait très peu de paysans riches disposant d'une main d'oeuvre salariée, dans la Russie d'avant 1917, moins de 2 %. Le partage au noir des paysans, à partir de février 1917, ne fit que baisser cette proportion et la commune villageoise était plutôt composé de paysans "moyens". La figure du koulak, affameur du peuple, vampire et sangsue était donc une construction théorique faite par le parti bolchevik, qui désignait aux ouvriers des villes, l'ennemi à abattre, ce qui permettait, aussi, de canaliser la colère des ouvriers, face à une crise sans précédent, vers les campagnes.
L'historien anglais parle aussi d'échec de cette lutte des classes dans les campagnes. Beaucoup de communauté villageoise n'élirent pas de Kombed, et ces derniers furent crées, souvent, par des éléments extérieurs au village, chômeurs ou soldats qui par idéologie ou par intérêt, en constituèrent un, pour mettre en coupe réglée un village ou une région. Car ces kombeds relevaient souvent du pur gangtérisme, comme l'admettent Figes et Bettelheim, ce dernier avec un langage plus châtié ...
 
Pour Orlando Figes, cette guerre contre la campagne Russe va allumer la guerre civile, dès l'été 1918, guerre civile qui jusque là, s'était confiné à la région du Don, avec la faible "Armée des Volontaires" de Denikhine, qui, isolée, errait péniblement dans le Kouban, avec la fameuse "campagne de glace".
 
Lénine, conscient de son erreur, arrêtera la formation des "comités des paysans pauvres", fin 1918.


Message édité par Tietie006 le 25-06-2012 à 18:24:01

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Marsh Posté le 23-06-2012 à 16:00:43    

Le point faible de la stratégie blanche, c'est qu'il n'y en avait aucune !! D'ailleurs, l'appareil de propagande de Denikhine, l'Osvag, annexe du Ministère des affaires étrangères, était plus destiné à rallier les alliés à la cause blanche, qu'à convaincre les russes de la justesse du combat blanc.
 
1°) La contradiction entre la position grand-russe des russes blancs et nationales des minorités.
 
Comme le note Orlando Figes, il y avait une profonde contradiction entre Cosaques et généraux blancs. Si les cosaques du Don fournissaient une bonne partie des armées blanches, ils étaient portés par des revendications nationalistes qui étaient contradictoires avec la position "grand-russe" blanche, défendue par Denikhine mais même par les kadets de Milioukov.
Ce mythe de l'Unité défendu par les généraux russes blancs les coupaient du ralliement massif des minorités de l'Empire.
 
2°) Le nationalisme cosaque.
 
Les cosaques illustraient parfaitement ce phénomène. Très attachés à leur terre qu'ils pouvaient défendre vaillamment, leur ardeur déclinait lorsqu'ils s'éloignaient de la mère patrie. De plus, ils se livraient régulièrement à une "épuration ethnique", s'attaquant aux non-cosaques, dans le Kouban, qui constituaient près de 52 % de la population. Or de leur terre, peu disciplinés, ils se livraient régulièrement au pillage et à des pogroms dans les villages juifs.
 
3°) L'absence de politique agraire.
 
Ce fut le principal point faible des blancs. Alors que les bolcheviks avaient relativement "acceptés" le "partage noir" des terres entre les paysans (même si Lénine avait fait une tentative d'exporter la lutte des classes dans les campagnes, dès juin 18, stratégie qui fut un échec), pour un temps au moins. Or, les blancs voulaient revenir à la situation d'avant-février 1917, avec un retour des expropriations aux expropriés, ce qui leur aliéna la paysannerie. Les blancs se débrouillèrent d'être plus répulsif que les rouges !


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Marsh Posté le 01-07-2012 à 14:55:37    

L'année 1918, verra les débuts de la guerre civile, mais celle-ci restera confinée à la périphérie de l'Empire russe et prendra l'aspect d'opérations limitées, se résumant au contrôle d'une ville ou au maximum d'une région avec des combats sporadiques le long du transsibérien. Les forces blanches sont peu organisées, à part dans le Don, avec l'armée des volontaires de Denikine, comme le montre le chaos sibérien. Pour les alliés, l'attitude envers la Russie variera après le traité de Brest-Litovsk, consacrant la paix entre russe et allemand, en mars 1918, puis après l'armistice du 11 novembre.
 
 
1°) Création de l'armée rouge.
 
Le 2 janvier 1918, le Sovnarkom ou Conseil des commissaires du peuple crée l'armée rouge.
Le 13 mars 1918, Trotski est nommé Commissaire à la guerre.
Le 4 avril 1918, un décret officialise la création des Commissaires politiques dans chaque unité, jusqu'à la compagnie.
Le 22 avril 1918, un décret institue l'instruction militaire obligatoire, avec la création d'écoles militaires.
Le 8 mai 1918, rétablissement de l'état-major général sous la direction du général Bontch-Brouïevitch, le frère du secrétaire de Lénine.
Le 29 mai 1918, rétablissement de la conscription générale. La suppression du service militaire, le 18 janvier 1918, n'aura donc duré que trois mois, le temps d'un "soupir d'utopie", comme le précise l'historien Dominique Venner.
Le 2 juin 1918, Toukhatchevski, nommé à la tête de la 1re armée rouge, lancera un appel aux officiers de l'ancienne armée tsariste, pour venir grossir les rangs de l'armée rouge. 30 000 officiers combattront dans l'armée rouge, en 1919. Cet appel aux "spécialistes" entraînera des tensions entre Trotski, partisan de la mesure, et le clan de Tsaritsyne, composé de Staline et Vorochilov.
Le 6 septembre 1918, un Conseil supérieur de la guerre, présidé par Trotski, qui concentrera tous les pouvoirs militaires et politiques, sur le front, et les exercera par le biais d'un état-major de campagne, sur le front, dirigé par l'ex-colonel Lebedev, assisté de l'ex-colonel Chapochnikov, futur maréchal d'URSS, stratège hors pair, auteur du Cerveau de l'armée, livre de chevet pour Staline.
 
Une 1ere armée sera formée en juillet 1918, commandée par Toukhatchevski. Elle est composée d'ouvriers de la Volga, dont la célèbre division Simbirsk dite "division de fer" commandée par G.Gaï.
Une 2eme armée rouge sera créée fin juillet 1918, avec des détachements venus de l'Oural, commandée par le général Chorine.
La 3eme, la 4eme et la 5eme armée rouge seront créées an août.
 
Ces 5 armées totaliseront 45 000 hommes, en août 1918.
 
2°) L'armée des Volontaires.
 
La réaction au coup de force bolchevik d'octobre 1917 fut très faible, car ces derniers, avec leur slogan "La paix et la Terre", qui s'était concrétisé par le décret sur la Terre, officialisant le partage des terres, déjà fait, par les paysans, s'étaient ralliés beaucoup de soldats et de paysans.
 
a°) L'opposition de l'ataman Kaledine.
 
C'est dans le Don, le 27 octobre 1917, que vint la première réaction de résistance, par l'ataman Kaledine. Ce dernier récuse le pouvoir bolchevik, et entend gouverner la région du Don, de sa capitale, Novotcherkassk.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Novotcherkassk
 
Le 2 novembre, l'ancien chef d'état-major de l'armée russe, le général Alexeïev, rejoint la capitale du Don, pour organiser une armée des Volontaires, rejointe en décembre par les généraux Kornilov et Denikine.
Roman Goul, un des volontaires, arrivé en décembre 1917, à Novotcherkassk, décrira l'ambiance très "ancienne russie" de cette capitale remplie d'officiers blancs.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_Goul
 
L'idéologie de cet embryon de mouvement blanc n'est pas de restaurer le tsar, puisque c'est bien Alexeïev qui poussa à l'abdication du tsar, début mars 1917. Mais il est de rétablir l'unité de l'Empire russe, position nationale grand-russe qui aliénera les mouvements nationaux à la cause blanche.
 
Tant bien que mal, Alexeïev réussit à récupérer 3 500 hommes, dont la grande majorité était des officiers. L'ataman Kaledine, lui, ne put mobiliser des cosaques qui ne voulaient plus se battre, dans une région qui était assez bolchevisée. 52 % de la population du Don était d'origine non-cosaque.
Les alliés, qui combattent toujours contre les puissances centrales, sont maris par le pacifisme des bolcheviks, qui veulent la paix avec ces dernières. Aussi, Paris envoya le capitaine Guy de Courson, auprès d'Alexeïev, pour l'inciter à continuer la guerre contre l'Allemagne et l'Autriche.
 
Le 9 décembre 1917, l'armée des Volontaires s'attaque à Rostov, détenue par les rouges, ça sera la première bataille de la guerre civile. Le 12 décembre, Rostov est prise.
 
b°) La contre-offensive rouge dans le Don.
 
Antonov-Ovsenko va alors planifier la reprise de Rostov et la destruction de la petite armée des Volontaires. Il peut compter sur une population plutôt favorable aux rouges. D'ailleurs, dès janvier 1918, les soviets locaux, dans le bassin du Donets, appellent à l'insurrection contre l'armée des Volontaires. Le 28 janvier 1918, Kornilov informa Kaledine de l'impossibilité, pour ses maigres troupes, de tenir Rostov, qu'il évacuera sous peu, pour pénétrer dans le Kouban, où il espérait rallier des troupes cosaques.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kouban
 
Le lendemain, totalement isolé à Novotcherassk, sans troupes, l'ataman Kaledine se suicida.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexe%C3%AF_Kaledine
 
c°) La campagne de glace.
 
C'est le nom donné à cette errance des soldats de l'armée des Volontaires, en plein hiver, dans les steppes gelées du Kouban, qui fut décrite par Roman Goul, un volontaire, dans son livre La campagne de glace.  
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_Goul
 
Devant sa capitale, Ekaterinodar, les blancs lancent une offensive vers la cité qui fut repoussée par les rouges. Le 1e avril 1918, un obus tomba sur le QG de l'armée et tua sur le coup le général Kornilov, qui fut remplacé par son adjoint, Denikine. Ce dernier décida alors de lever le siège et de repartir vers le Nord, avec son armée de loqueteux fourbus.
 
 
En bref, la première armée qui s'opposa aux bolcheviks, celle des Volontaires, était faible, numériquement, isolée, et ce fut un miracle si cette troupe ne fut pas totalement anéantie par les bolcheviks.
 
 


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Marsh Posté le 23-07-2012 à 11:08:22    

Un article synthétique intéressant, de Nicolas Werth, sur la guerre civile russe :
 
 
http://www.persee.fr/web/revues/ho [...] _23_2_2416
 


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Marsh Posté le 21-08-2012 à 16:25:23    

La fameuse Légion Tchèque durant la guerre civile russe,  enflamma les imaginations, en Europe, durant le conflit.
 
 
1°) Les origines de la Légion.
 
A l'origine, la Légion Tchèque est une curieuse unité militaire, constituée, à l'époque de Kerenski, avec des prisonniers tchèques de l'armée austro-hongroise et des déserteurs de cette même armée. Après la paix de Brest-Litovsk, les bolcheviks, avec l'accord des alliés, s'engagent à transporter les 42 000 hommes de cette Légion par le transsibérien jusqu'à Vladivostok, pour les évacuer en Europe Occidentale.
Mais la situation en Sibérie Orientale reste très confuse. Entre les raids de l'ataman Semenov, seigneur de la guerre, agissant pour le compte des japonais, qui aimerait annexer la région de Transbaïkalie,  et le débarquement d'un petit corps expéditionnaire anglais de 300 soldats, à Vladivostok, début avril 1918,  pour garder un stock d'armes anglaises destiné à la Russie et jamais payé, le pouvoir bolchevik craint une action japonaise dans la région et fait donc traîner l'acheminement des tchèques, qui sont éparpillés le long du transsibérien.
Mais les tchèques en ont un peu marre de mariner dans les vases steppes, et un incident avec des prisonniers hongrois, en mai 1918, à Tcheliabinsk, va mettre le feu aux poudres.
 
2°) La Légion Tchèque contre les bolcheviks.
 
Devant le grabuge des tchèques à Tcheliabinsk, Trotsky, le 25 mai, émet un décret pour désarmer la légion ... action non-obligatoire qui va lui aliéner la Légion. Car cette dernière ne rêvait que d'une chose, embarquer à Vladivostok pour rejoindre la future terre promise, la Tchécoslovaquie. Sous l'impulsion du capitaine Gadja, chef du 7eme régiment de la LT, le 27 mai 1918, les tchèques investissent la garnison rouge de Tcheliasbinsk, puis vont s'emparer des villes le long du Transsibérien, jusqu'à Kazan, à 1 000 kilomètres vers l'Ouest,  où la Banque de Russie a entreposé son magot, constitué de 80 millions de livre sterling.
 
Les tchèques sont alors divisés en 3 forces:
 
- Un groupe qui est arrivé à Vladivostok, en juin 1918, commandée par un officier russe d'ascendance tchèque, le général Dietrichs, qui renonce à s'embarquer vers l'Europe pour venir à la rescousse des autres forces de la Légion.
 
- Un autre groupe échelonné le long du transsibérien, du lac Baïkal à Omsk. Son objectif est de s'emparer d'Irkoutsk, bastion bolchevik. Il contrôle 40 tunnels dans la région du Baïkal. Il est commandé par le capitaine, puis général Gadja.
 
- enfin, le troisième groupe, commandé par le général Tchetchek, se trouve très à l'Ouest, dans le bassin de la Volga. C'est ce groupe qui après avoir investi Samara a permis la création d'un gouvernement Socialiste-Révolutionnaire.
 
De Tcheliabinsk à Vladivostok, il y a 7 260 kilomètres, et les tchèques sont éparpillés tout le long du transsibérien. Rapidement, dès le 26 juin 1918, les alliés prennent conscience qu'au lieu d'un réembarquement fort incertain à Vladivostok, la Légion Tchèque serait plus utile, en Russie, contre les bolcheviks, qui ont trahi la cause alliée.
Le 7 juillet 1918, les chefs de la LT décident donc de rester en Russie et de combattre les bolcheviks, avec les forces blanches, comptant sur une intervention militaire alliée.
D'ailleurs, peu après, un embryon d'armée blanche, s'appuyant sur des troupes de la LT s'emparera de Ekaterinbourg, ce qui justifiera, le massacre de la famille impériale, le 16 juillet.
 
3°) La lente dissolution de la Légion.
 
Le Conseil National Tchèque va mobiliser les énergies pour sauver cette Légion, en la réembarquant ou en l'armant. Le 6 juillet 1918, le Président Wilson décide d'envoyer un corps expéditionnaire américain à Vladivostok pour sauver la Légion. 7000 soldats américains commandés par le Général Graves, venant d'Honolulu, débarqueront dans le port sibérien, mais ils n'en bougeront jamais !
La France enverra le général Janin, avec le titre de commandant de la Légion Tchèque, mais celui-ci s'entendra toujours très mal avec l'amiral Koltchak, chef des forces blanches de Sibérie, mais considéré comme l'homme des anglais, par le français.
En septembre 1918, l'armée rouge avait déjà repris Kazan, et le 8 octobre, les blancs durent évacuer Samara. Le 20 octobre, les régiments de la 1re division tchèque se mutinent et la 2eme division va suivre. La situation est calamiteuse pour ces tchèques, dans ces immensités russes, car ils ne sont pas ravitaillés.
 
Désormais, les tchèques, en pleine débandade, seront juste utilisés pour contrôler le transsibérien.
 
Le 15 octobre 1918, l'amiral Koltchak arrive à Omsk, le 18 novembre, il devient le chef des armées blanches en Sibérie. L'amiral compte sur les tchèques, mais ceux-ci sont complètement démoralisés, surtout que le 28 octobre 1918, la Tchécoslovaquie est née et qu'ils ne rêvent que de retourner dans leur nouveau pays.
Après la déroute des forces blanches de Sibérie devant l'armée rouge commandée par Frounzé, à partir d'avril 1919, Koltchak évacuera sa capitale, Omsk, pour Irkoutsk et "protégé" par des tchèques. Mais la région de Transbaïkalie est désormais contrôlé par les rouges et les tchèques, le 13 janvier 1920, accepteront de livrer l'amiral aux bolcheviks.


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Marsh Posté le 09-06-2013 à 18:28:13    

Mémoires d'un révolutionnaire, 1905-1945, de Victor Serge, Lux Editeur, 2010,  
 
http://lectures.revues.org/7255
 
 
est une plongée fascinante et effrayante dans le mouvement révolutionnaire européen de la première moitié du siècle. Révolutionnaire voyageur, Serge a connu tous les révoltés de son époque, dans tous les pays, et narre avec effroi et désespoir, la descente aux enfers du stalinisme, avec ce tombereau d'exécutions qui emporta la fine fleur de la révolution. Le livre regorge d'anecdotes et de portraits de caciques bolcheviks, de Bela Kun à Karl Radek, commis voyageur de la révolution mondiale.


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Marsh Posté le 02-07-2013 à 11:26:24    

Je suis en train de lire le livre d'Anthony C.Sutton, "Wall-Street et la révolution bolchevique, édition Scribedit, 2012. Je sais que Sutton qui a sorti ce livre dans les années 70 est très apprécié du mouvement conspirationniste, pour ça que j'ai voulu savoir ce qu'il en retournait;
Au premier abord le livre est plutôt assez  confus, puisque certains faits sont traités de manière redondante tout au long du livre. Sutton nous noie aussi sur une tonne de détails parfois sans importance ce qui rend sa prose parfois difficile à suivre, ne sachant pas trop où il veut en venir.
Ce qui est marquant, ce sont ces paralogismes, qui le font conclure à l'inverse des faits exposés, même si il reconnaît ...Par exemple sur les documents Sisson. Au début de l'année 1918, Edgar Sisson, le représentant du US.Committee on Public Information, acheta une liasse de documents russes censés prouver que Trotski, Lénine et d'autres révolutionnaires bolcheviks étaient non seulement financés par l'Allemagne, mais étaient aussi des agents à la solde du Kaiser. Or, ces documents ont été analysés comme des faux-grossiers, par George Kennan, c'est Sutton qui le précise. Ca n'empêche pas Sutton de se référer à ces documents pour conclure que Trotski et Lenine étaient des agents allemands ...de plus, Sutton évoque les procès de Moscou contre le centre trostkiste en 1938. L'accusateur public, le très objectifs Vychinski, avait accusé Trotsky d'avoir été un agent à la solde de l'Allemagne, ce qui corrobore, d'après Sutton la duplicité du Léon et les documents Sisson qu'il a déclaré être faux ...
Bref, la mécanique de Sutton est assez embrouillée, comme on le voit dans ce cas, puisque l'historien se réfère à des documents qu'il dit lui-même être des faux, sur le principe qu'il n'y a pas de fumée sans feu. C'est le deuxième historien (Annie Lacroix-Riz dans son Choix de la défaite se réfère au compte-rendu du procès des maréchaux pour prouver la culpabilité de Toukhatchevski) qui se réfère aux accusations des procès de Moscou comme argument signifiant, alors qu'il est notoire que ces procès étaient truqués.


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Marsh Posté le 17-09-2013 à 19:20:46    

Il est à noter que si l'écho de la guerre civile russe est fort lointain, dans notre douce France, par manque d'informations, la réalité de la Russie bolchevik nous est déjà connue par des reportages d'Albert Londres, qui passa quelques semaines à Petrograd, en 1920 et qui écrivit des articles dans le journal populaire Excelsior, dépeignant une réalité assez épouvantable, tranchant avec la propagande du régime.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Londres
 
Le célèbre journaliste fait oeuvre de préscience, en décrivant les tares d'un système politique soumis à la dictature du parti, qui annonce déjà des lendemains qui déchantent.


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Marsh Posté le 13-01-2014 à 19:28:50    

Mémorandum de Georges Clemenceau, le 23 octobre 1918, cité par Marc Ferro dans La Grande Guerre, Gallimard, 1969.
 
Le bolchevisme est devenu une force avec laquelle il faut compter. Il menace par son armée rouge qu'il rêve de porter à l'effectif d'un million d'hommes, d'étendre sur tous les territoires, et dans le reste de l'Europe ensuite le régime des soviets.
Cette force nouvelle et monstrueuse d'impérialisme fait peser sur l'Europe un danger d'autant plus redoutable qu'il survient au moment précis où la fin de la guerre va provoquer inévitablement dans chaque pays une grave crise économique et sociale […] Les alliés doivent ainsi provoquer la chute des soviets. Il ne s'agit pas d'obtenir ce résultat en portant la guerre en Russie, mais en procédant à l'encerclement économique du bolchevisme par l'occupation par les forces alliées (depuis la Roumanie, Odessa, etc …) des terres à blé de Crimée et d'Ukraine et des bassins miniers du Donetz, mal nécessaire pour garantir le paiement des 26 milliards prêtés à la Russie et dont le bolchevisme a renié la dette.
Les armées d'Orient et les armées anglaises de Turquie fourniront dès la capitulation de la Turquie les quelques divisions nécessaires pour constituer autour du bolchevisme, non seulement le cordon sanitaire qui l'isolera et le condamnera à périr d'inanition, mais encore les noyaux de force alliés autour desquels les éléments sains de Russie pourront s'organiser en vue de la rénovation de leur pays sous l'égide de l'Entente.

 
La théorie du cordon sanitaire pour cerner la Russie bolchevique venait donc de Clemenceau !


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Marsh Posté le 30-04-2014 à 11:15:27    

En Finlande, la situation fut réglée assez rapidement. A partir d'octobre 1917, des unités de garde rouge se créèrent dans tous les centres industriels de Finlande et une grève générale fut décrétée en novembre 1917. Longtemps base arrière du bolchevisme, les gardes rouges finlandais aidés par des détachements russes s'attaquèrent aux bâtiments officiels, mais les troupes/milices pro-gouvernementales résistèrent et le 6 décembre 1917, le chef du gouvernement, le nationaliste Svinhufvud proclama l'indépendance de la Finlande, comme les directives du Sovnarkom le prévoyait et demanda le retrait des troupes russes, ce que Trotsky refusa. En janvier 1918, le gouvernement nomma Mannerheim comme chef de la petite armée finlandaise. Mannerheim, fort de 30 ans de service dans l'armée tsariste, surpris par la déliquescence de cette dernière s'installa à Vaasa, fuyant une Helsinki remplie de gardes rouges. Il demanda une aide à la Suède qui envoya 1500 volontaires se battre sur le front finlandais.
Le 15 janvier 1918, 30 000 gardes rouges commandés par le président du soviet de Finlande, Aaltonen, aidé par le 42eme corps russe s'emparèrent d'Helsinki et de Tampere. Un gouvernement des commissaires du peuple est institué dirigé par Manner alors qu'Aaltonen coiffait la garde rouge finnoise. Pendant ce temps, la petite armée de Mannerheim, de Vaasa, à 350 kilomètres au nord d'Helsinki, attaquent et désarment des garnisons russes. La Finlande est donc coupée en 2, le nord est blanc, le sud est rouge.  
Mannerheim va alors être aidé par les allemands qui vont envoyer des dizaines de milliers de fusils et 63 mitrailleuses. Dès le 25 février, l'armée blanche passa à l'offensive et fit reculer les rouges. C'est alors que le chef du gouvernement, contre l'avis de Mannerheim, demanda officiellement l'aide de l'Allemagne. Mais dès le 15 mars, avant l'arrivée du corps expéditionnaire allemand, les troupes de Mannerheim investissent Tampere, faisant 2000 morts et 11 000 prisonniers.
Les 7000 allemnds de la division commandée par Von der Goltz et les 2000 hommes de la brigade Brandenstein, débarquant à Hanko et Loviisa, vont aider les troupes blanches à reprendre Helsinki, qui capitulera le 2 mai 1918 comme l'armée de l'ouest, laissant 25 000 prisonniers aux forces blanches. Le 16 mai 1918, les troupes bolcheviks ont toutes été boutées hors de Finlande.


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Marsh Posté le 30-04-2014 à 13:23:28    

Très intéressant !  Les "relations" entre Finlande, Russie et Allemagne sont donc anciennes...

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Message édité par Profil supprimé le 30-04-2014 à 13:23:36
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