[possibilité du bonheur] [conception du mal ] [ valeur de la vie] - Arts & Lecture - Discussions
Marsh Posté le 04-06-2006 à 11:11:47
ReplyMarsh Posté le 09-06-2006 à 09:41:05
balsamo a écrit : Y a-t'il vraiment une différence ? |
Intéressons nous d'abord aux stoïciens ! Pour pouvoir juger la philosophie stoïcienne, il faut d'abord la comprendre. Or, je ne suis pas sûr du tout que se soit votre cas... Par exemple, rejeter la notion d'individu chez les stoïciens et, malgré tout, poser une similitude avec la pensée de Spinoza, Le penseur de lindividu, des individus dans leur irréductibilité métaphysique...
La question qui domine cette philosophie (toute philosophie ?) est celle de la suffisance de la vertu pour obtenir le bonheur. Si l'on veut produire lhumanité, il faut promouvoir une conception de la vertu. La vertu est-elle condition suffisante du bonheur ? A partir de là, nous trouvons une justification de la philosophie : celle-ci trouve sa propre possibilité.
Sénèque définit la philosophie comme "la science de vivre honnêtement", "la vie belle et honnête". D'où la question : la philosophie se réduit-elle à un enseignement théorique ou bien est-elle déjà une pratique ? Cette double dimension se retrouve-t-elle dans les trois disciplines (physique, logique, morale) ? Bref, sexerce-t-on à la sagesse dans la philosophie ?
Il semble que la philosophie est déjà investie dans cette mission pratique. Pour Cicéron, la philosophie ne se réduit pas à un pur enseignement : elle est nécessaire pour que lhomme devienne sage.
Dans un texte extrait des Tusculanes (IV, 338, §§ 83-84), Cicéron part du constat que si lhomme ne peut parvenir au bonheur, cest en raison du passage des négations (chagrins, peines, etc...). Cest un état mental malade : il existerait pourtant un remède : comprendre que ce qui nous sépare du bonheur est de lordre de lopinion. La volonté suffit pour atteindre le bonheur. On a le même schéma que chez les Epicuriens. La philosophie est utile ici pour indiquer la fausseté des opinions et donc les supprimer. Lerreur est la racine de nos maux. La première approche de la philosophie donne à celle-ci une mission thérapeutique. Cette mission thérapeutique se retrouve chez Socrate et chez Aristote (on comprend le rôle de la philosophie par analogie avec la santé du corps).
La philosophie doit supprimer ce qui est de lordre du malheur, de lerreur. Cicéron spécifie la conception stoïcienne de la philosophie. Il s'agit d'une alternative théorique, cette conception a quelque chose de lordre du pari :
1) ou rien ne se fait par raison : la raison nest pas principe des choses, des êtres, etc...
2) ou la philosophie est un produit de la raison et nous devons alors chercher les principes de laction bonne.
Cest avec la philosophie quon devrait parier de la sortie dun état ou rien nest maîtrisable. Si on prend la philosophie, on voit que sa rationalité interne nous délivre. On ne peut pas parier sur le théorique pour lui-même. La philosophie est apte à guérir : quels sont les présupposés ?
Le principe directeur de lhomme est la raison. Celle-ci définit la nature humaine : cest le critère de nos pensées mais aussi le principe de nos actions. Les dimensions de lhumanité doivent être dirigées par la raison : si on dit que lhomme est rationnel et que la philosophie fonctionne par la raison, alors la philosophie est une activité humaine parmi les autres. Mais on ne montre pas que la philosophie nous délivre.
Il faut ajouter une autre dimension : la raison est le principe des êtres et des événements. Si la philosophie a un pouvoir, cest parce quelle réalise la conformité de la philosophie avec la nature humaine tout entière et elle permet également lharmonie de lhomme et du monde. Si le Stoïcisme repose sur le principe de raison, la philosophie doit rassembler toutes les activités parentes. La philosophie doit révéler cette cohérence de nature. La raison est au principe du tout (dans les choses et dans lhomme). Lhomme peut se mettre en harmonie avec les choses. Si lhomme comprend la réalité qui se déroule, il peut décider de la place qui lui convient. Il peut dessiner sa place. Donc lhomme a la possibilité du bonheur, cest-à-dire la conformité de sa nature avec elle-même et avec le monde. Vivre selon la raison, cest vivre selon la raison que la philosophie nous enseigne.
La sagesse est la science de cette parenté des choses qui permet la conformité de lhomme avec cette rationalité extérieure. Il est nécessaire de passer par un préalable théorique : on réduit tout à lidentité. Ici, le discours est abstrait. Lhumanité est pour nous un objet de conquête et passe par léviction de notre nature spontanément développée. Lhomme abandonné à lui-même se rend étranger à lui-même.
Un roman peut nous le faire comprendre : Le déserteur. Dans ce roman, on trouve lidée suivante : la prise de conscience est le fondement de lhumanité. Sinon, on se déserte soi-même. Lhomme est la proie de linstabilité. Les natures vicieuses sont viciées : lidentité stoïcienne est abstraite car elle résulte du fait que nous nous échappons à nous-mêmes. Pour opérer cette dimension de la philosophie où lhomme se reconquiert, pour rétablir le terrain vierge, il faut passer par un préalable théorique. Quel est le préalable théorique ? On vise lhomogénéité du tout. Alors que faut-il connaître ?
Deux idées :
1) lhomme est rationnel.
2) la philosophie est un assemblage déléments rationnels.
Que faut-il pour avoir une ligne directrice ? Il faut explique pourquoi la raison est au cur du monde. La philosophie néloigne pas lhomme de lui-même. Le préalable à la guérison, cest la physique. La philosophie est la source dun enseignement théorique car elle inclut lidée que la raison est le principe du réel.
"Les choses sont lobjet de la fortune." : voilà une opinion fausse ! Ce serait prêter aux phénomènes des événements qui échappent à la raison. Les Epicuriens ont essayé cela : nous recherchons une adéquation avec nous-mêmes. Si nous comprenons la mort, nous comprenons que la mort nest pas événementielle : lâme nest pas en accord, nest pas en liaison avec le corps quand la mort arrive. Il y a donc une impossibilité de rencontrer la mort. Cest une tentative de rationalité mais la rationalité de la physique épicurienne est discontinue. Le fondement est linsécable. Les réalités composées sont distinctes les unes des autres. Par contre, la rationalité stoïcienne est continuiste : tout est lié. Il y a sympathie, cest-à-dire interprétation des choses à lenvironnement. Pour Epicure, les atomes structurent le réel, mais alors on na pas vraiment une même nature qui se décompose (ce qui a des conséquences sur la morale).
Si la philosophie rétablit les conditions dharmonie entre lhomme et le monde par la rationalité des choses, alors elle scinde des moments théoriques dont la réunion permet la sophia. Il y a donc des liens de subordination. Il y a lien logique denseignement : il faut commencer par la physique. Il faut, de toute façon, parcourir un enseignement théorique avant toute chose.
Trois remarques s'imposent ici :
Sénèque (cf. Lettre 66, § 11) : Les vertus sont égales ainsi que les oeuvres de la vertu et ainsi que tous les hommes ayant cette vertu en partage. Lobtention de la vertu fait dresser un lien entre "vertu homme action" quand on est dans la vertu. Pour les plantes, on a des vertus mortelles, fragiles et variables. Pourquoi ? Parce quil y a une excellence dans laccomplissement des fonctions. La raison qui fait quon a des vertus graduables chez les plantes, cest que les plantes nont pas de raison. La raison est le critère unique qui doit nous guider. Il ny a pas de hiérarchie. La tâche de la philosophie est détablir lharmonie entre le graduable et le non-graduable. La temporalité de la philosophie vise lidentité. Cette "pour identité de soi sur soi", cest ce que la philosophie doit obtenir.
Maxim-Schul (cf. Introduction aux oeuvres des stoïciens) : "La philosophie stoïcienne est comme une projection dans lunivers des conditions de fonctionnement de notre raison, et cette projection fait que lhomme se sent en sympathie avec les choses ; il sait que, malgré les apparences contraires, cest la raison qui règne seule et éternelle ; et cest pourquoi lenseignement stoïcien accordait tant dimportance au problème de la certitude et de la connaissance, valorisait aussi la dialectique, dont le rôle est de créer la conviction." Lhomme projette sur le réel quelque chose qui permet à lhomme de se sentir bien. Les stoïciens placent dans la réalité ce quils veulent y voir pour favoriser une certaine idée de lhomme, les stoïciens ont investi le réel de raison.
Alors :
- première tâche pour lenseignement : dire que la raison est au coeur de la réalité (cest la physique).
- deuxième tâche pour lenseignement : il faut rendre compte de la légitimité de ce discours. Pour valider cette projection, il faut passer au processus dobjectivation.
Il faut prendre conscience que lindividu est hors de lui-même. Ainsi doit-on montrer quelle est la finalité qu'il faut atteindre. Ainsi doit-on sexercer. En pratiquant la philosophie, je me redresse déjà. La réussite, cest quand tout est dénudé : la raison peut être enfouie mais jamais détruite. On trouve cela chez Socrate dans Lysis. Les hommes ne sont jamais atteints à un point irrécupérable. Le philosophe doit reconstruire après avoir décapé les opinions fausses. Ce quon a, cest une raison perfectible. Nous avons en nous la puissance de la raison, ou la raison en puissance.
Il faut comprendre la nature de la Phusis ainsi que le discours quon porte : ces deux moments doivent être circonscrits. On peut alors définir le but moral de lhomme. Il faut donc conquérir un comportement dans le temps. La philosophie doit assumer cela comme préalable à la sophia : ces trois temps théoriques sont nécessaires pour lobtention de la sophia. C'est ce que dit Rodis-Lewis dans la Morale stoïcienne :
Rodis-Lewis :
p. 16 : Une partie de la philosophie nest pas justifiable toute seule. Il ny a pas un désir de la logique pour elle-même. On ne passe par la logique que parce quelle est nécessaire pour autre chose. Lhomme fonctionne selon les principes mêmes de la rationalité. Ces trois parties sont indissociables et se conditionnent les unes les autres. Logique et physique se conditionnent réciproquement.
p. 16-17 : La sophia est en même temps savoir et perfection éthique. La sophia est perfection dans les deux domaines. Il y a correspondance naturelle entre progrès de la connaissance et celui de la morale. La progression théorique va de pair avec la rationalité. La sérénité du sage naffermit pas la connaissance des principes. Constance, consistance et cohérence vont de pair. Le sage doit saisir les principes de lêtre : faire cela est la condition pour définir des raisonnements corrects. La sagesse sobtient par progression conjointe de la logique, de la physique, de léthique. Il faut étudier les trois ensemble. Apprendre à raisonner, que les phénomènes sont rationnels, que les actes moraux sont conformes à la raison permettent ensemble datteindre la sagesse. Si on se contentait de la philosophie comme dun enseignement théorique séparé, alors il ny a pas de sophia. Il faut une circulation (entre les trois disciples) qui redresse le chemin.
p. 20 : "Toutes ces thèses, non seulement commandent la piété, le respect de soi quobserve lhomme qui porte Dieu en lui : beaucoup plus profondément, par ce quelles sont la terre nourricière de la morale, elles y produisent la même tension entre la continuité de tous les vivants, et le saut quopère la prise de conscience de la participation à la Raison divine."
Comprendre que la raison est le principe de tout, cest subir une conversion brutale : la raison est au fondement des choses. Comprendre quon a la raison divine en soi, cest se ramener à la terre nourricière de la morale. La raison est en nous. On peut pénétrer le monde. Les êtres humains sont identiques car ils ont la raison : il faut donc respecter les hommes. Il y a donc une sympathie physique et une sympathie morale. La similitude de raison devient le principe de tous les comportements dhommes à hommes. Nous devons faire de cette identité un nouvel objet de conquête. Il faut vouloir sa rationalité, la rationalité de lautre et la rationalité de toute la communauté.
Il s'agit de promouvoir un comportement humanitaire : je respecte la raison en lautre. Les trois disciplines impliquent la corrélation des trois dimensions décrites ci-dessus. Nous sommes bien dans une communauté des hommes. Dans cette synergie que doit réaliser la philosophie, il y a une présence : la compréhension de la Phusis. Il faut comprendre lensemble de toute choses et lidentité de chaque chose. Cest cela la nature. On comprend que lhomme est le sommet des êtres naturels. Il y a une dignité de lhomme car il déploie la raison sous sa forme divine.
La philosophie se définit par sa rationalité théorique (connaissance de soi dans le savoir) et par sa rationalité pratique (perfection éthique). La philosophie permet datteindre la sophia et doit passer par la physique (et par les autres implications déjà vues).
Prenons un autre texte de Cicéron (cf. De la nature des Dieux, II, chapitre 61-62) : Lhomme est le seul à pénétrer les raison du Ciel. Linstrument de la connaissance et la connaissance participe de la même nature. De là découle la connaissance des Dieux et de sa dérivée :
la piété
la justice
toutes les autres vertus (dont l'amour).
La sophia est donc la perfection éthique et théorique. Elle nous fait semblable aux Dieux et elle est la rationalité déployée. De plus, puisque lhomme est le seul à comprendre le réel, le réel a été crée en vue de lhomme. Lhomme est la fin de tous les autres êtres. Si la connaissance de ces choses nappartient quà lhomme, cest quelles ont été faites pour lhomme. Celle-ci réalise la position du sommet en assumant la position de cette connaissance (et donc en se rendant semblables aux Dieux).
1) conformément à la raison de la nature
2) conformément à la nature en lui.
Lhomme est en conformité avec la nature quand il est en conformité avec lui. Cela ne doit rien au temps : il ne doit rien au temps pour être. Il ny a rien de plus divin que le divin. On est dans la similitude parfaite.
Avec Cicéron il y a donc une dualité de la fonction de la philosophie. Ces deux fonctions sont logiquement dissociées mais simultanées dans leur finalité.
1) elle est thérapeutique. Il sagit de laver la nature de maux qui ne sont tels que par un jugement erroné. La faiblesse de lhomme face aux événements est une erreur de jugement. La philosophie lave tout ce qui najoute pas au bonheur et à la vertu : il ny a pas de fortune, de coup du sort (ces données contingentes sont extérieures au bonheur). En droit, la vertu est définissable. Rien nest extérieur à son existence nécessaire et suffisante. La philosophie resserre la vertu sur son essence. Autrement dit, on resserre tout sur le nécessaire. Doù le problème de la responsabilité humaine, de la liberté. La vertu, en droit, existe : elle devient condition suffisante du bonheur. La philosophie, cest empêcher la pleine fortune. Finalement, le bonheur dépend de la vertu qui dépend de nous. Il sagit de convertir les erreurs de jugement en jugements corrects, cest-à-dire moraux, le jugement rétablit notre efficience possible. Le jugement devenu correct devient condition. Cest alors que la fonction thérapeutique de la philosophie se convertit en la fonction morale de la philosophie.
2) elle est morale. Elle se délimite comme science possible de la vertu. Cette dernière est intelligible, est connaissable. Du même coup, on effectue la philosophie : elle est science effective. Du possible au réel, il ny a pas dingrédient supplémentaire.
On sait ce que la vertu nest pas quand on sait ce quelle est. Alors, on définit les conditions dobtention du bonheur. Cette suffisance nest pas instantanée. Il faut donc passer de la philosophie en droit à la philosophie en fait. Il faut savoir comment on parvient à cette vertu. Il faut donc passer à son aspect pratique. La philosophie nous livre la vertu comme condition suffisante du bonheur. La philosophie nous indique aussi comment la vertu est articulable au fonctionnement de la Nature Universelle et de la nature de lhomme.
A partir de là, nous retrouvons la double fonction de la philosophie. Si la vertu sobtient thérapeutiquement par extraction de lerreur et si on comprend que, chez les Grecs, la vertu est lexcellence dune fonction naturelle (arété), alors nous comprenons que libérer la vertu de ce qui entrave sa réalisation, cest libérer une autre dimension. La libération de la vertu, cest la libération dune nature retrouvée.
La philosophie libère le devenir par lequel lhomme peut réaliser sa propre nature. La philosophie permet à la nature humaine de se retrouver dans un projet de condition de soi. On a ici laspect pratique de la philosophie. D'où l'équation : Vertu + condition de vertu : connaissance de soi et de la nature : réaliser en acte sa nature propre.
Lhomme peut faire lacquisition de lui-même. Lhomme peut comprendre quil est dans le concept réalisable par lhomme. La philosophie permet de retrouver la nature. Cest sa dimension pratique. On retrouve la nature dune part dans la définition qui la prend pour objet et dautre part comme la fin dune vie choisie responsable par laquelle lhomme se fait loeuvre de lui-même. La fin de la philosophie nest pas la philosophie, cest comprendre la fin de lhomme, la fin de la Nature universelle. la philosophie est linstrument de cette fin. Il sagit donc dobtenir la nature humaine en acte, cest-à-dire la pure adéquation à soi, lidentité à soi (ce qui soppose à la fortune, aux biens extérieurs etc...). La philosophie montre lidentité de tout cela (la nature est pleinement en accord avec elle-même car elle na besoin de rien dautre). Cest la fin pratique de la philosophie qui se donne cette fin comme étant la sienne ; Autrement dit, elle instaure théoriquement son but pratique. On a alors une philosophie instrumentale : elle est but et moyen du but. La vertu doit conduire théoriquement aux conditions que pratiquement il faut réaliser.
La condition de tout cela réside dans léviction de lerreur. Les erreurs peuvent concerner la nature de lhomme, la nature universelle (il faut innocenter la nature) et la conception de la vertu. La fonction thérapeutique de la philosophie est subordonnée au pratique. Comment le philosophe va-t-il soigner lhomme lui-même ? Cela suppose une connaissance théorique de la nature. Cest la compréhension de cela qui permet la compréhension de lhomme dans lhomme. La nature nest pas responsable des maux. Lhomme a une nature privilégiée et peut se mettre en harmonie avec la Nature.
La philosophie scinde donc son activité en théorique et pratique. Mais on trace une temporalité détapes :
On passe par la physique.
On valide notre capacité de connaître. Tout rapport à la nature doit être développé comme logique : critère du jugement correct.
La physique implique la logique pour valider ce quelle dit. Cest un édifice théorique supposé par la philosophie : on met alors cela en pratique. Pour parvenir à la sophia, il faut renverser lordre. Le premier dans lordre de la fin est le dernier dans la réalisation. La philosophie comprend donc en elle-même le fait de différer la morale. Pour atteindre le premier en-soi, il faut atteindre le premier pour nous. Doù la philosophie qui se scinde en trois objets. Doù également la distinction entre Biens pour nous et Maux pour nous. Chez Sénèque (cf. Lettre, 50, § 4), on assiste à la description de la première maladie. Il sagit de la distance à soi. Les hommes ne savent pas quils sont ignorants. La santé réside en la conversion de lerreur de jugement dans la nature véritable (source de santé). On trouve déjà cela chez Socrate : on ne peut décider les interlocuteurs sils sont trop enfouis sous le mal.
Il sagit donc ici de redresser le bois courbe. La maladie est la suivante : les hommes ont développé leur vie selon une progression courbe et non droite (cest-à-dire comme si la nature lavait fait pour eux). La trajectoire directe est la bonne. Il faut le prouver. Pour cela, on peut faire appel à Kant. Pour lui aussi, il faut redresser le bois courbe. Les hommes sont en dehors de la finalité de la raison. Il y a dans la nature des dispositifs qui travaillent les hommes pour les conduire à leur fin naturelle. Cest la ruse de la raison. Puisque les hommes vivent en société, ils peuvent en venir à une société des nations (cest-à-dire au règne des fins).
En droit, la rectitude nest jamais à ce point recouverte quon ne puisse la découvrir (cest le sens de la phrase de Sénèque : "la sagesse nest jamais venue avant la déraison" ). Si on sabandonne à limmédiateté de nos jugements, cest-à-dire à une conduite sensible, alors nous sommes déraisonnables. La nature sensible nous rend déraisonnable. Il ny a donc pas dautre espoir pour atteindre la sagesse que le recours à un intermédiaire non-naturel : cest la philosophie. La philosophie, cest lacheminement vers la nature de lhomme que lhomme ne produit pas. Naturellement, lhomme nest pas sage : "Apprendre les vertus, cest désapprendre les vices." (Sénèque). Il sagit de supprimer la spontanéité naturelle. la philosophie supprime la déviation. Elle renvoie à la trajectoire de la vertu : "Nous devons nous conduire à notre réforme... la vertu ne se désapprend pas." (Sénèque)
Le mal est déracinable par la vertu. Nous sommes condamnés à nous acquérir nous-mêmes philosophiquement. La philosophie sème le doute sur la conception de la vie bonne. Cest alors quon peut guérir. Sénèque dit (cf. Lettre, 66, § 16) que si on introduit dans la définition de la vertu des paramètres extérieures, on ruine lhonnête donc la vertu. On met en elles des choses sur lesquelles elles ne sexercent pas. Lhonnête, cest la liberté assumée. Si on met dans la vertu des biens extérieurs, on va craindre que ces biens napparaissent pas. On est craintif donc on nessaye pas dêtre vertueux. Quand la liberté ne se propose pas de fin, alors on na pas de vertu.
Ainsi peut-on lire chez Sénèque (cf. Lettre, 6, § 15) : "le souverain bien ne demande pas ces moyens au monde extérieur. Cest une culture dintérieur. Elle procède delle-même tout entière. Or, on commerce à se subordonner à la fortune lorsquon demande aux éléments du dehors dêtre des parties de soi." On a donc bien ici lidée de la philosophie comme relais artificiel et cependant objet dune volonté.
La tâche de la philosophie, cest rendre le soi de lhomme à lui-même. Dans le soi, il ny a rien dautre que sa raison. Si la philosophie se convertit elle-même comme sagesse quasi-immédiatement, alors la traduction de la philosophie en sagesse est instantanée, mais la philosophie, elle, est temporelle : elle intègre toutes les étapes. Une fois la conscience de soi libérée, lhomme ne peut plus que le vouloir et le faire. Chez Socrate, la vertu est la science de soi et de ce qui est bon pour ce soi. Quand je sais ce que je suis comme essence, je sais ce qui est bon pour maintenir mon identité. Il ny a pas de durée de la conversion : entre la connaissance et la volonté, il ny a pas décart mais il y a le temps dy arriver.
Cest ce qui pourrait expliquer la dualité stoïcienne : on est sage ou pas et il faut la philosophie pour parvenir à la sagesse. Dans la sagesse, en effet, on est tout entier ou on est en dehors. Pourtant, dans la philosophie, on se libère de ce qui nous éloignait (on rectifie les erreurs de jugement intérieur). La philosophie devient guide de vie. Cette expression peut sentendre en un double sens :
- un sens faible : la philosophie peut indiquer les éléments quon doit réaliser. Elle dit ce quil est bon de devenir. La philosophie sentend alors comme un guide extérieur à la vie mais qui indique lallure.
- un sens fort : la philosophie est guide, refuge : elle est ce dans quoi il faut sabandonner. La philosophie est génératrice de vie. Elle est la source de notre vie véritable. La philosophie protège de ce qui menace la vie de lhomme par altération. Cest donc ce qui la dévie de ce qui devrait être. La philosophie nous rend à la vie qui doit être selon la nature humaine.
Faire oeuvre dhomme, cest vivre en société, cest entretenir les liens familiaux, les liens de parole et décriture qui lient les hommes, cest avoir des moeurs et une instruction correcte. La philosophie fait don à lhomme dune vie tranquille (on na pas une crainte de la mort) et elle fait don de la vie humaine.
La philosophie est génératrice de vie en tant quelle rapproche lhomme de lui-même. On retrouve une terminologie aristotélicienne. La philosophie est génératrice et la vertu est une. La philosophie a la cause formelle de cette vie (elle connaît lessence de lhomme). La philosophie a la cause finale (elle pose la vertu comme fin de la vie humaine). Elle est cause motrice car elle lance lhomme dans une vie quil ne cherche pas seul. La philosophie rend lhomme à un devenir naturel révélé dans toutes ses extériorités. La thérapie générative de lhomme est toujours intacte (cf. Lettre 97 de Sénèque, § 12 et § 54). Cette conception aristotélicienne de la vertu est développée dans la Lettre 76 de Sénèque. Le mouvement de la philosophie est en effet à un double niveau :
- Elle est efficiente, générative : elle donne une nouvelle forme de spontanéité. La philosophie rend à la vie de lhomme. (cf. Lettre 78) Cest sa fonction maïeutique.
- On doit à la philosophie la belle vie là où les Dieux nous donnent comme vivant. Cest sa fonction morale.
Marsh Posté le 09-06-2006 à 11:27:27
Tout d'abord merci pour m'avoir sauvé du bide,rien de tel qu'un people de la philosophie pour amorcer un débat
Je n'ai guère le gout (et peut etre aussi le talent) pour écrire des gros pavés.
J'ai l'esprit de synthèse, j'aime aller en profondeur plutot qu'en étendue.
Ceci dit, je peut vous répondre ceci :
Si Spinoza est le penseur de l'individu, c'est de l'individu comme partie du tout, certes une partie capable de connaitre le tout mais rien qu'une partie quand meme.
C'est un peu le cas des Stoiciens, l'individu n'existe pas indépendamment du tout. Tout dépend donc de la conception que l'on a du mot "individu".
Pour les stoiciens, le monde est raisonnable, la nature est raisonnable ( je vois la un parallèle avec la philosophie de Leibniz : "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible" ).
Ils posent donc l'existence de Dieu ( meme si c'est un dieu immanent) en préambule a leur morale.
On peut également dire que c'est leur physique qui fonde leur morale.
Je pense moi (et d'autres évidemment) qu'une morale ou plutot une éthique est possible sans poser l'existence d'un dieu ( c'est ma conception de l'individu) .
Vous avez dit également que: " l'honnete c'est la liberté assumée", c'est pas mal je trouve.
Ceci dit, a mon sens, il faudrait renforcer cette idée en ajoutant: "sans Dieu".
Alors que pour les stoiciens l'honnete c'est en définitive accepter les évenements ( "ne pas se soucier de ce qui ne dépend pas de nous" ) et agir presque uniquement sur nos opinions ( s'efforcer de croire que tout ce qui arrive arrive nécessairement, raisonnablement -->Leibniz).
Marsh Posté le 14-06-2006 à 07:20:31
balsamo a écrit : |
Bon, puisque vous n'aimez pas les "gros pavés", je vais vous répondre cette fois de manière plus concise : une fois de plus vous simplifiez à outrance ce qui réclame pourtant une différenciation fine. J'imagine que vous nous livrez là des extraits de vos cours de terminales...
Vous parlez de "totalité" sans vraiment savoir de quoi il s'agit chez Spinoza : "Tout est Dieu " chez lui ! Non pas au sens où toute chose se confondrait dans un grand Tout, la Vie absolue ou Dieu. Dieu n'est pas la somme des vivants. Mais, à l'inverse, toute chose particulière, chaque vivant, n'est pas Dieu : le soi est un pathos, la passivité de l'éprouvé alors que Dieu est la manifestation par soi de la Vie absolue, c'est-à-dire l'acte par lequel il se produit lui-même. Echapper à un Dieu transcendant, c'est penser un pouvoir de manifestation qui s'accomplit non plus par moi mais par lui-même : l'épreuve de la passivité est celle d'un soi qui s'éprouve du fait d'une Vie ne cessant de faire l'épreuve d'elle-même (indépendamment de ma volonté), d'une vie qu'en tant que telle je ne suis pas, mais à laquelle je dois d'être ce que je suis. L'expérience de la passivité est l'expérience d'une Vie qui, d'une certaine manière, était là avant le soi : nous faisons l'expérience de notre finitude, non dans la transcendance (Descartes), mais dans l'immanence (Spinoza). C'est cela la "béatitude" : jouir d'une révélation qui s'impose par elle-même et qui, au lieu de supprimer le soi, consiste au contraire à le poser dans un lien indestructible. Il faut comprendre que chaque soi vivant possède bien une réalité ontologique, qu'il n'est pas une illusion : être un mode fini (un soi vivant) de la substance infinie (Dieu ou la Vie absolue), ne signifie pas que ce mode n'a aucune consistance, qu'il n'est qu'une péripétie d'une réalité autre que lui est sans laquelle il sombre dans le néant. Les modes de la substance sont l'épreuve de soi de la substance : ils ne sont, ni Dieu lui-même, ni de simples apparences vouées à disparaître. Pour comprendre Spinoza, il ne faut plus raisonner en terme de création (transcendance) mais en terme d'engendrement (immanence) : le soi est une épreuve de soi dans et par la Vie, le soi est l'irréductiblement différent au sein d'une seule et même Vie. Le rapport du soi à la Vie ou du mode à la substance, est un rapport tel qu'il exclut toute forme d'extériorité entre l'effet et sa cause : l'engendrement exclut une création ex nihilo mais aussi que la création obéisse à une finalité quelconque (Dieu est seulement cause efficiente et jamais cause finale) et enfin, point le plus important, que ce qui est créé se tiendrait hors de Dieu. La natura naturata n'est pas un ajout pour la natura naturans, ni quelque chose qui en découlerait : le naturé est la vie même du naturant sous un mode chaque fois déterminé, il en est la manifestation chaque fois singulière. Si la Nature naturée n'est pas en dehors de Dieu, c'est parce qu'elle appartient à la vie même de Dieu, à son affirmation de soi comme cause. Dans la notion de panthéisme, dont il est question ici, il s'agit donc de ne privilégier ni le "pan" ni le "théisme" : ce qui est en Dieu doit avoir son autonomie comme ipséité (épreuve de soi ou auto-affection) pour que le rapport d'immanence du soi (le vivant) à la manifestation par soi (Dieu) ait un sens. Si tout est en Dieu, c'est en ce sens où chaque soi est un soi vivant s'éprouvant comme l'unique. Que le soi ne soit rien en dehors du procès d'autogénération de la Vie, lui confère précisément son effectivité d'une réalité singulière. D'où aussi l'intégration de la tradition chrétienne dans cette étude avec la figure du Christ...
Ces précisions sur la métaphysique spinozienne apportées, il est donc possible de mieux comprendre le sens et la portée d'une pensée de la communauté (religieuse et politique) chez Spinoza, alors même qu'il reste fondamentalement un penseur de l'individu.
Spinoza le précise dès le début du livre II de lEthique avec laffirmation dune définition distincte de chaque individu : "lidée dune chose singulière existant en acte est une manière de penser singulière et distincte des autres". Cependant, comme vous le signalez, assez maladroitement il est vrai, lexistence de ce mode fini que constitue lindividualité humaine nest guère intelligible sans la productivité de la substance, dont les structures quelle se donne en se déployant sont les modes. Si la substance est à la fois une et unique, tel nest pas le cas des modes finis, et notamment de lhomme (dont "la substance ne constitue pas la forme" ) ; pour eux, exister, cest toujours coexister. Lindividu humain, comme tous les autres modes finis, nexiste que dans la mesure où son conatus est soutenu par dautres conatus. Se produit alors un jeu complexe de compatibilité et dexclusion au sein de la nature, des relations de compossibilité et dincompossibilité (pour employer un vocabulaire leibnizien... nous y reviendrons...) qui se traduisent concrètement par un affrontement dans lequel coopération et antagonismes déterminent le succès ou léchec du conatus (c'est-à-dire son bonheur). Lhomme a conscience dexister, mais non comme réalité insulaire. La conscience de cette coexistence (pacifique ou non) sexprime dans lentrecroisement des rapports de puissances (potentiae) nés de leffort de chaque réalité singulière - ces rapports étant eux-mêmes variables.
Cependant, si la substance sans les modes nest quune abstraction, comment expliquer que lEthique commence par laffirmation de labsolue positivité de lêtre en sa vérité ("Par substance, jentends ce qui est en soi et se conçoit par soi" ) ? La prééminence de la substance sur les modes ne donne-t-elle pas raison à Hegel, lorsquil écrit que Spinoza "mourut dune phtisie dont il avait longtemps souffert - en accord avec son système dans lequel aussi toute particularité, toute singularité sévanouit dans lunité de la substance" ? LEthique nest-elle pas alors une pensée conduisant à labolition de lindividualité dans une totalité englobante, dans un vertige "océanique" ? Mais cest oublier que dès le livre II, la démonstration sadresse aux modes finis que nous sommes. Un tel renversement nest pas purement pédagogique. Cest véritablement une inversion de la perspective ontologique du Court traité et du livre I de lEthique, par laquelle le processus démanation-dégradation de la substance en modes est remplacé par une "réduction sur un plan horizontal dun mécanisme de production métaphysique". Cest désormais la singularité des potentiae, "unique horizon réel", qui est fondatrice. "Labsoluité divine est attribuée au monde, est révélée par lintermédiaire du monde, dans sa pluralité singulière".
Les propositions 14-23 du livre II sanctionnent ce passage par le déploiement, dans la connaissance et limagination, dune voie ascendante, constitutive. La Nature, cest cette entité collective, ou plutôt ce processus collectif dans lequel lindividualité humaine se constitue en entité collective. Bien entendu, il ne sagit pas que de lindividualité humaine ; lhomme nest pas "un empire dans un empire". Les affects de la nature humaine appartiennent à la Nature de la même façon que les phénomènes météorologiques font partie de latmosphère. En ce sens, le spinozisme nest pas un "humanisme théorique" ; il ny a pas de séparation de nature entre le mode fini "homme" et, par exemple, le mode fini "animal". Lhomme nest ainsi ni substance ni sujet, mais un mode, cest-à-dire une capacité daffecter et dêtre affecté, du corps et de la pensée. Il sagit donc de savoir si des rapports peuvent se composer directement pour constituer une puissance plus intense. Comment lindividualité humaine se constitue-t-elle en entité collective ? Quelles sont les étapes de ce processus ?
Au stade du livre II (cest-à-dire de la physique spinoziste), lintelligibilité de lindividu humain passe par une théorie du corps : "Lobjet de lidée constituant lesprit humain est le corps, autrement dit une manière de létendue précise et existant en acte, et rien dautre". Au sein de létendue infinie, un noyau individué de "réalité" apparaît partout où se manifeste un système de corps en mouvement pris dans une unité relativement stable. Lindividu humain, cest donc un "corps complexe", produit de lunion de corps plus simples. Cette complexité est synonyme de perfection : ce qui existe "est" dautant plus quil est plus complexe. Toutes les choses participent en effet, à des degrés différents, à la vie et à lintelligibilité de Dieu. Mais en raison de la complexité des aptitudes de leurs corps et du pouvoir de comprendre de leurs âmes, dont la richesse (en vertu du parallélisme entre lâme et le corps) est proportionnelle à celle de leurs corps, ils vivent davantage et mieux en et par Dieu. Certes, les hommes eux-mêmes sont dune inégale perfection, mais il ny en a aucun qui soit entièrement dépourvu de cette qualité spécifiquement humaine quest le pouvoir de connaître.
Cependant, complexité est ambivalente : elle signifie à la fois puissance, et pouvoir dêtre affecté dun très grand nombre de manières, tant sous lattribut pensée que sous lattribut étendue. En effet, lâme est dautant plus apte à percevoir des choses différentes que le corps dont elle est lidée est plus apte à entrer dans des interactions diversifiées avec les autres corps. Le même individu tend à persévérer dans son être et à affirmer sa singularité. Cette capacité du mode fini à se maintenir dans lexistence selon son être propre, à renforcer son autonomie, se fait en réponse aux pressions et menaces venant de lextérieur. La physique spinoziste des corpora simplicissima est une physique du conflit, dans la mesure même où le conatus élémentaire est nécessairement conflictuel, en ce sens que les degrés de puissance, qui conviennent tous les uns avec les autres en tant quils constituent les essences des modes, entrent nécessairement en lutte dans lexistence pour autant que les parties extensives qui appartiennent à lun sous un certain rapport peuvent être conquises par un autre sous un nouveau rapport : "Il ny a pas de chose singulière, dans la nature des choses, quil ny en ait une autre plus puissante et plus forte. Mais, étant donné une chose quelconque, il y en a une autre plus puissante, par qui la première peut être détruite". Le corpuscule, pour continuer son mouvement en ligne droite, doit repousser les corpuscules voisins qui len empêchent. Ici, seul prime le désir de conservation. Cest, en quelque sorte, à un stade purement physique, la guerre hobbienne de tous contre tous avant la lettre, conflit généralisé dans lequel chaque conatus cherche à maintenir au maximum son existence biologique.
Cest ici la notion de corporéité qui savère déterminante. Cest en tant seulement que les individus participent de létendue quils sont nuisibles les uns aux autres ; cest elle qui permet et empêche lactualisation de la puissance propre de chacun. Par définition, les âmes ne sentrempêchent nullement ; ce nest que dans la mesure où "lesprit ne se connaît pas lui-même, si ce nest en tant quil perçoit les idées des affections du corps" quelles peuvent être contraires les unes aux autres. Cest lignorance qui est facteur de conflictualité, ignorance qui a pour cause que "les idées des affections du corps humain, en tant quelles se rapportent seulement à lesprit humain, ne sont pas claires, mais confuses".
Il existe cependant une très grande plasticité du corps humain, une faculté qui laide à résister aux assauts du monde extérieur. Sa capacité dadaptation mesure les chances de survie de lindividu. Bien entendu, que lindividu soit capable de survivre ou non ne change rien à lordre de lunivers. Celui-ci est un seul individu existant, défini par la proportion totale de mouvement et de repos, comprenant tous les rapports qui se composent. Dune certaine manière, comme lécrit Deleuze, "tout est composition dans lordre des rapports" et "la décomposition nest que lenvers dune composition". Dans lordre des essences, il y a convenance totale, tout est nécessaire et tout est intelligible. Ladaptation des individus se fera donc de toutes façons, mais selon le hasard des rencontres, soit selon un principe de convenance, soit selon un principe de disconvenance (lun des deux corps étant alors déterminé à détruire le rapport de lautre). Cette adaptation désordonnée et chaotique se révèle désastreuse pour les hommes, mais elle naffecte en rien le "facies totius universi" dans lequel tout est nécessaire. Telle est la définition première que nous pouvons donner des individus humains pour ainsi dire "à létat de nature", cest-à-dire abstraction faite dun pouvoir politique qui maîtriserait les excès par trop dévastateurs du conflit.
Pourtant, une planche de salut nous est proposée dès le livre II : les notions communes. Grâce à elles, lorsque des idées adéquates émergent de notre esprit, ce sont ces aspects là aussi qui émergent de notre corps. Au lieu de nous adapter au monde selon le hasard des rencontres, nous transformons méthodiquement notre milieu en ladaptant à nos besoins. Mais une telle situation est pour linstant hautement improbable. La "collectivité" humaine nest quune multitude dindividus vivant ensemble, mais séparés par des conflits inévitables et incessants dans un univers concurrentiel. Notre identité individuelle se manifeste comme la persistance dun rapport dans le réseau infini des interdépendances qui nous lie au reste de la nature (et des hommes), et qui ne cesse daffecter et de modifier les différentes parties de notre corps. Or, dans la mesure où ces choses, ces affects, ont nécessairement leur écho dans la pensée, il nous est très difficile davoir des idées adéquates. Le concept de passion, dans le livre III, définit le rapport du mouvement propre du corps à ceux des corps extérieurs, et aussi, corrélativement, lavènement dun imaginaire constitué par les représentations que nous en avons.
Lâme humaine est consciente delle-même, mais cette conscience est nécessairement inadéquate, et ceci, à cause des circonstances extérieures que nous ne pouvons pas maîtriser. Notre corps nexiste que déformé par des variations passives, et le conatus de notre âme est obscurci par le caractère inadéquat des idées correspondantes. Les vingt-trois premières propositions du livre III de lEthique développent une analyse de laliénation individuelle due aux passions qui constitue la théorie des passions interindividuelles.
Marsh Posté le 14-06-2006 à 08:35:14
Antichrist ce que tu racontes doit être sûrement très intéressant mais c'est démoralisant quand on voit un gros pavé comme ca.
Pour que plus de gens puisse prendre part à la discussion, serais-ce possible que tu synthétises un peu plus ?
Marsh Posté le 14-06-2006 à 08:40:25
Un peu plus d'espaces et de retour à la ligne au moins car effectivement on peut dire que c'est étouffe-chrétien
Marsh Posté le 14-06-2006 à 10:19:22
A Monsieur L'antichrist,
Non je ne suis pas elève de terminal , d'ailleurs si je l'étais j'essayerais de singer, meme maladroitement, le ton doctrinal qui est le votre
Oui j'aime simplifier autant que faire possible, je ne suis ni amoureux des mots, ni amoureux des styles.
Je suis en recherche de vérité (d'ailleurs je trouve que le dernier sujet du bac de philo: " faut-il préférer la vérité au bonheur ?" est interessant au plus haut point).
Ma conception de la philosophie c'est que: c'est seulement le doute quant a l'existence du bonheur possible qui amène a la recherche de la vérité.
C'est quand on ne croit plus au bonheur que l'on recherche vraiment la vérité ( et non pas la gloire et la notariété).
Si le bonheur n'est pas possible, il reste peut etre la paix de l'ame.
Il se peut que le sieur Spinoza soit passé par la avant d'élaborer sa philosophie, seulement lui, sans plus chercher le bonheur l'a finalement trouvé dans
la compréhension ( ou du moins l'a t-il cru) de la nature (c'est a dire de Dieu).
C'est trés proche des Stoiciens ( aux détails techniques prés).
Donc juste pour répondre a la question du bac:
Ceux qui recherchent la vérité plutot que le bonheur c'est uniquement parce qu'ils ne croient plus au bonheur, cependant il arrive que durant leur quete de vérité ils croient trouver le bonheur.
Ceux qui ne recherchent pas la vérité c'est parce qu'ils sont optimistes ou parce que, tels les petits enfants, ils identifient le bonheur aux plaisirs immédiats.
Sinon je rappel que le sujet porte sur le problème du mal mais a part ça, je ne suis pas en opposition avec ce que vous dites.
Marsh Posté le 14-06-2006 à 10:20:01
lLoon a écrit : Antichrist ce que tu racontes doit être sûrement très intéressant mais c'est démoralisant quand on voit un gros pavé comme ca. |
Non il peut pas.
Marsh Posté le 14-06-2006 à 21:54:55
On en croise des sommités intellectuelles ici quand meme !
Euh....on me sussure à l'oreille que s'il n'y avait que des gens comme m..
Non mais je ne vous permets pas !
Marsh Posté le 15-06-2006 à 21:02:08
l'Antichrist a écrit : (Voir deuxième texte sur Spinoza.) |
Avec une étude aussi éminemment active et actuelle, et comme il s'agit de réduire tout rapport au sacré, pourquoi continuer à parler de "Dieu" (même et surtout quand ce n'est plus du Dieu de la logique) ? Et pourquoi "l'intégration de la tradition chrétienne dans cette étude avec la figure du Christ..." ?? Pourquoi pas plutôt l'idée d'une communauté artistique ? Non pas une condition religieuse donc, mais une condition esthétique. En effet, on peut reprendre l'intuition de Schopenhauer et surtout le magnifique L'Oeil et l'Esprit de Merleau-Ponty, selon lesquels finalement le geste artistique peut donner cette "connaissance du troisième genre". Le geste artistique, c'est précisément ce savoir qui ne dépend d'aucune méthode ou démarche particulières, et dès qu'une démarche est explicitée, elle devient elle-même son propre a priori/a posteriori, au sens où la démarche est contemporaine à l'acte de création - tel un "se faisant". Resterait le problème de la réduction pour arriver à un engendrement : l'idée serait qu'il s'agit là d'un défi artistique possible et tentant. Comme montré dans le texte de Merleau-Ponty, la tradition rationaliste classique a rendu les conceptions de l'art mal famées, alors qu'il s'agit du geste fondateur de la "sapience". L'idée est donc la suivante : l'épreuve qui ne se donne pas dans des preuves logiquement déduites mais qui ne demande qu'à être "lue", c'est ce que donnerait un tel travail artistique, jusqu'à l'exacte coïncidence entre ce qui est engendré et ce qui est éprouvé. Partant, le critère d'un tel geste et savoir artistiques serait alors moins une monstration qu'une reconstruction et une re-création d'une existence singulière, ce qui est très précisément le programme d'une philosophie de la cognition (à venir).
Marsh Posté le 16-06-2006 à 09:11:57
Et a part ça, personne n'a rien a dire sur le problème du mal et la quete du bonheur ?
Il est vrai que l'art peut constituer une réponse ou un refuge; c'est l'avis de Schopenhauer si je ne m'abuse.
La tendance actuelle est de dire que le mal n'existe pas car le bien n'existe pas, on pourrait tout aussi bien dire que le mal n'existe pas si Dieu n'existe pas.
Et dans ce cas, si on ne parle plus de "mal", le problème reste entier de savoir si le bonheur est possible, du moins pour les personnes "responsables".
Les Stoiciens ( et sans doute Spinoza) pensaient que la nature est raisonnable, Leibniz que tout est pour le mieux (qu'on ne peut pas faire mieux).
D'ailleurs au sujet de la responsabilité, j'aime beaucoup ce passage d'un texte de Kant (Quest-ce que les Lumières):
Quest-ce que les Lumières ? La sortie de lhomme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, cest-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction dautrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de lentendement mais dans un manque de décision et de courage de sen servir sans la direction dautrui. Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières. |
Marsh Posté le 16-06-2006 à 16:28:01
wips a écrit :
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Pas facile de répondre a ta question.
En effet, je suppose que tout le monde n'a pas la meme conception du bonheur (ce qui me rendrait heureux n'est peut etre pas ce qui te rendrait heureux).
Quoique si on pouvait trouver une conception du bonheur qui mette tout le monde d'accord, alors je suppose que l'on pourrait assimiler le bonheur au Bien.
Et va savoir, le bonheur c'est peut etre un peu comme les poupées russes, des conceptions du bonheur qui s'emboitent les unes dans les autres ( ou des conceptions pouvant s'inclure dans d'autres conceptions)
Ce que j'entend par responsable, le texte de Kant en donne une bonne idée je crois.
Disons qu'etre responsable c'est déja d'essayer de l'etre ( ne surtout pas etre un "mineur" ).
Ne surtout pas se résigner.
Marsh Posté le 16-06-2006 à 19:11:41
balsamo a écrit : |
Bon, continuons notre petit exercice de correction historique et philosophique et, corrélativement, de clarification conceptuelle : le système de lharmonie préétablie suppose la solidité de sa clé de voûte, à savoir lexistence dun Dieu qui a conçu lunivers (qui a connu davance toutes les circonstances futures). Cette supposition est-elle plausible ? Peut-elle se concilier avec le Mal et avec la liberté humaine ? Ruine de la morale ou pas ?
Chez Leibniz, lentendement de Dieu représente de toute éternité un certain nombre de choses : dabord tous les types dobjets possibles réalisés ou réalisables ; ensuite tous les individus qui peuvent être créés sans quil en résulte une contradiction ; ensuite tous les mondes possibles (il y en a une infinité, combinaisons complexes de "compossibles" où chaque individu a son histoire inscrite davance) ; ensuite toute la série des vérités éternelles. Tout cela pris ensemble forme lobjet propre et perpétuel de lentendement divin.
La volonté de Dieu passe par deux états quon peut séparer par abstraction : volonté antécédente et volonté conséquente. La volonté antécédente de Dieu est orientée vers le Bien absolu. Ce bien, Dieu le réaliserait immédiatement sil nétait pas déjà réalisé par cela seul que Dieu existe. Dieu ne saurait vouloir se produire à nouveau lui-même puisquil existe par la nécessité de sa nature, il prend la décision de choisir parmi les mondes que son entendement lui présente possibles le meilleur monde. Cest ce que Dieu fait par sa volonté conséquente. Tous les possibles prétendent à lexistence en raison de leur perfection même. Dieu permet au plus parfait de passer de la simple possibilité à lexistence comme léclusier en ouvrant sa vanne détermine lécoulement de leau. Là réside le principe même de loptimisme leibnizien : nous vivons dans le meilleur des mondes possibles.
Comment alors expliquer lexistence de ce mal que nous constatons dans le monde, mal métaphysique, physique, moral ?
Le mal métaphysique : cest seulement limperfection physique, intellectuelle et morale des créatures. Cette imperfection-là, du moment quil décidait de créer un monde, Dieu ne pouvait pas léviter. Le propre de la créature est de nêtre pas Dieu. Donc elle est imparfaite et cest bien ainsi...
Le mal physique : cest la douleur avec toutes ses formes. La liaison des objets et des événements est si étroite que certains dentre eux seraient impossibles si certains autres nétaient pas réalisés. Doù la nécessité pour produire un grand bien de tolérer un ou plusieurs maux qui en sont la condition. Comment avoir les effets heureux du travail sans la douleur de leffort ? La souffrance est nécessaire à la production dun bien supérieur. Tout cela, vous l'avez fort justement dit.
Le mal moral : cest le péché avec tous ses degrés. Dieu linterdit et nous fait un devoir de nous en abstenir. Mais entre deux maux il a du choisir le moindre : ou ne pas créer ou créer à condition daccepter des fautes morales (condition du meilleur monde possible). De toute façon, la faute est heureuse qui nous vaut Dieu comme Rédempteur...
Problème : il faut prouver, sans renoncer à la théorie de lharmonie préétablie, comment lhomme créé par Dieu, cet homme criminel, peut rester punissable devant Dieu. Ni Dieu ni lhomme nont un libre-arbitre. Cela est inconciliable avec les principes de contradiction et de raison suffisante. Rien qui nest sa raison dêtre. Donc pas daction qui ne soit déterminée. Prenons un homme : il a un certain caractère que Dieu lui a donné pour ses fins. Le libre arbitre est une illusion et Spinoza a raison : si nous croyons au libre arbitre, cest parce que nous ignorons les causes qui déterminent nos actions. Comment deslors concilier liberté et déterminisme ?
C'est là que prend place la théorie de laction volontaire : "Les motifs inclinent sans nécessiter". Les motifs inclinent la volonté. A mesure que lesprit réfléchit sur un acte, la volonté se porte vers son exécution ou sen éloigne. Elle renonce à ce que lentendement lui représente comme totalement ou relativement impossible. Elle tend à accomplir ce qui lui apparaît bon, à éviter ce qui lui apparaît mauvais au divers sens de ces deux mots. Sa détermination est ainsi la manifestation du désir qui après fluctuation sincline dans un sens défini.
Mais si les motifs "inclinent" la volonté, ils ne la nécessitent pas. Il y a une certaine nécessité que le monde soit ce quil est mais elle nest ni mathématique ni métaphysique : elle est morale. Cest seulement dans la mesure où il est bon que le monde soit ce quil est quil existe comme il est. Cest seulement dans la mesure où il était bon pour lensemble des choses que certains motifs sollicitent et déterminent mon vouloir comme ils le font que jagis comme jagis. Le pécheur est libre et Dieu ne change pas la liberté de son action : il est donc coupable, ce pécheur !
Tentons de rendre les choses encore plus clairement par l'analyse conceptuelle du possible, du probable, du contingent qui font varier la notion dexpérience.
1) La grande différence entre Leibniz et Descartes sur ce point est que le premier rattache sa conception du possible à une logique incrée, le second à une logique créée. Dans les deux cas, possible signifie : qui nimplique point contradiction, mais chez Descartes cela sentend dans notre pensée, et chez Leibniz dans lêtre. Chez Descartes, Dieu nest soumis à aucune loi, et les idées nont pas par elles-mêmes dactivité formalisatrice. Le passage de notre possible au réel sarticule sur la foi en la véracité divine (cest-à-dire un don gracieux de la divinité). Cela interdit à Descartes daffirmer la rationalité du réel. Doù un double constat en apparence paradoxal chez Descartes : le possible est de moindre extension que le réel, par rapport à linfinie réalité; mais il est dextension supérieure, en tant que notre entendement peut être la mesure du réel (lâme est cause de la représentation du monde). Il y a deux possibles : celui dune cause possible, déduit de certains effets constatés (et les possibles sont alors en nombre infini) ; celui dun effet possible, induit à partir de causes constatées (et alors lesprit affirme sa supériorité).
Conclusion : lorsquun système hypothético-déductif se complexifie en étant cohérent et conforme à lexpérience, on est en droit de considérer que ses conclusions sont vraies (mais ce nest quune certitude morale, laquelle nest élevée au rang de certitude physique que par la médiation de la véracité divine : cest elle qui tient la place de la logique incrée, absolue, que Descartes refuse).
Leibniz soppose radicalement à cette vision du monde : sa logique est incréée, et Dieu ne crée plus les essences, lesquels tendent deux-mêmes à lexistence. Le réel est donc rationnel par soi, et sexprime entièrement dans la connaissance. Si tout se fait mécaniquement, ce nest quau niveau phénoménal : létendue et le mouvement sont des phénomènes bien fondés sur la nature des monades qui relèvent de lâme. Lidée réelle des essences en Dieu comprend un situs et un choix (qui enveloppe donc la contingence). Ainsi, pour toute monade, quel que soit son état de développement, une cause est aussi une raison. Le réel ne dépasse pas le possible dans la mesure où il nen est que lactualisation - et quand à notre connaissance, si elle est bornée ce nest quintensivement (et pas extensivement comme chez Descartes). Nos possibles en revanche peuvent dépasser lexpérimentable parce quils comprennent plus de compossibles quil nen est effectivement porté à lexistence. Doù une différence radicale dans la compréhension de lactivité rationnelle : elle consiste à expliciter chez Leibniz et à reconstruire chez Descartes. Tous deux ont cependant besoin de lexpérience pour combler lécart entre la généralité des possibles et la singularité du réel. Cependant elle na pas le même sens : chez Descartes, elle est une facilité que soffre le géomètre face à une déduction récalcitrante, se permettant de considérer le problème résolu pour repartir des figures quil aura suggérées (rôle déductif de lexpérience) ; chez Leibniz cest léchec du logicien qui exige un recueil des faits dont le classement fera de lui-même surgir un ordre (rôle inductif de lexpérience).
2) Nous navons cependant pas épuisé la notion de possible : sa notion renvoie à celle de contingence. Chez Descartes, le contingent institue le possible dans la mesure où notre logique est elle-même crée, donc contingente ; chez Leibniz, le possible contribue à fonder le contingent (chez les deux, le contingent définit lexistentiel). Chez Descartes, la contingence dépend de la volonté : celle de Dieu qui crée essence et existence de façon arbitraire. La volonté (divine comme humaine) est un coup de force qui bouleverse lordre en cours : la vérité sinstalle dans linstant actuel, elle est discontinue, et cette discontinuité est inhérente au volontarisme. Ce qui signifie que Dieu aurait pu sans contradiction créer un monde absolument différent, cest-à-dire impensable pour notre logique ; tandis que cest impossible chez Leibniz, pour qui Dieu aurait pu créer un monde relativement différent mais toujours soumis aux mêmes lois logiques (puisquelles sont éternelles). Chez Descartes, la possibilité de lois scientifiques nest garantie que par le fait que nos possibles sont les possibles de ce monde (le monde est logiquement, cest-à-dire légalement, exprimable, parce que la physique et les mathématiques ont été concréées). Cependant lintuition comme critère de la logique nous empêche de décrire notre raison comme un ensemble de principes, et de nous appuyer sur une logique de linfini.
Chez Leibniz, un être doit pour exister être possible, cest-à-dire ne pas impliquer contradiction, donc impliquer la série totale, infinie, de ses prédicats. Or, il nest pas contradictoire quun être semblable, mais non identique, existe (différant par quelques détails infimes), mais un tel être ne serait pas compris dans la même série : le fondement de la contingence, cest le principe du choix du compossible, cest-à-dire le principe du meilleur. Aucun terme nest transportable dun compossible à lautre, parce que chaque ensemble est réglé de façon interne par lexpression qui lie tous ses termes de façon nécessaire. Lexpression implique donc que "tout conspire", cest-à-dire que linfinité des prédicats de chaque substance corresponde au contexte dune infinité de substances. De plus si tout se tient, ce nest pas seulement dans linstant : lentrexpression toute spirituelle affirme le principe de continuité dans le temps (le repos absolu est impossible). Cest à partir de ces considérations que Leibniz critiquera les lois cartésiennes du choc. Descartes en effet, puisquil admet la discontinuité spatiale et temporelle du mouvement, sinterdit de lier par une variation continue la réalité de la cause à celle de leffet : il manque ainsi dun principe dordre (cosmos) pour la nature, au lieu que le cosmos de Leibniz est un tout parfaitement déterminé, composé de monades dans lesquelles la perception renferme une multiplicité dans lunité. La logique de la contingence, par le biais de cette infinité représentée dans la perception, débouche donc sur cette constatation : lanalyse dune vérité existentielle est interminable (le tout fini du monde réel enveloppe un infini de série). Les vérités de fait exigent donc leur propre principe logique qui surmonte cette interminabilité : le principe de raison suffisante en tant quil englobe une connaissance finie de linfini sériel par sa raison (au sens mathématique). La contingence qui avait sa racine dans le choix divin la retrouve ici dans le principe de raison suffisante, en tant que raison de ce choix : cest le principe du meilleur, cest-à-dire la considération des causes finales. Dieu considère, ou bien des essences générales, dont lanalyse est terminable et ramenable à la maxime du non-contradictoire comme rectrice du possible, ou bien des essences particulières, dont lanalyse nest pas terminable, et qui non seulement se soumettent au non-contradictoire mais encore au principe de raison suffisante, lequel renvoie chez Dieu à un jugement de perfection. Autrement dit, la contingence nest compréhensible quen référence à la volonté divine (or, chez Descartes cette volonté satteint par analogie avec la volonté infinie de lhomme, mais lanalogie nest que partielle puisquen revanche seul Leibniz ramène cette infinie puissance de vouloir à la considération de son motif : chez Descartes, elle est créatrice de ses motifs ; chez Leibniz, lidée elle-même est active et le jugement nen traduit que lordre). Différence radicale : chez Descartes, nous ne pouvons pas même savoir si Dieu choisit, et à supposer quil choisisse nous ne pouvons pas dépasser la considération de linspiration divine comme raison du choix. Chez Leibniz, cette inspiration est réflexion : le devoir moral et religieux nous oblige à affirmer que Dieu choisit, et nous devons distinguer entre la détermination du meilleur (entendement) et le choix du meilleur (volonté).
Le principe du meilleur implique lidée de perfection, qui est compréhensible comme quantité dessence, cest-à-dire (en tant quon considère lessence comme fons prædicatorum) comme le maximum de variété dans lharmonie. Cest la volonté, concernant les faits, qui exige le principe de finalité (alors que selon lenseignement dAristote la finalité est absente des mathématiques). Les éléments de la perfection ainsi visée par Dieu ne sont pas eux-mêmes parfaits, mais leur agencement est le plus parfait possible (comprendre : le possible le plus parfait, parce que la formule nest pas restrictive). Descartes voudrait pour juger de la perfection de loeuvre divine pouvoir considérer dun coup dil (intuitif / instantané) toute la collection des êtres ; Leibniz se contente den considérer lharmonie telle quelle sexprime dans la perception de chacun dentre eux. Enfin, si la volonté implique le jugement, le jugement nimplique pas la volonté : il ny a quune liaison synthétique (contingente) entre le jugement du meilleur et sa création, qui ne relève plus de la nécessité logique mais de lobligation morale ; la perfection métaphysique sachève en perfection morale.
3) La finalité serait donc la racine de la contingence (ou, pour mieux le dire : la finalité sauve la contingence en introduisant une nécessité morale là où il ny avait plus de nécessité logique ; ce qui revient à dire que la finalité est la racine de la compréhension de la contingence), parce que le jugement incline la volonté mais ne la nécessite pas. Elle est donc déterminée par la considération dun modèle (les anciens avaient dans ce domaine réussi à concilier lexigence dun cosmos avec la pensée de linfini en adoptant la forme du cercle ; Leibniz a dautres ressources grâce à la géométrie des infinis). Pour Leibniz, non seulement le monde est une fin de Dieu, mais de plus la finalité sarticule sur lorganicité structurelle de lunivers, laquelle implique non seulement la pluralité mais aussi la diversité absolue assurée par lindividualité de chaque monade (principe des indiscernables : chaque monade est une comme totalité/série infinie de prédicats). Cest pour cette raison que lon ne peut constituer un monde à partir de la seule considération dune masse étendue, dont les parties sont identiques comme les lieux du mouvement qui lanime, parce qualors la force nest plus que comme attribut externe et il ny a plus de différence interne entre un corps en mouvement et un corps en repos. Le mécanisme leibnizien ne prend ainsi son sens que repris dans le finalisme. Dautre part, en plus de la considération du choix divin et de lorganicité, la finalité exige que lorganicité soit celle dune totalité : cest pourquoi le monde de Leibniz est plein, parce que le vide métaphysique serait aussi un vide logique, cest-à-dire une indétermination qui fausserait la signification de lensemble. Cest également pour cette raison que lidée dune monade qui ne percevrait pas toutes les autres est contradictoire : un ensemble bien défini ne peut contenir déléments étrangers à la loi qui le définit. Lensemble des effets (toutes les perceptions de toutes les monades) équivaut à la cause entière. Au contraire, si tout se tient chez Descartes, ce nest que par la communication du mouvement dans la matière étendue (qui exclut les propriétés dune âme). Le principe de continuité efface cette distinction parce que Leibniz envisage le phénomène de la force comme étant à la fois analogue de lâme et source du mouvement. Ainsi est fondé le principe de lordre général : cest comme unicité et variété de cet ordre que Leibniz pense loptimum : le plus déterminé devient pour la volonté divine le plus déterminant. Cest par un argument dordre que Leibniz critique les lois cartésiennes du choc et de loptique, argument qui est étayé par la considération des causes finales, que Descartes a dédaigné en physique (puisquil se préoccupe autant ou plus de mesure que dordre : or seul ce qui est susceptible de dernier degré est susceptible de perfection, ce qui exclut le nombre et la figure). La perfection ne peut donc pas être un maximum quantitatif, mais un optimum qualitatif (indifférent au grand et au petit) : un dernier degré comme plénitude de lessence. Cette perfection globale nimplique cependant pas la perfection de chacune des parties du tout, mais seulement sa détermination maximale eu égard au tout : ainsi le monde est absolument le plus parfait des possibles, et non le moins mauvais relativement.
Deux modes dexplication du monde sont alors possibles : en expliquant le tout par les parties, on met en avant les causes efficientes ; en expliquant les parties par le tout, on met en avant les causes finales. Mais il ne suffit pas de parler de totalité organique pour décrire une fin : il faut également prendre en compte le but à atteindre, cest-à-dire lorganisation du futur. La dynamique de Leibniz prend tout son sens en tant quelle ramène le principe de finalité dans la monade, comme formalisme. La monade réhabilite en effet la théorie (aristotélico-scolastique) des formes substantielles : toute substance est en effet forme comme analogue de lâme (et pas comme esprit puisque ce terme est réservé aux substances morales). Une forme est une fonction (et non pas une machine intégrée à une fabrique, comme le décrit le pur mécanisme). Cela ne signifie pas que le mécanisme soit inopérant : il décrit en effet une "version" de la réalité sous un certain point de vue. Cependant, on ne doit pas oublier que la machine artificielle se différencie de la machine naturelle par ce que la seconde est organisée à linfini, et unifiée de façon interne par la causalité finale, ce qui ne saurait avoir lieu dans les machines de lart. Cest lunité formelle qui commande et permet la finalité interne du vivant, subordonnant ainsi le mécanisme (compris comme règne de la nature, sive des causes efficientes) au finalisme (compris comme règne de la grâce, sive des causes finales). Cest cette unité de la finalité au mécanisme qui échappe à Descartes.
Si tout est ainsi lié comme entrexpression, le temps lui-même est continu : le présent est chargé du passé et gros de lavenir, parce que le temps nest que le point de vue (lordre) sous lequel les substances déploient la série infinie de leurs prédicats. Ainsi, de même que Dieu, qui à proprement parler nexiste pas (il est), se trouve hors du temps comme cause de la série mondaine, de même (analogiquement) la monade est atemporelle par rapport à la série de ses prédicats, puisquelle les contient tous analytiquement, et quon pourrait la déplier dans linstant si elle ne déployait pas elle-même cette série dans le temps. Le temps est donc lexpression (lordre) de lactivité substantielle (doù limpossibilité du repos absolu). Chez Descartes, linstant de la création, qui est commencement et continuation du temps, nest pas lui-même temporel : il est éternité, cest-à-dire immutabilité qui conserve (par exemple la quantité de mouvement). Descartes ne joint pas à ce principe de permanence les principes du changement, et ne peut donc plus remonter du mouvement à la force. Ce nest dailleurs que par Dieu que la continuité du temps (y compris pour mes différents états de conscience, puisque le cogito et en général lévidence ne vaut que dans linstant de lintuition) est assurée. Cette durée est non finalisable. Dieu, chez Descartes, conserve parce que ne pas conserver serait une imperfection morale, une inconstance en référence au volontarisme qui définit la théologie cartésienne. Le temps se confond chez Descartes avec la création librement (au sens darbitrairement) continuée, alors que chez Leibniz il est un ordre de rapports logiques que la création a organisé une fois pour toutes (lharmonie est préétablie). Ainsi le mouvement chez Leibniz ne pourra pas être expliqué en vertu du seul principe de changement de position locale : il faudra aussi considérer ce qui dans le mû est force de changement. Cest pourquoi, un corps mû est réellement différent de ce même corps en repos. La force vive (ou motrice), dont mv nest que la différentielle, exprime quelque chose de métaphysique qui échappe à la géométrie, et qui justifie le rétablissement des formes substantielles scolastiques.
En bref : le monde ne peut être fin pour Dieu que si celui-ci propose un modèle achevé à sa volonté (alors que Descartes en fait une puissance brute qui produit sans modèle un monde indéfini); mais le modèle organique (intégration réglée dune infinité de parties, qui définit loptimum) ne suffit pas, il faut lui adjoindre la considération du monde comme but. Cest ainsi que se découvre un principe dordre général qui contredit Descartes selon lequel les fins de Dieu sont impénétrables (ce qui nest vrai en fait que des fins particulières). Le point central du débat est le suivant : il est impossible pour Leibniz daborder létude du monde sans des principes architectoniques.
Dieu étant parfait, ne peut-il pas vouloir un autre monde ? Cette difficulté invite Leibniz à distinguer trois sortes de destinée : de Mahomet, des Stoïciens et des Chrétiens.
La destinée mahométane est un fatalisme accompagné du sophisme paresseux. Devant sa maison qui brûle, le mahométan ne fait rien et attend que la volonté dAllah se réalise en brûlant tout ou en sauvant une partie de la maison : il remercie. Le Stoïcien sait que le destin sait que la maison brûlera ou pas. Ne connaissant pas le livre du destin, il jette de leau pour éteindre. Si lincendie continue quand même, il se résigne sans joie. Cest dans le christianisme que réside la vérité : le chrétien se demande en toute circonstance ce qui est conforme à la volonté présomptive ou antécédente de Dieu. A la lumière des axiomes moraux, il agit comme il pense que Dieu veut quon agisse. Ensuite, il se résigne sil na pu empêcher et remercie Dieu en se réjouissant de ce qui est arrivé.
Dieu est un maître mais surtout il est un bon maître. Sans doute, la vie a des instants pénibles mais chaque Monade étant sans parties est indécomposable. Aucune ne peut périr naturellement. Nous pouvons donc croire à limmortalité des âmes. Les découvertes microscopiques viennent de révéler des semences animales (les animaux spermatiques). Nous existons sous cette forme avant notre naissance. Nous existerons sous une autre forme après notre mort. Notre destinée éternelle sécoule ainsi dans des alternances qui nous amènent tantôt sur un grand, tantôt sur un petit théâtre. Doù la possibilité et la certitude, au cours de ces métamorphoses, du châtiment pour les criminels, et de la béatitude pour les honnêtes gens.
Sous le fumier de la scolastique, de lor était caché. Dans chaque philosophie, il y a quelque chose de bon à prendre. Dans latomisme, dans le cartésianisme, dans le thomisme. Leibniz prend le bon et corrige le mauvais. Logiquement, il aboutit à lentière vérité. Est-ce si sûr ? Notre monde est-il le meilleur monde possible ? Voltaire a répondu en évoquant les aventures lamentables de Candide et du philosophe Pangloss. Le système de Leibniz est-il la vérité : avec les Monades, lharmonie préétablie, la nécessité non mathématique mais morale, la responsabilité de lhomme face à Dieu, linnocence de Dieu créateur dune création non nécessaire ?
Marsh Posté le 17-06-2006 à 18:28:25
l'Antichrist a écrit : |
Vous n'aimez pas beaucoup le dialogue apparemment.
Il y a trop de points qui demanderaient a etre éclaircis dans tout ce que vous avez écrit j'ai quoté la fin car elle me parait seule cadrer avec le sujet qui, je le répète, porte sur les différentes conceptions du mal et au dela, sur la possibilité du bonheur (je vais d'ailleurs renommer le topic).
En mathématique et dans les sciences exactes, une equation est d'autant plus belle qu'elle est simple et d'autant plus parfaite qu'elle est belle; et en philosophie ?
A quelqu'un qui a soif vous ne lui donnez pas a boire , vous le noyez
Imaginez vous au chevet d'un mourant, pensez vous que de tels discours puissent l'interesser ou lui redonner l'envie de vivre ?
Ne pouvez vous pas d'une part, synthétiser davantage, d'autre part, faire autre chose qu'interpreter les grands penseurs ?
La philosophie est une balance, elle mesure la valeur de la vie. C'est en cela que l'on peut dire que tout etre humain est philosophe (au moins sur son lit de mort).
Il y a sans doute du bon dans ce que vous avez ecrit, il faudrait juste l'extraire de sa gangue ( je ne dis pas "de boue" ).
En bref, on ne devrait que dire du bon et rien que du bon! ( dans le sens de: ce qu'on retient
Exemple : Pour schopenhauer: " la vie oscille comme un pendule de la souffrance a l'ennui"
Marsh Posté le 17-06-2006 à 19:01:59
Pour ma part, je me référerai simplement au philosophe grec Platon.
Alors qu'il était plongé dans ses réflexions sur le sophisme et la destinée mahométane, il tint devant ses disciples la citation suivante, devenue célèbre depuis lors : "Le bonheur, c'est simple comme un coup de fil !"
Marsh Posté le 19-06-2006 à 14:02:12
Notre grand génie, Antichrist, se montre d'une modestie à toute épreuve...
On chercherait en vain, dans ce pseudo-cours indigeste, la moindre formule laissant
à penser que notre philosophe a un jour connu le moindre doute...
En philosophie, il faudrait toujours commencer et finir par "je sais que je ne sais pas"
qui est peut-être la plus haute expression du savoir !
S'agissant du mal et du bonheur, qui sont, dans leur articulation, les questions
de ce topic...
Je me bornerai pour l'instant à m'élever contre ceux qui veulent nous faire croire
que le mal n'existe pas. Ca fait peut-être très bien dans une discussion de salon.
Mais le propos n'en demeure pas moins scandaleusement indécent à l'égard des victimes
de la barbarie...
Marsh Posté le 19-06-2006 à 14:05:49
ReplyMarsh Posté le 19-06-2006 à 15:58:02
minusplus a écrit : on peut v'nir à votre private party ? |
Plus on est de fous plus on rit.
Tout le monde est le bienvenu s'il a quelque chose a dire, et tout le monde devrait avoir quelque chose a dire sur ce sujet.
Mais bien que nous sommes soi disant dans la société de communication, il y a de plus en plus de bruit et de moins en moins de communication.
Marsh Posté le 19-06-2006 à 17:12:22
C'est marrant mais je vous trouve, messieurs, encore plus arrogants que l'Antichrist, celui-ci ayant peut-être quelque... droit ? à l'être.
"J'ai l'esprit de synthèse, j'aime aller en profondeur plutot qu'en étendue."
Diantre, quelle modestie. Mais éclairez-moi sur un point : de quelle matière pensez-vous être capable de faire la synthèse ? Quand à votre amour des profondeurs, j'ai vu dans ce sujet beaucoup d'amour et peu de profondeurs. Par conséquent, faute d'avoir trouvé l'intelligence dont vous vous targuez, j'y vois plutôt la plate excuse de l'homme jaloux de ne pouvoir égaler celui qu'il sait supérieur, le désir de ce que l'on n'a pas se dissimulant sous la complaisance pour le peu que l'on a. La Fontaine n'y avait pas pensé : la grenouille qui ne veut pas se faire ausi grosse que le boeuf.
Citation : Vous n'aimez pas beaucoup le dialogue apparemment. |
Chuuuuuuuuuuuuut. Les questions à la fin du cours.
Citation : Imaginez vous au chevet d'un mourant, pensez vous que de tels discours puissent l'interesser ou lui redonner l'envie de vivre ? |
Agonisez-vous ? Si c'est le cas, vous tâchez les fauteuils de ce salon, aussi pourrais-je me permettre de vous conseiller de vous rendre à l'hopital le plus proche ?
Citation : faire autre chose qu'interpreter les grands penseurs ? |
Au moins les interpréte-t-il bien et sans grossièretés, ce qui ne semble pas être votre cas.
Citation : La philosophie est une balance, elle mesure la valeur de la vie. C'est en cela que l'on peut dire que tout etre humain est philosophe (au moins sur son lit de mort). |
Je ne comprend pas bien ce qu'est cette mesure de la valeur de la vie. Quels sont les poids, l'étalon de cette balance ? Puisque c'est le cas de tout Homme, à quelle occasion effectuons-nous cette opération, hormis sur notre lit de mort ? Et pourquoi spécialement sur son lit de mort ?
Citation : On chercherait en vain, dans ce pseudo-cours indigeste, la moindre formule laissant |
Vous savez, il existe des gens qui ne sentent pas obligés de placarder sur leur porte "que nul n'entre ici s'il n'est modeste, sympa, cool, pas prise de tête". Qui ne sentent pas obligés de laisser tout au long de leur messages des marques olfactives de leur appartenance aux toutous de forum.
Vous savez, il existe même des gens qui croient à ce qu'ils disent.
Citation : En philosophie, il faudrait toujours commencer et finir par "je sais que je ne sais pas" |
Vous avez peut-être entendu parlez de ce contemporain de Socrate, Netiket, qui disait "je ne poste pas si je n'apporte rien à la discussion"... ?
Citation : S'agissant du mal et du bonheur, qui sont, dans leur articulation, les questions |
Roulements de tambour...
Citation : Je me bornerai pour l'instant |
Merde, y aura une suite.
Citation : à m'élever contre ceux qui veulent nous faire croire |
Woah, je suis scié.
Merci de votre appel, auditeur suivant !
Bonjour Charles, vous habitez à Strasbourg je crois !
Marsh Posté le 19-06-2006 à 18:54:29
Ache a écrit : Avec une étude aussi éminemment active et actuelle, et comme il s'agit de réduire tout rapport au sacré, pourquoi continuer à parler de "Dieu" (même et surtout quand ce n'est plus du Dieu de la logique) ? Et pourquoi "l'intégration de la tradition chrétienne dans cette étude avec la figure du Christ..." ?? Pourquoi pas plutôt l'idée d'une communauté artistique ? Non pas une condition religieuse donc, mais une condition esthétique. En effet, on peut reprendre l'intuition de Schopenhauer et surtout le magnifique L'Oeil et l'Esprit de Merleau-Ponty, selon lesquels finalement le geste artistique peut donner cette "connaissance du troisième genre". Le geste artistique, c'est précisément ce savoir qui ne dépend d'aucune méthode ou démarche particulières, et dès qu'une démarche est explicitée, elle devient elle-même son propre a priori/a posteriori, au sens où la démarche est contemporaine à l'acte de création - tel un "se faisant". Resterait le problème de la réduction pour arriver à un engendrement : l'idée serait qu'il s'agit là d'un défi artistique possible et tentant. Comme montré dans le texte de Merleau-Ponty, la tradition rationaliste classique a rendu les conceptions de l'art mal famées, alors qu'il s'agit du geste fondateur de la "sapience". L'idée est donc la suivante : l'épreuve qui ne se donne pas dans des preuves logiquement déduites mais qui ne demande qu'à être "lue", c'est ce que donnerait un tel travail artistique, jusqu'à l'exacte coïncidence entre ce qui est engendré et ce qui est éprouvé. Partant, le critère d'un tel geste et savoir artistiques serait alors moins une monstration qu'une reconstruction et une re-création d'une existence singulière, ce qui est très précisément le programme d'une philosophie de la cognition (à venir). |
Je ne vous oublie pas rassurez-vous ! Je vous réponds dès que possible... Il y a beaucoup à dire, même si, pour le coup, nous allons vraiment sortir du cadre de ce topic...
Au passage, merci à baptiste R pour sa réaction...
Marsh Posté le 20-06-2006 à 03:25:30
Bon, finalement il aura peut etre quand meme servi a quelque chose ce topic, trés indirectement.
La discussion n'a pas commencé mais contre les prises de becs sont immédiates.
voici une des racines du mal ( du moins du mal-etre, du mal-vivre):
Dés que l'on essaye de parler d'autre chose que de banalités, les hommes refusent de discuter et/ou sont incapables de se comprendre.
Peut etre bien que les bouddhistes ont raison, on ne peut etre heureux que dans le renoncement.
Marsh Posté le 20-06-2006 à 03:48:50
Waooo
c'est marrant de voir qu'en 3 posts le sujet tourne aux invectives et autres remontrances.
Je n'ai pas de culture en philo malheureusement mais je propose néanmoins la voie du milieu.
Celle du tao de lao tzeu.
En plus c'est rapide à lire eheh.
En ce qui concerne le bonheur et vos longs textes je m'arrete à chaque fois que je tombe sur dieu : que diable vient il faire dans vos raisonnements ? (comme un cheveu sur la soupe).
Le problème vient peut être de l'égo et dieu est le seul pretexte accepté par tous pour le mettre entre parenthèse...j'en sais rien...
Marsh Posté le 20-06-2006 à 12:10:38
Baptiste R a écrit : C'est marrant mais je vous trouve, messieurs, encore plus arrogants que l'Antichrist, celui-ci ayant peut-être quelque... droit ? à l'être. |
Ah oui ? lequel ? Môssieur serait agregé ? docteur ?
Pour ma part, je suis docteur en philo et si je ne prends pas la peine
de répondre à Antichrist...
C'est d'une part que j'estime que ce qui se pense clairement s'énonce clairement.
D'autre part, que je n'ai pas la patience de lire un mauvais digest de Leibniz,
d'où toute réflexion personnelle est désespérément absent...
Sur une question telle que le mal et le bonheur, cela prête à sourire...
Omettre enfin Heidegger, Sartre, Kierkegaard et Nietzche...
sur un tel sujet... c'est zéro au bac !
Marsh Posté le 20-06-2006 à 12:47:01
Citation : |
Tout à fait d'accord. Les posts de certains ici sont si mal écrits et sybillins qu'ils en deviennent incompréhensibles.
Citation : D'autre part, que je n'ai pas la patience de lire un mauvais digest de Leibniz, |
Eh doc, L'Antichrist fait des posts d'histoire de la philo parce qu'il estime qu'il y a des imprécisions et des grossiéretés chez certains. Reprocher à quelqu'un son impersonnalité lors d'un contrôle de connaissance, c'est hors-sujet.
Citation : |
Sauf s'il choisit le commentaire de texte et que celui-ci porte sur Leibniz. Vous avez vraiment le bac ?
Marsh Posté le 20-06-2006 à 16:53:25
Baptiste R a écrit : Sauf s'il choisit le commentaire de texte et que celui-ci porte sur Leibniz. Vous avez vraiment le bac ? |
1/ Je ne savais pas que nous étions sur un topic dédié à Leibniz, sorry.
2/ Non, j'ai juste un CAP de tueur à gages !
Marsh Posté le 12-07-2006 à 16:08:37
l'Antichrist a écrit : Je ne vous oublie pas rassurez-vous ! Je vous réponds dès que possible... Il y a beaucoup à dire, même si, pour le coup, nous allons vraiment sortir du cadre de ce topic... |
Marsh Posté le 31-01-2007 à 17:31:45
edit : ya eu effacage de post
Marsh Posté le 03-02-2007 à 17:27:54
Ya eu up surtout.
Marsh Posté le 03-02-2007 à 20:08:20
balsamo a écrit : Bon, finalement il aura peut etre quand meme servi a quelque chose ce topic, trés indirectement. |
C'est dommage, ton topic était très intéressant
Et pour messires les sartristes, égéries la référence, voici de quoi méditer:
Citation : Si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c'est que vous ne le comprenez pas complètement |
Tu peux même faire un rapprochement entre le Bouddhisme (et l'animisme) et ton hypothèse Spino-stoicienne
Marsh Posté le 03-02-2007 à 22:16:25
Pour la femelle il peut paraitre évident que le mâle existe. Mais c'est pas certain. Sauf dans certains bars à quadras.
Marsh Posté le 04-06-2006 à 11:06:06
Y a-t'il vraiment une différence ?
Tout d'abord je vais exposer brièvement ce que j'ai cru comprendre de ces 2 systemes :
- Pour les Stoiciens le mal n'existe pas.
Il n'existe pas car il n'y a pas d'individus, nous ne sommes tous que d'infimes parties de l'etre unique, impersonnel, c'est a dire la nature.
Tout ce qui arrive est déterminé et constitue ce qu'on pourrait appeler " les respirations du grand etre". Nous ne pouvons rien changer au monde excepté nos opinions, cela seul dépend de nous.
Le bonheur ( je dirais plutot l'absence de malheur, la paix) consiste a se comporter suivant la nature (a travers la raison), c'est a dire a accepter ce qui est.
Le seul "bien" ( entendu au sens de richesse) c'est donc l'honnete.
-Pour Leibniz, non seulement le mal existe mais il est nécessaire.
Dieu, bien que transcendant, n'est pas tout puissant, il est soumis a la nécessité. Il a crée ce monde, le meilleur possible ( ou plutot le moins mauvais), parmis une infinité de mondes possibles.
Il a tout calculé dans ces moindres détails mais: " dans ce monde il ne peut faire que 2 et 2 ne font pas 4".
Il est soumis a la logique en somme.
Le mal est nécessaire pour que le bien existe.
Par exemple, presque tout le monde sera d'accord avec l'idée selon laquelle le Bien consiste a ce que tous les etres soient heureux , mais pour qu'un prédateur soit heureux, il lui faut des proies. Et pour rester trivialement parmis les humains, certains diront qu'ils seraient heureux de pouvoir s'acheter telle ou telle chose a moindre prix, mais pour que les prix baissent il faut que les ouvriers qui produisent ces choses soient moins payés: Riches et Pauvres, exploitants/exploités ....
Je dirais que la doctrine stoicienne, si elle permet la paix, exclue l'amour car trop passive, donc elle exclue le bonheur.
La doctrine Leibnizienne c'est un peu pareil, elle exclue l'amour car elle ne permet pas de "s'engager".
Une petite remarque en passant: Je trouve une grande ressemblance dans la doctrine Stoicienne avec la philosophie de Spinoza:
Un dieu immanent, pas de libre arbitre avec toutefois la possibilité pour la "partie" de connaitre le "tout" et d'accepter ce qui est (et meme la joie de vouloir ce qui est parce que l'on comprend ce qui est).
Bon certes, il y a plus de 2000 ans la société, la connaissance du monde, l'expérience de l'histoire étaient différentes. Et en ce qui concerne Spinoza je pense que son esprit brillant l'a ammené a pecher par optimisme ( joie toute intellectuelle)
Voila, il y a matière a discussion, mais si ça ça fait un bide, ça voudra dire que ma conception du mot "discussion" est erronée.
Message édité par balsamo le 17-06-2006 à 18:29:39