Bonjour,  
 
Excusez-moi de vous déranger, mais j'aimerais vous demander une courte aide pour un commenaire littéraire que je dois rédiger. J'aimerais avoir votre avis, pour l'instant, sur mes axes de lecture, (l'objet d'étude en ce moment est "l'éloge et le blâme", je suis en seconde) :
 
I.le portait du concierge
 
II.la pitié provoquée par le texte (pour cet axe je ne suis pas du tout sûre...)
 
 
 
Philipe Labro       Quinze Ans       Extrait du prologue du roman
 
 
 
 
Nous l’appelions Capitaine Crochet parce que, à l’image du personnage des Aventures de Peter Pan, le concierge de l’établissement était manchot et ne possédait, en guise d’avant-bras, qu’un morceau oblong de vieux bois luisant et serti de fer, au bout duquel un chirurgien militaire, au cours de quel conflit colonial ?, avait fixé une espèce de moignon mi-cuivre, mi-cuir. La chose pendait au bout du tronçon valide de son bras gauche et déséquilibrait son allure, déjà pataude. Il était grand, épais, et claudiquait ostensiblement, car la mitraille dont il avait été autrefois victime avait aussi entamé les nerfs d’une cheville. Et comme il s’agissait de la cheville de la jambe droite, on l’eût cru disloqué du haut jusqu’en bas, un coup à gauche, un coup à droite, et  sa démarche suscitait le rire ou la compassion plus souvent que l’effroi. Ajoutez à cette silhouette malgracieuse des vêtements rapiécés et sales  sentant  une cuisine à l’ail mitonnée dans la loge par madame crochet, avec, recouvrant l’ensemble, une veste de cuir élimée comme en portaient alors certains chauffeurs de ces taxis à toits noirs et portières rouges qui sillonnaient les rues de Paris presque vides de voitures, ou bien certains cheminots dans les gares. Il avait fait coudre à son revers un ruban plus large que ne le veut l’usage, pour rappeler ses exploits et son statut d’ancien combattant qui lui conférait , outre son allure surprenante et son titre officiel de Gardien du Grand Lycée, une autorité et une arrogance frisant l’hostilité à l’égard des élèves, quel qu’ait pu être leur niveau scolaire, ou le rang social tenu par leur famille.  
 
« Tous des petits merdeux », bougonnait-il immanquablement en faisant jouer loquets et grilles, et,  dans le grincement des serrures et le bruit des souliers sur le sol qui partaient en rafales vers les aires de jeux avant que sonne l’heure de se mettre en rang le long des murs, on entendait la voix acariâtre du Capitaine Crochet, jurant et pestant. Bousculé par la ruée de ces corps fragiles et agiles, il les confondait dans le même anathème pour se venger des injustices de cette vie dont ils attendaient tant, cette chienne qui ne li avait rien donnée, rien prêté rien rendu.