Changer notre regard sur le handicap - Société - Discussions
Marsh Posté le 11-06-2005 à 20:16:13
Citation : Et vous, êtes-vous prêts à changer votre regard sur le handicap ? |
Je crois sincèrement que ces gens souffrent plus du fait de ne pas trouver d'infrastructures adaptées à leur différence au quotidien que de notre "regard", non ?
Je ne vois pas ce que je pourrais faire à mon niveau pour les faire se sentir mieux en tout cas.
Marsh Posté le 11-06-2005 à 20:17:15
hum je n'ai pas un regard particulier sur les gens dans un fauteuil ou a qui il manque une jambe ou meme qui sont trisomiques ... je pense juste qu'ils ont besoin de structures
Marsh Posté le 13-06-2005 à 11:01:19
L'idée de mon post n'était pas de faire un "topo" sur le handicap, ni de classer les souffrances liées au handicap. Je voulais juste m'attarder sur le regard que nous portons sur le handicap.
Bien sûr que le personnes vivant avec un handicap souffrent de l'inadaptation de nos infrastructures, conçues essentiellement pour les gens qui voient, entendent, se déplacent sur deux jambes... Mais ce n'était pas ma question. Puisque tu la poses, cependant, et pour avoir parcouru un certain nombre de forums de discussion, avoir entendu les paroles des invités de l'émission Riposte, je me demande si, pour certains, ce n'est pas davantage le regard des autres qui les fait le plus souffrir. Je pourrais citer dem68 sur ce fil, par exemple :
Citation : les handicaps il y en a bcp, le pire quand on souffre d´un handicap, c´est la betise d´autrui, l´ignorance, la peur, le regard (cela peut bruler un regard), on vit dans une autre dimension tout en etant confronte a la realite. |
Ou alors, sur un autre fil, le témoignage de Piko :
Citation : les adultes ont beaucoup d'apriori et au lieu de poser les questions, ils se font leur propre film. souvent le handiap est associé à l'incapacité de faire koi que ce soit seul. je suis en fauteuil roulant depuis l'âge de 13 ans et je mène une vie tout à fait normale. je fais mon ménage, je tiens ma maison, m'occupe de mon enfant. pourtant j'ai toujours l'impression de devoir prouver aux gens. |
Ces témoignages (et il y en a bien d'autres sur les fils que j'ai cités) me font dire que les plus handicapés sont parfois les valides. Handicapés du coeur, qui établissent des catégories, collent des étiquettes, stigmatisent l'autre. Je me trompe peut-être, mais je perçois souvent une forme regard normatif : "je suis normal, et celui-ci qui est handicapé ne l'est pas". J'ai l'impression que cette attitude conduit à des sentiments nuisibles : de la pitié, de la condescendance, de la peur et parfois de la haine.
Bien sûr qu'il y a beaucoup à faire pour améliorer les infrastructures. Mais je me dis qu'il y a beaucoup à faire aussi pour changer les mentalités.
Marsh Posté le 13-06-2005 à 11:20:25
ReplyMarsh Posté le 13-06-2005 à 11:26:02
Je reviens de 4 mois au Canada et je peux vous dire qu'on a des leçons à prendre avec eux. Ils ont de vraies infrastructures pour les handicapés, et ces derniers ont l'air complètement intégrés à la société (emploi, regard des autres, etc...)
Les trottoirs et les rues sont facilement praticables pour eux, autonomie powa
Marsh Posté le 13-06-2005 à 12:48:49
Changer son regard sur le handicap, ca reste un peu flou pour moi. C'est vrai qu'on a tendance à traiter les personnes handicapées de façon différente. Sans tomber dans les exemples que tu cites, on se demande parfois quelle attitude adopter face à une personne handicapée.
Exemple : je suis prêt d'une personne déficiente visuelle qui doit traverser la rue. Est ce que je l'aide? j'attends qu'elle me le demande? Si je l'aide sans qu'elle ne me le demande, ne va t elle pas se sentir rabaissée?(parce qu'en fait elle n'a jamais de problème pour traverser une rue)
Comme dans le cas de la personne en fauteuil roulant, on a tendance à penser que les personnes handicapées ne peuvent pas faire certaines choses. Alors on agit avec un peu trop de sollicitude. Mais là, ces personnes peuvent se sentir insultées. Et si elle a besoin d'aide mais qu'elle ne sait pas qu'on est là, on passe pour quoi? (exemple de la personne déficiente visuelle).
C'est comme certaines personnes âgées à qui tu laisses ta place dans les transports mais qui ne veulent pas s'asseoir.
Moi je traite les personnes handicapées comme toutes les autres personnes, mais des fois je ne sais pas comment agir
Marsh Posté le 13-06-2005 à 13:17:14
darren a écrit :
|
Zangalou a écrit : hum je n'ai pas un regard particulier sur les gens dans un fauteuil ou a qui il manque une jambe ou meme qui sont trisomiques ... je pense juste qu'ils ont besoin de structures |
Vous êtes à côté de la plaque tous les deux
Marsh Posté le 13-06-2005 à 14:40:44
Citation : Exemple : je suis prêt d'une personne déficiente visuelle qui doit traverser la rue. Est ce que je l'aide? j'attends qu'elle me le demande? Si je l'aide sans qu'elle ne me le demande, ne va t elle pas se sentir rabaissée?(parce qu'en fait elle n'a jamais de problème pour traverser une rue) |
C'est marrant que tu en parles, j'allais justement évoquer cette situation . Il y a quelques années, j'avais les mêmes interrogations que toi. Je voyais quelqu'un avec des lunettes noires et une canne blanche à un carrefour. "Que faire ?" J'hésitais. "J'y vais, j'y vais pas ?" En fait, la plupart du temps, je n'y allais pas. Et puis un jour j'ai vu une émission dans laquelle un aveugle racontait l'angoisse que c'était de traverser un carrefour. Essaie pour "voir" (et avec des amis pour te protéger !) de traverser un carrefour en fermant les yeux (mais en fermant vraiment, hein ). Tu verras l'impression que ça fait !
Aujourd'hui, à chaque fois que je vois quelqu'un avec une canne blanche à un carrefour ou à un endroit dangereux, je vais lui demander si il veut un coup de main. C'est pas la mort de demander : on te répond oui ou non. Ce n'est pas une insulte. Dans 90% des cas, lorsque j'ai demandé si il y avait besoin d'un coup de main, on m'a dit oui. Et, dans 100% des cas, on m'a dit merci, même lorsqu'on m'a dit que ce n'était pas la peine
Sur ce sujet, voir cette page de l'Institut national canadien pour les aveugles.
Marsh Posté le 11-06-2005 à 20:10:46
Je ne sais pas si vous avez vu l'émission de Riposte (France 5) consacrée au handicap. C'était la semaine dernière je crois. Il y était question du handicap, et de notre regard sur le handicap. Voici la présentation du sujet sur le site de l'émission :
Les personnes en situation de handicap sont-elles traitées comme des citoyens à part entière ? Notre solidarité républicaine est-elle sans faille ? Poser la question, c'est hélas parfois y répondre. Sur celles-là et ceux-là, au handicap s'ajoute souvent le regard des valides, des préjugés, leurs craintes, leurs fantasmes et exclusions. Peur, notre peur de tous du handicap, n'être pas comme eux, et être infiniment, pourtant, comme eux, pareils, frères en humanité et en vulnérabilité. Blocages d'une société parfois peu fraternelle et pas franchement égalitaire. Comment mieux accepter et reconnaître l'autre, le handicapé dans la réalité, dans son rapport à l'école, au travail, au chômage et à l'amour ? Comment transformer le regard du valide, qui est souvent, lui, un "handicapé du cur" ? Comment, tous, accéder à ce stade supérieur de la citoyenneté que serait ce nouveau regard ?
On peut voir quelques extraits de cette émission ici. Je vous recommande notamment l'extrait qui commence par une intervention d'Emmanuelle Laborit. Vous vous souvenez peut-être d'elle lorsqu'elle a reçu un Molière en 1993 pour Les enfants du silence... Petite biographie ici pour se rafraîchir la mémoire. Voici le regard qu'elle porte sur handicap, je la cite :
Emmanuelle Laborit : Le handicap : je déteste ce mot. Moi, je pense qu'il faut parler de différence. Il faut accepter la personne telle qu'elle est. Moi, je n'ai pas envie d'entendre. Les gens disent de moi : "c'est dommage, elle est jolie, mais elle ne peut pas entendre". Mais je n'en ai rien à faire, moi ! Je suis comme ça !
Et Serge Moati de s'étonner en lui demandant : "Mais pourquoi ne voulez-vous pas entendre ?". Cette question de l'animateur est tellement révélatrice de nos préjugés. Comment ça se fait ? Comment est-ce possible ? Comment une personne sourde ose-t-elle dire qu'elle ne veut pas recouvrer l'audition ? Ce n'est pas "normal" !
J'ai sélectionné d'autres phrases qui me paraissent significatives, comme celle d'Hamou Bouakkaz, conseiller à la mairie de Paris :
Hamou Bouakkaz : Moi, je voudrais voir. Mais je voudrais voir comme je voudrais monter dans une navette spatiale. Parce que je suis pauvre de cette expérience-là. Mais je voudrais aussi être dans un fauteuil, pour comprendre. J'aimerais bien être autiste, je ne sais pas comment ça se passe, ça me fascine.
On fait deux blocs : les "handicapés" et les "valides". Mais moi, par rapport à Emmanuelle, je me sens complètement handicapé. Je ne comprends pas dans quel monde elle vit
Dans cette émission, il y avait aussi Elisa Rojas, que j'avais déjà vue sur Arrêt Sur Images, suite au Téléthon 2004. Malheureusement, les vidéos de l'émission Arrêt Sur Images ne sont plus disponibles. Mais on peut lire son point de vue ici :
Elisa Rojas : Je mappelle Elisa, jai 25 ans et je suis née avec une maladie génétique. Jai une famille sympa, des amis que jadore, jadmets que mon petit ami se fait un peu attendre, mais jessaie de ne pas désespérer.
Après 5 ans détudes, je mapprête à embrasser la profession que jai choisie. La nuit, je ne rêve pas de courir un 100 mètres, de faire du saut à lélastique, ni de ressembler à Pamela Anderson ou à Carla Bruni. Je suis bien comme je suis, fauteuil roulant compris. Dailleurs, contrairement à ce que tous les journalistes (sans exception) prétendent, je ne suis pas « CLOUÉE » (tel le Christ sanguinolent sur sa croix...) mais tout simplement ASSISE dessus. Suite...
Dans Riposte, elle dit :
Elisa Rojas : On est comme tout le monde : vulnérable parfois, plus solide à d'autre moments, dans un contexte qui ne nous aide pas. Je pense que c'est une erreur de vouloir exagérer dans un sens positif les qualités d'une personne handicapée. [...] Le handicap fait partie de note identité. C'est une différence, mais une différence comme une autre.
Au cours de l'émission, Serge Tisseron (psychologue) a eu ces mots très justes :
Serge Tisseron : Certains considèrent que les personnes handicapées sont exclues en raison de leur handicap. Il faudrait que les personnes prennent conscience que c'est en raison de leur exclusion que ces personnes se trouvent en situation de handicap. Il est nécessaire d'inverser notre regard. [...] De même, on a tendance à penser que si une personne a honte, c'est parce qu'elle a fait quelque chose de honteux [...] Or, on devient honteux d'être handicapé que parce que l'entourage porte sur vous un regard qui vous fait honte. C'est l'exclusion qui provoque la honte.
Ce sur quoi Elisa Rojas a renchéri :
Elisa Rojas : On se dit : "Mince, c'est comme ça qu'on me voit ? Je serais "clouée" sur mon fauteuil ?" Quelque part, ça a l'air d'être atroce. On finit par douter de la légitimité de nos revendications. On finit par se voir tel que les autres nous voient et c'est très destructeur. On intègre les préjugés des autres, qui deviennent parfois nos propres limites.
Cette émission m'a beaucoup touché.
Et vous, êtes-vous prêts à changer votre regard sur le handicap ?